Interview de Biram avec Le Courrier du Sahara

Le Courrier du Sahara –

Deuxième d’une présidentielle remportée par le président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz, le militant anti-esclavagiste Biram Dah Abeid revendique sa place sur l’échiquier politique mauritanien. «Le point culminant de notre action est l’exercice du pouvoir en Mauritanie», prévient-il, dans une interview avec Le Courrier du Sahara.

Deuxième d’un scrutin boycotté par une large frange de l’opposition, avec 8,67% des voix selon des résultats officiels provisoires, Biram Dah Abeid veut désormais incarner l’opposition politique au chef de l’Etat. À 49 ans, le président de l’ONG anti-esclavagiste IRA et du parti RAG, deux structures non reconnues par l’Etat, se présente comme la seule alternative crédible au régime en place, avec pour objectif, à terme, de conquérir le pouvoir.

Plusieurs fois incarcéré, la dernière fois en 2012 après avoir brûlé des ouvrages religieux, légitimant selon lui l’esclavage, Biram Dah Abeid a conservé toute sa verve. Le lauréat du prix des droits de l’homme des Nations unies recevait les journalistes du Courrier du Sahara dans son bureau mardi soir 24 juin, quelques minutes avant sa première conférence de presse postélectorale.

Dans une conférence de presse dimanche 22 juin, votre directeur de campagne dénonçait des «fraudes massives» avec notamment «des bourrages massifs d’urnes dans 863 bureaux de vote situés essentiellement dans l’est et le nord du pays». Avez-vous fait recours ?

Effectivement, nous dénonçons des fraudes et nous avons formulé toutes ces dénonciations dans un recours que nous avons déposé ce mardi devant le conseil constitutionnel. Il y a eu des fraudes, des malversations, des pratiques contraires aux règles démocratiques. Notre objectif est, par un militantisme pacifique, d’arriver à éclairer l’opinion en utilisant les voies légales. La population doit être tenue informée des dérives qui ont émaillé cette élection là du début jusqu’à la fin.

Dans une interview à RFI, le président mauritanien n’a pas démenti l’information selon laquelle des membres de son entourage vous ont aidé à obtenir les signatures nécessaires à la validation de votre candidature. Pouvez-vous nous confirmer cette information?

Je ne suis pas au courant. La loi régissant l’élection présidentielle en Mauritanie prévoit, entre autres conditions, le parrainage de 100 élus municipaux à tout candidat voulant solliciter le suffrage des Mauritaniens. Nous avons sollicité les parrainages de ces élus nationaux à notre candidature. Nous en avons obtenus 153 issus de tous les partis politiques ayant participé aux dernières élections municipales et qui ont obtenus des élus. Et 41 de ces élus étaient du parti au pouvoir.

Quel est votre objectif à compter de ce jour? Vous affirmer en tant que leader de l’opposition?

J’ai toujours été le leader de l’opposition. Notre opposition est une opposition de principe et non pas une opposition pour une querelle de personnes et pour la défense d’intérêts égoïstes. Les partis du FNDU, c’est l’autre tête venimeuse du serpent parce qu’ils perpétuent l’esclavagisme. Ils perpétuent le racisme, la corruption et la gabegie. Ils se disent dans l’opposition mais il s’agit en fait d’une opposition dans le système. Que ce soit la majorité ou cette opposition là, ils reproduisent tous le même système de domination d’une minorité ethnique et de classe sur la majorité qui souffre de racisme et d’esclavage.
«Nous sommes les seuls à avoir des positions idéologiques différentes»

Nous sommes les seuls à avoir des positions idéologiques différentes. Nous luttons contre l’esclavage, contre le racisme, contre la gabegie et contre la corruption. La vraie opposition, c’est nous.

C’est nous qui sommes poursuivis devant la justice, avec cinq ou six procès par an. C’est nous qui allons dans les prisons rencontrer nos militants privés de liberté. C’est notre parti RAG qui est interdit. C’est notre organisation IRA qui est interdite. Nous somme les seuls à être empêchés de travailler. Les seuls à être pourchassés et radiés de la fonction publique.

Votre parti RAG et votre organisation IRA ne sont pas reconnues par l’Etat? Comment allez-vous faire pour poursuivre votre combat politique?

Au vu de cette légitimité populaire, le gouvernement aura de moins en moins d’arguments valables pour continuer à frapper d’illégalité notre organisation IRA et notre parti RAG. Le pouvoir doit maintenant reconnaître ces deux structures et les légaliser. Ce sont ces deux structures qui nous permettront d’arriver au pouvoir. Dès aujourd’hui, nous allons redynamiser notre cadre de travail, canaliser nos efforts et nos activités dans ces deux structures.
«Nous comptons prendre le pouvoir et je suis certain que nous finirons par y arriver»

Que visez-vous? La prochaine présidentielle en 2019?

Notre projet pour la Mauritanie dépasse la présidence et le pouvoir. Nous comptons prendre le pouvoir et je suis certain que nous finirons par y arriver. Mais tout ceci sera dépassé par notre volonté, notre ambition pour une Mauritanie démocratique, pour une Mauritanie plurielle, sans esclavage et sans racisme. Pour une Mauritanie sans menaces et sans inquiétudes pour la population.

J’insiste, mais cette présidentielle vous donne-t-elle désormais des idées pour 2019?

Je pense que Biram Dah Abeid et la mouvance qui l’accompagne ne pourront cesser cette action sans qu’elle atteigne son point culminant qui est la prise et l’exercice du pouvoir en Mauritanie.

En 2019?

En 2019 ou avant.

Avant ? Et de quelle manière?

Tout ce que je peux vous dire c’est que nous ne comptons pas arriver au pouvoir en dehors de la voie démocratique et électorale.

Le FNDU réclamait ces derniers mois la formation d’un gouvernement d’union nationale. Est-ce une idée qui vous a traversé l’esprit?

Non, jamais. Parce que jamais nous n’accepteront de participer à un gouvernement d’union nationale avec Mohamed Ould Abdel Aziz. Nous ne sommes pas comme cette opposition qui veut arriver au pouvoir à tout prix. Nous considérons que notre politique, notre vision, notre philosophie est incompatible avec celle de Mohamed Ould Abdel Aziz. Nous ne pouvons pas participer à l’exercice du pouvoir avec ces gens là. Nous sommes une organisation de rupture avec toutes les pratiques qui ont toujours existé en Mauritanie.

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