Mauritanie : Dérive de chasse ciblant les personnes d’ascendance africaine Compendium narratif, septembre 2025
مبادرة إنبعـــاث الحــــركة الانعتـــــــاقية
INITIATIVE DE RESURGENCE DU MOUVEMENT ABOLITIONNISTE EN MAURITANIE
IRA
RÉCÉPISSÉ N° FA 010000102912202100001
Mauritanie : Dérive de chasse ciblant les personnes d’ascendance africaine Compendium narratif, septembre 2025
Depuis la signature du partenariat UE-Mauritanie en mars 2024, officiellement destiné à lutter contre l’émigration clandestine vers l’Europe, un nouveau chapitre s’est ouvert dans la gestion sécuritaire des frontières en Afrique de l’Ouest. Derrière les discours de coopération et de développement se profile en réalité une politique brutale, où la Mauritanie semble avoir trouvé une couverture idéale pour lancer une véritable chasse aux étrangers d’origine subsaharienne, mais aussi, plus grave encore, pour renouer avec les pratiques anciennes de déportation de ses propres citoyens noirs, cette fois à l’abri des critiques occidentales.
L’Union européenne, obnubilée par la sous-traitance de la surveillance de ses frontières, ferme les yeux sur les dérives de son partenaire. Elle cautionne de fait une entreprise sécuritaire qui, sous couvert de contrôle migratoire, bafoue les droits les plus élémentaires de la personne humaine. Les témoignages rassemblés dans ce compendium — récits de rafles nocturnes, détentions arbitraires, expulsions brutales, humiliations quotidiennes, enfants séparés de leurs parents — révèlent une mécanique bien huilée d’exclusion ciblée et de stigmatisation ethnique, qui dépasse largement la seule question migratoire.
Ce document ne prétend pas à l’exhaustivité, mais il donne à entendre les voix que la raison d’État et les stratégies diplomatiques préfèrent faire taire. Il met en lumière l’impréparation flagrante des institutions mauritaniennes face à un défi qu’elles transforment en opportunité pour renforcer des logiques internes de domination et d’exclusion des communautés noires autochtones. Pire, il interroge le coût humain — et moral — d’une coopération qui, en tolérant ces « dégâts collatéraux », affaiblit les fondements mêmes de la cohésion sociale et compromet à long terme la stabilité régionale.
I. Nationaux et mixtes
Cas 1
Yaya Gueye, mauritanien, fils de Mamadou Gueye et de Fatou Gueye, né en 2004, à Nouakchott
Ses parents sont originaires de Kaédi et il appartient au groupe linguistique des pulaarophones. Mécanicien automobile de profession, il officie dans un garage situé au Ksar et réside à El Mina. Les deux lieux-dits sont des municipalités de la Communauté urbaine de Nouakchott (Cun), la capitale.
Tout commence l’après-midi du 22 avril 2025, après-midi : Par un audio WhatsApp, un militant de l’Ira lance, à ses camarades défenseurs des droits humains, un appel à l’aide : Un garçon Peulh a été arrêté par la police depuis 48 heures. Il portait sa tenue de travail et venait de descendre d’un taxi au carrefour Ould Mah, un croisement de la circulation réputé à Nouakchott. Il sera conduit dans un centre de rétention pour migrants, en attente d’un refoulement immédiat. Vers quelle destination ? Mamadou Gueye est Mauritanien, non détenteur d’une autre nationalité.
Les militants de l’Ira se précipitent sur place. La première arrivée est la députée Mariem Cheikh Dieng, qui rencontre, à proximité du centre, la famille du jeune homme, notamment sa mère, totalement bouleversée. Après s’être informée de la situation, l’élue donne l’alerte et d’autres militants du mouvement la rejoignent.
24 heures après son arrestation, malgré la présence, sur les lieux, de ses géniteurs ainsi que d’un frère et d’une sœur, tous deux plus âgés que lui, Yaya Gueye reste dans le centre. La famille subit alors un traitement humiliant, en particulier le père, auquel les autorités demandent de se soumettre à un prétendu test du marqueur de paternité. Incidente ironie du sort, les juges locaux de droit musulman, refusent la preuve par l’Adn, au prétexte qu’elle serait une innovation (bid’aa) contraire aux pratiques judiciaires des débuts de l’Islam. La Mauritanie traverse le temps à reculons, d’où la persistance, en son sein, d’étrangetés et de paradoxes que la loi tolère ou organise.
