Mauritanie : les détentions arbitraires de défenseur·es des droits des personnes migrantes doivent cesser ! (FIDH)




Le 13 octobre 2025, il a été interrogé sur le fond, le dossier a été aussitôt envoyé au parquet pour avis de clôture et la défense a introduit une demande de non-lieu. M. Camara risque d’un à trois ans d’emprisonnement. L’arrestation de M. Camara semble liée à son travail de dénonciation des maltraitances des migrant·es ouest-africain·es par les forces de sécurité mauritaniennes. À la veille de son arrestation, à l’occasion d’une assemblée de militant·es, il avait dénoncé, dans une vidéo publiée sur Tiktok, les brutalités policières et les arrestations et détentions au faciès.
M. Ablaye Ba, premier responsable de la commission migrations à l’IRA, a été arrêté le 26 avril 2025 par les forces de l’ordre mauritaniennes. Il est poursuivi pour « incitation et de propagation de la haine », « utilisation abusive des bases de données », et « discrimination ». M. Ba a comparu devant le juge d’instruction du premier cabinet du pôle anti-terroriste à Nouakchott le 5 juin 2025, audience à l’issue de laquelle il a été condamné à un an de prison dont six mois ferme et à une amende de 200 000 ouguiyas (environ 4 300 Euros) pour « utilisation abusive des bases de données » et « discrimination ». Il a fait appel de cette décision. Entre temps, M. Ba a obtenu une liberté provisoire sur une décision en référé du tribunal correctionnel de Nouakchott, le 1er octobre 2025, après avoir purgé cinq de ses six mois de prison. Le parquet, s’étant pourvu contre cette mesure, a obtenu l’annulation de l’ordonnance de liberté provisoire. Le 2 octobre 2025, soit le lendemain de sa libération, la police a démarré ses recherches et le 8 octobre 2025, M. Ba a été de nouveau arrêté et déposé à la prison civile de Nouakchott. Le 29 octobre, il a été libéré après avoir purgé l’intégralité de sa peine.
En avril 2025, en plus de Mme Warda Ahmed Souleymane, trois autres militant·es de l’IRA avaient été arbitrairement arrêté·es avant d’être plus tard libéré·es. Certain·es d’entre eux·elles avaient dénoncé des arrestations brutales et le harcèlement constant à l’encontre des personnes migrantes. M. Mohamed Samba Meyssara, responsable de la commission recensement de l’IRA et M. Mohamed Lemine Ahmed Salah, responsable du bureau de Boutilimit de l’IRA, ont été respectivement arrêtés les 8 et 17 avril 2025 et libérés les 17 et 24 avril, respectivement. D’autres membres, tel·les que M. Habib Fall, Mme Ahmed Khouma Chamekh et M. Mohamed Daoud Boushab ont également été victimes d’arrestations arbitraires respectivement le 8 mai, 31 juillet et 4 août 2025. Les deux premiers ont été libéré·es respectivement le 11 mai et 28 août 2025. M. Mohamed Daoud Boushab, arrêté en raison de son assistance à une victime d’expropriation, a été libéré le 13 octobre 2025.
L’Observatoire et l’AMDH constatent que l’espace civique en Mauritanie est de plus en plus restreint. Ces arrestations s’inscrivent dans une dynamique et tradition de répression des voix dissidentes dans le pays, notamment celles des défenseur·es et organisations qui militent contre l’esclavage par ascendance et pour le respect des droits des migrant·es ouest-africain·es. En mars 2025, dans le sillage du renforcement du partenariat entre la Mauritanie et l’Union européenne en matière de contrôle du flux migratoire, la Mauritanie a lancé une vaste opération d’expulsion de centaines de ressortissant·es ouest-africain·es, surtout en provenance du Mali et du Sénégal, « en situation irrégulière ». Plusieurs d’entre eux et elles ont été brutalement arrêté·es et arbitrairement détenu·es. Ces rafles et arrestations arbitraires, constituant des violations graves des droits fondamentaux, et notamment de la dignité humaine, ont été dénoncées par des associations de défense des droits humains.
L’Observatoire et l’AMDH constatent par ailleurs que la Mauritanie dispose d’un cadre légal restrictif, terreau fertile aux violations des droits et libertés fondamentales des défenseur·es, notamment les libertés d’expression, d’opinion, et de presse. La Loi n°2021-021 portant protection des symboles nationaux et incrimination des atteintes à l’autorité de l’État et à l’honneur du citoyen réprime les actes commis « en utilisant les techniques de l’information, de la communication numérique, les plates-formes de communication sociale en vue de porter atteinte à l’autorité de l’État, à ses symboles, à la sûreté nationale, à la paix civile, à la cohésion sociale, à la vie privée et à l’honneur du citoyen ». Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies, dans ses observations finales concernant le deuxième rapport périodique de la Mauritanie le 19 mars 2024, s’est inquiété de cette loi, qui pourrait « être utilisée pour restreindre de manière arbitraire les activités et le travail des défenseur·es des droits humains ». Le Comité s’est également dit « préoccupé par les informations selon lesquelles les défenseur·es des droits humains, notamment les défenseur·es des droits économiques, sociaux et culturels qui travaillent dans la lutte contre la discrimination et contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes, exercent leurs activités dans des conditions restrictives et sont souvent exposé·es à diverses formes de harcèlement ou de représailles », et a recommandé à l’État mauritanien d’accélérer l’adoption d’une loi de protection des défenseur·es des droits humains en consultation ouverte et transparente avec la société civile.
L’Observatoire et l’AMDH appellent les autorités mauritaniennes à garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de l’ensemble des défenseur·es des droits humains dans le pays ; à libérer tou·tes les défenseur·es des droits actuellement arbitrairement détenu·es ; et à mettre fin aux pratiques généralisées d’intimidation et de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, visant celles et ceux qui défendent les droits des personnes migrantes, victimes de discriminations et anti-esclavage.