« Il faut libérer le Mauritanien Biram Dah Abeid » (Le Monde Afrique)

biram-dah-abeid-a-nouackchott-le-19-juin-2014Leader d’un mouvement pour l’abolition de l’esclavage, Biram Dah Abeid est détenu depuis un an dans la quasi-indifférence générale. Son cas illustre un mal profond dans cette République islamique qui peine à bâtir un Etat unitaire.

 

En Mauritanie, il n’y pas une nation : il y a les Maures, les Haratines, les Halpulars, les Wolofs, les Soninkés… Le pays a un passé douloureux, entre tensions communautaires et exclusion du champ politique d’une partie des citoyens du fait de leur couleur de peau.

Il traîne aussi un passé lourd en vies humaines perdues. Le souvenir de la mort du talentueux écrivain Tène Youssouf Guèye, en 1988, dans des conditions de détention inhumaines pour délit d’opinion, hante encore les esprits.

En outre, persiste en Mauritanie le barbare fléau de l’esclavage au mépris de tous les principes qui régissent la liberté individuelle et les droits fondamentaux. Ni le récit des morts de la prison de Oualata, où ont péri nombre d’intellectuels noirs, ni la publication du Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé de 1986, encore moins la condition déplorable des réfugiés dans des camps au Sénégal n’ont pu ramener à la raison les autorités du pays.

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Combien de Mauritaniens croise-t-on sur les terres de l’exil ? Entre espoir d’un retour hypothétique au pays natal et drame de ne plus poser un regard sur les aires de jeu d’une enfance insouciante. On croyait le pays prêt à changer de paradigme après la chute du sanglant dictateur Maaouiya Ould Taya en 2005. Mais l’esclavage et la répression des défenseurs des libertés individuelles constituent encore aujourd’hui une sombre tache sur le visage du pays.

La Mauritanie ne peut faire l’économie d’un changement de gouvernance. Il faut que les autorités du pays, au-delà des déclarations d’intention, s’engagent à abolir la pratique de l’esclavage et ouvrent un dialogue inclusif qui est le seul gage d’une réconciliation nationale et d’un pardon mutuel. Le pays doit quitter le sinistre lot de ceux qui bâillonnent les opposants et la société civile et choisit d’aller dans le sens de l’histoire.

Une logique de crispation de la vie politique

Hélas, le récent refus d’accorder le récépissé au parti Forces progressistes du changement formé par les anciens militants clandestins des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) montre que les autorités ne sont pas dans une logique de décrispation de la situation politique. Le cas de la Mauritanie rappelle que, malgré tous nos débats sur l’émergence africaine, cet idéal demeurera sans effet ni sens si la liberté est un vain mot sur le continent.

Car le cas de Biram Dah Abeid n’est pas isolé en Afrique. Beaucoup de militants politiques ou acteurs de la société civile croupissent dans les geôles africaines, souvent dans un état désastreux. Certains le sont suite à des simulacres de procès. D’autres n’ont même eu droit à cette machination méprisante des règles élémentaires de respect de la dignité humaine. La place de Biram Dah Abeid n’est pas dans une prison. Elle est aux côtés de sa fille née alors qu’il purge une détention arbitraire. Chaque nuit passée dans sa cellule d’Aleg est un recul dans le combat que les progressistes doivent mener pour construire une Afrique nouvelle dans laquelle une opinion ne conduit pas son auteur derrière les barreaux

 

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