Finalement, Yaya et d’autres jeunes Mauritaniens détenus avec lui furent libérés grâce à la levée spontanée des activistes et sympathisants de l’Ira. Face à la médiatisation immédiate de l’affaire et à l’afflux de la foule rameutée par le scandale d’une discrimination flagrante, les 10 jeunes sont exfiltrés du centre de rétention et transférés au commissariat central d’Arafat, autre commune de Nouakchott. Là, le commissaire principal de police reçoit l’ordre de procéder à une enquête en diligence afin de vérifier la nationalité des susdits.
Sur les 10 personnes arrêtées, 5 recouvrent la liberté, le soir même, à 22h00, devant le bâtiment, pratiquement assiégé par la foule.
Vidéo : La mère de Yaya Gueye préfère que son fils ne témoigne pas, craignant d’éventuelles représailles. Toutefois, d’autres membres de l’entourage familial se disent prêts à prendre la parole.
Cas 2
Kalidou Samba Diallo, fils des défunts Samba Walel Diallo et Penda Ba, né en 2000 à Karokoro, commune de Gouraye, région du Guidimakha. Orphelin de père et de mère, Kalidou est d’ethnie Peulh et a été élevé par son oncle paternel, Amadou Walel Diallo.
Kalidou été arrêté parce qu’il ne détenait des documents d’état civil et ne fut libéré qu’avec la vague des 5 personnes relâchées lors de la mobilisation du 22 avril 2025, après avoir passé près de deux mois en détention. Il avait même été déporté au Mali, avant son renvoi, en Mauritanie, à sa propre demande, les autorités de la destination ayant fini par déférer à ses instances.
Pourtant, dès que l’oncle a appris le lieu de sa détention, il s’y est rendu muni des cartes d’identité des parents décédés de Kalidou. Un autre oncle paternel s’est également déplacé mais tous deux se sont heurtés à un refus catégorique de libérer leur neveu. La police exigeait la présentation d’un certificat de filiation délivré par un juge, un document que la justice mauritanienne n’émet plus. En l’absence de directives claires et d’un fichier centralisé qui actualise l’accès aux lois et règlements, les divers segments de l’administration appliquent, chacune, des normes parfois anachroniques.
C’est sans doute l’aspect le plus pathétique de la gouvernance nomade, un inextricable fouillis d’improvisation, d’anarchie et d’incompétence, sous le bouclier du népotisme tribal. La plupart des tensions sociales en résultent.
Les deux oncles de Kalidou ont alors établi domicile devant le centre de rétention, lui apportant, sans répit, de quoi le nourrir malgré leurs faibles revenus. Chaque jour, avec l’énergie et l’abnégation du désespoir, ils tentaient d’obtenir sa libération face à l’intransigeance d’un appareil d’Etat sourd à leurs supplications. 24h après la sortie de son neveu, Amadou Walel Diallo l’oncle paternel et tuteur de Kalidou diffuse, sur WhatsApp, un message largement relayé auprès des groupes pulaarophones de discussion. Il y relate, par le menu détail, l’infortune de la famille et attribue, la délivrance de son neveu, à la perspicacité des partisans de l’Ira.
Vidéo : https://www.youtube.com/shorts/jGi0TNazyhQ
Audio : https://youtu.be/5GJ4faMRmrw?si=h6PhtqXAZ7z7cY9L
Cas 3
Mahamedy Sidi Traoré, fils de Sidi Traoré et de Guidakha Sissokho dite Diaara, âgé de 24 ans, d’ethnie Soninké, habitant de la commune d’El Mina (Nouakchott), originaire de la localité de Coumbandaw, région du Guidimakha.
Il est arrêté le 21 juin 2025 alors qu’il se rendait à la boutique. Sa mère Guidakha effectuera des dizaines de va-et-vient au commissariat de El Mina 3, appelé aussi Dar Beydha.
