Birame s’attaque au pouvoir judiciaire (Cheikh Aïdara)
Birame s’attaque au pouvoir judiciaire
Au cours d’une conférence de presse organisée lundi 28 septembre 2020 dans un nouveau siège de l’organisation antiesclavagiste IRA qu’il préside dans le populeux quartier de PK 10, Birame Dah Abeid, député à l’Assemblée Nationale, a fustigé le pouvoir judiciaire qui ne suit pas selon lui, le mouvement réformateur introduit par le président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani dans la gouvernance politique, à travers l’indépendance des pouvoirs et la consolidation de l’Etat de droit.
«L’indépendance de la justice, un vœux pieux que le pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazouani a instauré, est malheureusement utilisée par les juges pour servir les esclavagistes et les milieux d’influence, au détriment de la primauté du droit et de la justice». C’est autour de cette attaque contre le pouvoir judiciaire en Mauritanie, que le député et président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), Birame Dah Abeid, a introduit la conférence de presse qu’il a animée lundi 28 septembre 2020 au PK 10 à Nouakchott.
Selon lui, seuls les pauvres et les sans appuis subissent les foudres de la justice mauritanienne, les nantis, les fils des grandes tribus et les milieux d’influence étant assurés de l’impunité, quelle que soit la gravité des crimes commises. Et de citer trois cas de viol qui ont secoué cette année 2020 l’opinion publique, dont l’un suivi de grossesse sur mineur et un autre suivi de meurtre dont les auteurs ont été soit soustraits à la justice, soit innocentés ou en voie d’être absous par la formule magique consacrée, «transgression des interdits d’Allah », une porte ouverte à l’impunité.
Il s’agit notamment, cite-t-il en substance, du cas du commandant de la brigade de gendarmerie de Touil au Hodh Gharbi, Mohamed Taleb Ould Mohamed Mokhtar accusé d’avoir enceinté sa bonne de 12 ans, Toutou Mint Kaber. Après deux mois de détention préventive, il bénéficiera d’une liberté provisoire délivrée par un magistrat de la Cour Suprême, ce qui lui a permis de quitter tranquillement le pays, laissant derrière lui une famille éplorée, une gosse qui a donné naissance à un bébé qui n’a pas survécu, avec tout le traumatisme psychologique et les douleurs de l’enfantement.
Le deuxième cas est celui d’un fils d’une grande famille maraboutique vénérée, Hattab Ould Youba Zeine, accusé lui aussi d’avoir violé et enceinté une fille qu’il était censé soigné, Enne Mint Mousse. Celui-là ne sera même pas insculpé ni arrêté, sous le poids de l’influence de sa famille et de sa tribu.
Le troisième cas est celui de Moima Mint Mohamed Amar, violée puis tuée froidement. Selon Birame, les inculpés se sont vus accusés de «transgression des interdits d’Allah», une formule souvent utilisée par les magistrats quand ils cherchent à absoudre un crime sexuel.
Par contre, dira-t-il, trois jeunes issus des classes serviles à Adel Bagrou sont aujourd’hui jugés après une incarcération de 8 mois sur une simple accusation de tentative de viol par une femme, dont les motifs purement politiques découlent d’un règlement de compte pour punir les familles de ces jeunes pour avoir voté pour Birame Dah Abeid, lors des dernières présidentielles.
Fustigeant l’appareil judiciaire et son iniquité dans un pays qui se réclame «Phare de l’Islam et terre des hommes pieux», il est honteux dira Birame qu’une pareille justice puise perdurer avec des magistrats qui défigurent son image et transgressent les dispositions de la loi. Aussi, ajoutera-t-il, le dossier de l’enquête parlementaire sur la décennie de gabegie est-il entré dans une zone d’ombre une fois transmis à la justice, alors que le Parlement a rempli en toute impartialité sa mission de contrôle sur l’action du gouvernement passé et que le pouvoir Exécutif a décidé de ne pas s’immiscer dans le travail de la justice.
Mais face à la dérive des magistrats, dont l’indépendance semble être confisquée au profit des puissants de ce pays, Birame Dah Abeid en appelle au Président de la République pour soigner le «bras gangréné » de son pouvoir, par la convocation urgente du Haut Conseil de la Magistrature afin d’examiner les dérives des magistrats et d’apporter les correctifs nécessaires. Il en va, selon lui, de la préservation de la paix civile et de la cohésion sociale qui ne peuvent être maintenues qu’à travers l’instauration d’un système judiciaire soucieux de l’application de la loi dans toute sa rigueur et dans toute son impartialité sans considération de classe, d’origine ou d’appartenance.
Cheikh Aïdara