Mauritanie. Il faut que les candidats à l’élection présidentielle s’engagent à protéger les droits humains (Amnesty International)
Il faut que le prochain président mauritanien s’attaque de toute urgence à la situation déplorable du pays en matière de droits humains en adoptant une position plus ferme à l’égard de l’esclavage, de la traite des êtres humains et des attaques contre le droit à la liberté d’expression, y compris les manœuvres d’intimidation et le harcèlement visant les défenseurs des droits humains qui dénoncent la discrimination, ont déclaré Amnesty International, le Forum des organisations nationales de droits humains (FONADH) et 31 organisations locales de défense des droits humains le 3 juin 2019.
Ces organisations appellent tous les candidats à l’élection présidentielle de juin à signer un manifeste contenant 12 engagements en faveur de la promotion et de la protection des droits humains en Mauritanie.
« La situation des droits humains est précaire en Mauritanie. Toute personne qui ose lutter contre l’esclavage, la discrimination et les autres atteintes aux droits humains risque d’être arrêtée arbitrairement, détenue illégalement voire torturée. Le prochain président ne peut ignorer ces graves problèmes liés aux droits humains et doit s’efforcer de faire en sorte que les Mauritanien·ne·s dont les droits sont bafoués depuis si longtemps obtiennent justice et bénéficient de recours efficaces, a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« Il faut que le futur président rompe avec des décennies de violations flagrantes des droits humains en menant des réformes et en changeant les pratiques de sorte que les droits humains soient pleinement respectés. »
Il y a encore des milliers de personnes esclaves, et les Négro-Mauritaniens et les Haratines sont discriminés de multiples manières, y compris aux plans de l’accès à la justice et de l’enregistrement à l’état civil.
Depuis 2016, seulement deux personnes ont été condamnées par les tribunaux du pays compétents pour des affaires d’esclavage, alors que ces juridictions avaient été saisies de 47 dossiers, dans lesquels 53 suspects étaient impliqués. Malgré les nombreuses plaintes déposées auprès des tribunaux compétents pour connaître des affaires d’esclavage et de la police, la pratique consiste à faire attendre délibérément les victimes pendant une longue période afin de les décourager.
Actuellement, 24 nouvelles affaires attendent d’être transmises à ces tribunaux. Le manifeste appelle à prendre un engagement public en faveur de l’élimination de l’esclavage, de la traite des êtres humains et de la discrimination grâce à de nouvelles lois, politiques et campagnes. Il appelle également à adopter une nouvelle loi contre les violences faites aux femmes au cours de la première année du mandat du futur président.
En signant le manifeste, les candidats promettent de faire en sorte que, s’ils sont élus, leur gouvernement débloque des ressources suffisantes pour permettre à la police et à la justice d’identifier et de poursuivre les auteurs présumés d’actes d’exploitation. Ils s’engagent à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire en faisant réviser la Constitution de sorte que le président de la République ne soit plus à la tête du Conseil supérieur de la magistrature.
Le manifeste promet l’abrogation des lois qui érigent en infraction les activités liées à l’exercice du droit à la liberté d’expression, y compris les dispositions relatives à la diffamation, à l’apostasie et à la diffusion de fausses informations.
Entre la réélection du président Mohamed Ould Abdel Aziz en juin 2014 et mai 2019, les organisations de défense des droits humains ont recueilli des informations sur plus de 44 associations œuvrant à la promotion et à la protection des droits humains qui n’ont jamais été autorisées à mener leurs activités. Plus de 174 défenseur·e·s des droits humains ont été arrêtés arbitrairement et 17 d’entre eux au moins ont été torturés et soumis à d’autres mauvais traitements.
Par ailleurs, le manifeste contient des mesures destinées à réduire la durée de la détention provisoire tout en mettant fin à la surpopulation carcérale et en fermant tous les centres de détention privés afin de prévenir la torture et les autres formes de mauvais traitements.
Les autres engagements concernent les pratiques discriminatoires. Ils consistent, par exemple, à faire en sorte que les procédures d’état-civil soient simplifiées, libres et exemptes de toute discrimination fondée sur l’origine ethnique, et à mettre en œuvre une politique culturelle et linguistique inclusive afin que les populations non arabophones aient accès aux services essentiels.
Le manifeste propose de prendre des mesures spécifiques pour garantir la concrétisation et la jouissance totale des droits économiques, sociaux et culturels pour tou·te·s, comme des consultations approfondies entre le nouveau président et les populations locales sur la propriété foncière.
« Le prochain président a la possibilité de construire un pays où la dignité et les droits humains soient respectés et promus pour tou·te·s, a déclaré Mamadou Sarr, président du Forum des organisations nationales de droits humains (FONADH).
« Il faut que tous les candidats s’engagent publiquement à signer le manifeste qui fait des droits humains une priorité. »
Complément d’information
Le 22 juin, les Mauritanien·ne·s éliront leur président pour les cinq prochaines années. La campagne présidentielle débutera le 7 juin.
La Cour constitutionnelle a publié une liste provisoire de six candidats : Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed (Ould El Ghazouani), candidat du parti au pouvoir ; Sidi Mohamed Ould Boubacar, candidat du Rassemblement national pour la réforme et le développement ; Biram Dah Abeid, militant des droits ; Mohamed Ould Mouloud, Kane Hamidou Baba et Mohamed Lemine al Mourtaji al Wafi, candidats de la coalition d’opposition.
source : https://www.amnesty.fr/presse/mauritanie-il-faut-que-les-candidats-llection-prsi