Après 72 heures d’isolement, Mahamedy recouvre la liberté, grâce à l’intervention acharnée de Guidakha, en compagnie de son frère et d’un ami du détenu. Sa libération n’a été possible qu’après le paiement d’une somme de 4 000 Mru (100 euros). Le commissaire de police leur réclamait 5 000 Mru mais, à l’issue de négociations, le montant fut revu à la baisse.
Guidakha Sissokho est mariée à Sidi Traoré, un septuagénaire domicilié à Coumbandaw. Le couple a 10 enfants, dont aucun n’est enrôlé, car Guidakha elle-même n’a pu obtenir ses papiers qu’en 2023.
Dans le témoignage qu’elle et ses enfants ont livré à notre organisation, ils expriment un profond sentiment de détresse, appelant à l’aide pour leur permettre d’accéder à la citoyenneté administrative. Sans preuves d’identité, la progéniture vit dans la peur et n’ose plus s’aventurer au dehors, encore moins travailler.
Guidakha a accepté de témoigner à visage découvert, notamment au travers de messages audios où elle relate, avec éloquence, les épreuves traversées. Elle y décrit également son activité professionnelle, précisant que sa rémunération journalière ne dépasse pas 150 Mru.
Au début d’août 2025, Mahamedy a été de nouveau enlevé par des éléments des forces de l’ordre qui se sont introduits dans leur domicile familial. Il a passé 6 jours dans le camp de rétention situé au quartier Carrefour avant d’être libéré, cette fois-ci sans qu’aucune somme d’argent ne soit exigée. Son arrestation et la sortie consécutive ne répondent à aucune logique et démontrent, plutôt, les dysfonctionnements d’un système profondément dégradé par l’impéritie, la vénalité et l’amateurisme.
Malheureusement, la situation de cette famille nombreuse ne cesse de se détériorer : Les enfants n’osent plus sortir de chez eux et Guidakha elle-même est actuellement malade. Leurs moyens de subsistance s’amenuisent.
Vidéo : https://www.facebook.com/share/v/1GQQfK1C3C/
Cas 4
Sidi Alioune Mamadou Thiam, fils d’Alioune Mamadou Thiam et de Salimata Amadou Dia, né en 2003 à Nouakchott, est un Mauritanien d’origine pulaarophone, il habite à El Mina et y exerce le métier de tailleur. Il est issu d’une famille déportée au Sénégal en 1989. Son père, Alioune Mamadou Thiam, originaire du Gorgol, est gravement malade et souffre d’un handicap moteur. Sa mère, Salimata Amadou Dia, ménagère, originaire de Bababé, pourvoit à la survie de la famille.
Sidi a été arrêté devant son atelier de couture, emprisonné par la police durant 6 jours puis chassé au Sénégal, malgré l’intervention de ses parents qui ont tenté de s’opposer à son expulsion.
Il lui sera opposé de ne pas s’être fait enrôler, et surtout, d’avoir failli à parler le hassanya. Le Sénégal l’a renvoyé vers la Mauritanie, d’où son retour largement médiatisé, grâce à l’intervention de 2 députées de l’opposition antisystème, Mesdames Ghamou Achour et Marieme Cheikh Dieng. Elles ont porté l’affaire devant l’Assemblée nationale, lors d’une séance plénière.
En dépit de l’état de santé critique de son père, les autorités du poste-frontière mauritanien exigeaient que Sidi regagnât, à ses propres frais, le passage de Rosso-Mauritanie. Le voyage antérieur de sa mère pour prouver que Sidi est bien son fils n’a eu aucun effet.
Les cas semblables ne manquent et le préjudice, une fois reconnu, n’est jamais réparé. Aucune mesure d’accompagnement ni de correction des erreurs policières n’est mise en place par le ministère de l’Intérieur. Le plus souvent, ces situations touchent des familles démunies, pour qui même un simple déplacement à l’intérieur de Nouakchott relève du défi. Alors, effectuer plusieurs allers-retours vers des postes-frontières — le moins éloigné étant à 3 heures de route et le plus distant à 15 — devient une épreuve insurmontable.
Lui et ses parents, malgré la peur des représailles, ont accepté de témoigner à visage découvert devant la caméra.
Vidéo:
Cas 5
Bibi Keita, fils d’Abdoulaye Keita et d’Aissata Gadio, pulaarophone, âgé de 45 ans, né à Sebkha, dans la capitale.
Au début de mars 2025, il marchait avec son frère, en direction de leur domicile situé à Sebkha, commune populaire de Nouakchott. À la sortie de l’ancien jardin maraîcher, il sera appréhendé par un policier dénommé Bangoura, un personnage tristement célèbre au quartier. Les riverains lui attribuent la commission récurrente et jamais punie, de voies de fait, de racket et même de viol.
Bibi Keita est autiste et orphelin depuis son jeune âge. Il est marié et père de 2 enfants. Son frère et lui ne possèdent de pièce d’identité. Lors de l’arrestation, le frère s’est opposé avec véhémence, allant jusqu’à proposer de prendre la place de Bibi. Il s’est même accroché au bassin du pick-up de la police pour empêcher le rapt. En réponse, les policiers l’ont violemment roué de coups avant de le jeter hors du véhicule, emmenant Bibi seul.
Alertée, la famille part immédiatement à sa recherche. Au commissariat de Sebkha 2, proche du lieu de l’interpellation, elle apprend que Bibi a été transféré ailleurs, sans plus ample explication. Pendant 48 heures, les siens restent privés de ses nouvelles et ne parviennent, non plus, à le localiser.
Finalement Khady Sall, la tante maternelle – militante locale du parti au pouvoir (Insaf) dans ladite commune – réussit à déterminer l’endroit où Bibi croupit, grâce à son réseau de relations. Lorsqu’elle s’y rend en compagnie d’autres parents, ils apprennent, non sans stupeur, que Bibi Keita a été expulsé au Mali.
Bibi Keita est Mauritanien, fils de parents eux-mêmes Mauritaniens, aujourd’hui décédés, tous originaires de Maghama — une localité sinistrement célèbre, où le jeune Ousmane Mangane a été tué, par balle, en 2011, lors d’une manifestation contre l’enrôlement discriminatoire. L’homicide provoqua une série d’émeutes dans la ville et alentour. Déterminée, la tante de Bibi se rend jusqu’à la frontière avec le Mali.
Le commissaire de police de la localité mauritanienne de Ghabou, région du Guidimakha, lui confirme avoir bien reçu Bibi Keita, avant de le refouler, hors du territoire, avec un groupe de migrants présumés.
Arrivée au Mali, Khady Sall rencontre un officier de police, lequel lui confirme, à son tour, l’entrée de Bibi. Cependant, sous le coup de la colère et de l’indignation, l’interlocuteur malien lui tient, en substance, un ultimatum véhément : « Je ne peux pas comprendre que non seulement vos forces de l’ordre maltraitent nos enfants et les renvoient massivement au Mali, mais que vous osiez maintenant venir les chercher chez nous. C’en est trop ! Vous avez 10 minutes pour quitter le territoire malien, sinon je vous fais arrêter. »
Depuis sa disparition, Bibi Keita n’a jamais été retrouvé.
L’ensemble des autorités administratives locales de Sebkha et la Direction générale de la sûreté nationale (Dgsn) sont informées du cas. Pourtant, aucune mesure concrète n’a été prise pour le retrouver. Sa famille a d’ailleurs témoigné, devant la caméra et sollicité la compassion et l’aide du sommet de l’Etat.
Vidéos :
1. https://www.tiktok.com/@youssouph.kamara.o/video/7526568745586773254?is_from_web app=1&sender_device=pc
2. https://www.tiktok.com/@youssouph.kamara.o/video/7526573355911269688?is_from_web app=1&sender_device=pc
3. https://www.tiktok.com/@youssouph.kamara.o/video/7526576327219055877?is_from_web app=1&sender_device=pc
4. https://www.tiktok.com/@youssouph.kamara.o/video/7526589794210630968?is_from_web app=1&sender_device=pc
5. https://www.tiktok.com/@youssouph.kamara.o/video/7526591401786707206?is_from_web app=1&sender_device=pc
Cas 6
Moussa Bilal Sidibé, né en 2000 à Diogountouro, région du Guidimakha, fils de Bilal Sidibé et de Boye Sidibé, Soninké, résident au quartier Koufa, commune de Sebkha.
Le samedi 5 juillet 2025, il prend congé de sa mère malade et de son frère, qui se rendaient à l’hôpital. Lui, partait au travail.
Après 08 heures du matin, Moussa est interpellé au quartier dit Arrêt-Bus, alors qu’il s’apprêtait à conduire une voiture afin de rejoindre son poste. Un véhicule de la Garde nationale, en patrouille, l’arrête. Les agents lui réclament sa pièce d’identité. Moussa répond qu’il n’en possède pas mais allègue sa nationalité mauritanienne et décline l’identité de ses employeurs.
Les agents lui rétorquent alors qu’il n’est pas Mauritanien mais Malien. Malgré ses protestations et face aux violences que les gardes infligeaient à d’autres interpellés devant lui, il préfère obtempérer. Sommé de monter à l’arrière du pick-up, il s’exécute. Avant que son téléphone ne soit confisqué, il parvient à avertir un grand frère et le patron. Il est d’abord déposé à l’intérieur d’une caserne de la Garde nationale puis transféré, à 14h, dans un commissariat de police de la banlieue de Nouakchott, avant de rejoindre, sous bonne escorte, le centre de rétention de triste réputation, sis derrière l’ex-Bataillon blindé (Bb), au quartier Carrefour.
Moins de 24 heures après la diffusion d’un enregistrement réalisé, en direct sur Facebook, par les militants de l’Ira et la famille – où les circonstances insolites de l’interpellation illustrent l’arbitraire en cours – Moussa est libéré et rentre seul, chez lui, à pied, sans son téléphone.
À sa sortie, Moussa livre un témoignage éloquent au sujet des conditions de détention. Il décrit, en détail, le comportement abusif des forces de l’ordre lors des rafles et dévoile la situation catastrophique et inhumaine du camp de rétention.
Il atteste, sur l’honneur, avoir assisté à des bastonnades en règle, dont l’une, infligée à un ressortissant du Sénégal qui protestait contre les mauvais traitements.
Il affirme n’avoir reçu à manger que deux fois en 4 jours, contraint d’uriner dans des bouteilles d’eau minérale usagées. L’accès aux toilettes n’était permis qu’une fois par 24 h.
Moussa dénonce la promiscuité extrême et le surpeuplement du centre, d’où la précarité de l’univers carcéral.
Vidéo 1:
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Vidéo 2:
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Cas 7
Mohamed Brahim (Babou), Mauritanien d’une vingtaine d’années, d’origine Wolof, habitant du quartier Basra, de la commune de Sebkha.
Le 14 juillet 2025, il publie, sur sa page Facebook (Mouhāmēd Brāhim), un récit poignant, dans lequel il relate le calvaire que sa famille et lui ont vécu, 10 jours plus tôt. Les tribulations de ses voisins, dont il livre des bribes, confirment la brutalité, l’absurdité et les dérives ségrégationnistes de la politique migratoire de la Mauritanie. Il s’agit de violences sur le corps, violations de domicile, humiliations appliquées aux membres d’une même famille, abus de l’intimidation, insultes racistes et xénophobes…
Lien Meta : https://www.facebook.com/share/p/1CL66W7vik/?mibextid=wwXIfr
Cas 8
Md Mouls, pseudonyme de Moulaye Ismaël Siby, fils Sidi Siby et d’Oumou Sangharé d’extraction Metis Peulh et Bambara, né en 1973 à Rosso et grandi dans les milieux Hratine de Nouakchott.
Le 22 ou le 23 juillet 2025, l’artiste, très engagé dans la promotion du civisme et de l’éveil citoyen, est arrêté par la police, en compagnie de son ami et cameraman. Ils sont aussitôt détenus dans un lieu tenu secret. L’appareil de répression leur tient grief d’un court sketch humoristique où ils caricaturent le comportement abusif de certains agents, à l’intérieur des commissariats de police à Nouakchott. La vidéo, à l’image des productions antérieures sur ses comptes Facebook et TikTok, bénéficie d’un succès retentissant.
Dans son film bref, Md Mouls appelle les forces de l’ordre à faire preuve d’empathie, de respect et d’humanité envers leurs concitoyens. Son message, pacifique, a suscité un réflexe de coercition. Pendant sa détention, il a été intimidé mais resta ferme sur ses convictions. Il lui aurait été demandé, en vain, de publier une vidéo d’excuses auprès de la police.
Lui et son camarade ont été libérés et placés sous contrôle judiciaire après plusieurs jours de détention.
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Cas 9
Mahmoud Kawourou Doucouré, Soninké, né le 08 novembre 1987 à Djigueny, connu à l’état civil comme Mahmoud Kawrou Brahim.
Le nom lui aurait été attribué, sans son consentement, par des fonctionnaires de l’enrôlement biométrique, en vue d’expurger la mention d’une dénomination plus courante au Mali et de lui substituer un patronyme arabe. L’anecdote en dit long sur les ruses obliques de l’assimilation. La victime indirecte est autochtone, natif du village de Minthmeyditt, situé à 9 kilomètres de Djigueny, région du Hodh El Charghi, à cheval sur la frontière avec le Mali. Mahmoud sollicite le secours de l’Ira, après l’expulsion de son épouse, détentrice assumée de la nationalité malienne. L’origine des 2 remonte aux racines du peuplement Soninké, dans l’espace Baxxunu, composé de 7 localités en Mauritanie et d’une quarantaine au Mali. Depuis des générations, les familles, de part et d’autre de la ligne de démarcation virtuelle, entretiennent des liens étroits avec leurs proches, au travers de mariages mixtes, de fêtes et de travaux saisonniers. Quasiment chaque foyer porte la marque de l’interpénétration. Côté mauritanien, à l’inverse du Mali, les nouveaux couples, dès lors qu’ils sollicitent des certificats d’union civile, subissent de fastidieuses vérifications à cause du zèle d’une bureaucratie en quête mécanique de bakchich.
Pire, à l’occasion de l’inscription sur le registre mauritanien des populations, les agents de l’état civil reçoivent, pour consigne, de modifier les noms Soninké et de les remplacer par des prénoms de Hratine. L’objectif inavoué relève de l’arabisation a minima. Il consiste à fondre, les premiers, dans la communauté servile chez les Maures arabo-berbères. La manipulation constitue une atteinte grave à l’identité des deux groupes.
En juillet 2025, l’épouse de Mahmoud Doucouré a été arrêtée. Au centre de rétention du quartier Carrefour (ancien camp Bb), il accourut, muni de la pièce d’identité malienne de madame et prouva, témoins à l’appui, qu’il s’agissait bien de sa conjointe. Le responsable des lieux, surnommé Mouhadarat (un titre signifiant “chef” dans le jargon de ces hommes en tenue), exigea la somme de 8000 Mru (200 Euro), en contrepartie de sa libération. Mahmoud a tenté de transiger, proposant 1500 puis 2000 Mru, c’est-à-dire l’intégralité de ses économies du mois. L’officier jugea la somme insuffisante, au motif qu’elle devait être partagée entre plusieurs bénéficiaires. Au terme du marchandage, il proposa 5000 Mru, mais Mahmoud ne put satisfaire à l’offre.
Trois jours plus tard, alors qu’il cherchait encore une solution, son épouse a été jetée dans un bus, avec d’autres personnes expulsées au Mali. Mahmoud se démenait, en conciliabule, à la recherche de recours obliques. Il s’efforçait d’empêcher la séparation, allant jusqu’à revendiquer, sans succès, sa propre déportation.
A la faveur des échanges avec nos équipes, Mahmoud a pris la parole, à visage découvert. Il racontait, avec loquacité, l’oppression sociale et culturelle que lui et les siens subissent chez eux, en Mauritanie. Pendant les entretiens précités, les autorités sécuritaires, administratives et judiciaires leur refusent le droit de parler Soninké. Elles les incitent à s’exprimer en dialecte Hassaniya sous peine de subir le reproche d’une nationalité frauduleuse. Au prétexte de la conformité à une certaine interprétation de l’islam, les filles sont invitées à adopter les codes vestimentaires des Mauresques, dans une tentative, à peine déguisée, de négation des droits universels à la diversité. Ici, la religiosité sert de paravent à l’hégémonie, contribuant à sacraliser celle-ci.
Grâce à sa propre pugnacité, Mahmoud a pu faire revenir son épouse dans leur village natal de Minthmeyditt mais il ne sait comment faire pour qu’elle regagne Nouakchott.
Vidéo:
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Audio : https://www.youtube.com/watch?v=wsQG5i8rR94
Cas 10
Amadou Abdoulaye Abderahmane Diallo, dit Souleymane, fils de Abdoulaye Abderahmane Diallo alias Abou Abderahmane et de Haby Mamadou Coulibaly, né en 2002 à Bédinky, département de Maghama, région du Gorgol.
Très tôt orphelin de ses 2 parents, Amadou est Mauritanien, cadet d’une fratrie de 5 enfants.
Il réside à Sebkha, partagé entre sa chambre, le domicile de sa sœur aînée, celui de son oncle et le lieu de travail. Il est ouvrier d’un commerce tenu par des Chinois.
Le dimanche 10 août 2025, aux environs de 17 h, il est interpellé par une patrouille d’éléments
encagoulés de la Garde nationale qui lui demandent ses papiers. N’en possédant pas et n’ayant jamais été enrôlé, il affirme être mauritanien, originaire de Maghama. L’un des gardes, locuteur du Pulaar, lui attribue la nationalité du Mali et le somme de monter dans le véhicule. Durant le trajet, plusieurs autres personnes sont arrêtées. L’une d’elles propose un pot-de-vin de 3000 Mru (80 euros), accepté par les soldates qui isolent puis relâchent le prisonnier.
Amadou, avec 17 autres personnes, est transféré au camp de rétention derrière l’ex-Bataillon blindé (Bb), au quartier Carrefour. Tous affirment être Mauritaniens. Certains étaient enrôlés mais sans possession d’une carte d’identité, d’autres, comme lui, n’avaient jamais entamé les démarches. Les gardes communiquent exclusivement en Hassaniya, obligeant les non-arabophones à attendre la traduction. Le chef du camp, un Maure arabo-berbère, leur annonce que ceux capables de prouver leur nationalité seront libérés.
Les conditions de détention sont ainsi décrites :
• Une seule bouteille de 75 cl d’eau de robinet par personne, pour deux jours.
• Aucune nourriture la première nuit et seulement deux repas en cinq jours.
• Les besoins d’hygiène se font dans des bouteilles, à l’intérieur d’une grande salle commune.
• Les demandes de sortie (eau, nourriture, toilettes) nécessitent des paiements successifs de 200 Mru (5 €), aux gardes.
• 2 maigres repas, en cinq jours, une poignée de macaronis à partager entre 7 pensionnaires.
• Les protestataires sont violemment battus, notamment un ressortissant sénégalais.
Un transfert au Centre d’état civil permet une identification biométrique. Aucun membre du groupe d’Amadou ne possède de trace dans le système. Une autre poignée a plus de chance : 5 sont identifiés comme Mauritaniens, un enfant est libéré grâce à l’intervention de sa famille. Le mardi matin, une cuisinière pulaarophone, ainsi alertée, les aida à avertir les leurs.
Amadou est finalement libéré grâce à la mobilisation de militants de l’Ira. S’il était resté plus longtemps, confie-t-il, il aurait renié sa nationalité afin de fuir les traitements dégradants, même s’il ne connait nul autre refuge que sa patrie, la Mauritanie. Amadou a produit un témoignage exceptionnel de sa mésaventure, devant la caméra et parmi les siens.
Vidéo : https://www.facebook.com/share/v/19sA5XHY1M/?mibextid=wwXIfr
Cas 11
Houreye Demba Gaye est une jeune femme mauritanienne d’une vingtaine d’années. Elle est orpheline de ses deux géniteurs, Demba Gaye et Maïmouna Demba Anne.
Mère de trois enfants, dont un nourrisson pas encore sevré, elle fut arrêtée le 14 août 2025, durant 24 h.
Originaire de la ville de Kaédi, elle est mariée à Abdoulaye Diarra, un ressortissant malien, refoulé vers son pays juste après la fête de la Korité, en avril 2025.
Vidéo, audio : La vidéo et l’audio ne sont pas disponibles car, après avoir aidé à la libération de Houreye (dont nous retrouvâmes les sœurs sur place) et compte tenu de l’empressement de la victime à retrouver son bébé, le contact téléphonique n’a pas été possible, à cause de l’urgence.
II. Etrangers limitrophes
Cas 12
Pêcheurs sénégalais arrêtés au moment de leur débarquement (date, lieu, nombre)
Des pêcheurs sénégalais ont été arrêtés au moment de débarquer leurs prises sur la plage de Nouakchott, puis conduits au fameux centre de rétention du quartier Carrefour (ex camp Bb) de la capitale Nouakchott. L’Ira a été informée de la rafle grâce à un proche des détenus, accompagné de son ami mauritanien, venu leur apporter à manger.
Présents alors qu’ils portaient assistance à Amadou Abdoulaye Diallo dit Souleymane, les activistes de l’Ira ont assisté à la scène, par hasard :
Les agents chargés de recevoir les visiteurs et de fournir des informations ont exigé, un numéraire, en échange de la remise du repas, au détenu. Devant le refus de payer, les forces de l’ordre ont chassé, le Mauritanien, des abords, l’enjoignant de s’éloigner avec ses deux colis.
Vidéo : Le Sénégalais, comme d’autres étrangers, n’a pas voulu témoigner devant une caméra. La plupart craignaient des représailles contre leurs proches restés en Mauritanie. Certains espéraient revenir.
Observation
Les témoignages rassemblés dans ce document ne prétendent pas à l’exhaustivité. Ils constituent cependant une matière précieuse : des récits concrets, intimes, souvent douloureux, qui révèlent la réalité d’un système pensé pour exclure, humilier et dissuader. Ces expériences individuelles, loin d’être des cas isolés, forment un tableau cohérent d’une politique de harcèlement ethno-racial, où la citoyenneté reste conditionnelle et profondément inégalitaire.
Au-delà de l’arbitraire quotidien et des brutalités observées, ce qui se joue ici est la banalisation d’un appareil de contrôle sans garde-fous, nourri d’improvisation, de ressentiments anciens et de calculs politiques à courte vue. Un tel dispositif, s’il permet momentanément de contenir ou masquer certains flux migratoires, expose en réalité la Mauritanie à ses propres fragilités internes : fractures sociales exacerbées, défiance envers l’État, perte de légitimité des institutions.
Il faut rappeler que le régime mauritanien, au-delà de son autoritarisme, est miné par une corruption systémique. À de nombreuses reprises, il a été épinglé par des organisations internationales de défense des droits humains pour ses pratiques discriminatoires, ses détentions arbitraires, et sa répression ciblée des communautés noires autochtones. Cela n’a pourtant pas empêché l’Union européenne de lui confier, en toute connaissance de cause, la gestion externalisée d’une partie de sa politique migratoire.
En choisissant de sous-traiter à un régime aussi discrédité la surveillance de ses frontières, l’Europe ne peut ignorer les conséquences humaines et politiques d’une telle décision. En soutenant une politique aussi imprudente que discriminatoire, elle devient complice d’un système aux dérives prévisibles, et se condamne à gérer demain les effets déstabilisateurs de ce qu’elle aura encouragé aujourd’hui. Car à mesure que l’Afrique de l’Ouest s’enfonce dans la crise, le coût de cette vision sécuritaire, à la fois aveugle et court-termiste, ne cessera d’augmenter — humainement, politiquement, et stratégiquement.
Nouakchott, le 4 Septembre 2025
IRA (Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste)
mail : ira.mauritanie2021@gmail.com
Tel : 00222 31012887