Mauritanie : Le FMI dicte, la population trinque : Comment rompre la malédiction – Par Biram Dah Abeid
Mauritanie : Le FMI dicte, la population trinque : Comment rompre la malédiction
Par Biram Dah Abeid, député de l’Opposition anti-système
11 novembre 2025
Le Fonds monétaire international (Fmi) vient, encore, de recommander, à la Mauritanie, d’accélérer la levée des subventions sur les hydrocarbures. A l’occasion, non sans sacrifier aux aux sous-entendus subtils de la diplomatie, son communiqué ne manque d’insinuer que le pays manquerait de scrupule, de professionnalisme et d’orthodoxie, quand il publie les chiffres et données de de croissance, de l’inflation et du déficit des finances de l’Etat.
Sous les tournures feutrées des experts du Fmi et l’incitation « réformes budgétaires », transparaissent des constats brutaux.
Voici ce que la vénérable institution dit, en substance :
– Vous n’êtes pas crédibles, avez failli au devoir de vérité et vos omissions se paient cher, tôt ou tard.
– Vos administrés doivent régler la facture des malversations, errements de gestion, détournements, conflits d’intérêts et autres dysfonctionnements dus à l’inconduite d’une élite corrompue, largement dévoilée par la Cour des comptes et l’Inspection générale de l’Etat (Ige).
Le Fmi parle de « réduction du déficit public », de « rationalisation des dépenses », de « durabilité énergétique », sans jamais oser le devoir de l’imputation aux responsables des choix hasardeux qui ont motivé le rappel à la rigueur. Mais chacun l’aura compris, la rançon du redressement va générer un carburant onéreux, une alimentation et un transport hors d’atteinte des revenus modestes, bref une vie de privations appliquée au grand nombre.
L’attestation d’un échec :
Dès que le tarif du litre d’essence ou de gasoil augmente, une chaîne entière de l’activité vacille puis s’écroule. Le chauffeur de taxi ou de camion rehausse ses prix, le commerçant suit le mouvement et parfois l’anticipe, la ménagère achète moins, le paysan rechigne à convoyer ses produits, le pêcheur laisse sa pirogue à quai. Réparer devient une punition collective.
Dans un pays où le salaire minimum ne permet de couvrir une semaine de dépenses essentielles, une telle décision revient à étrangler les moins nantis, littéralement. Les très pauvres, les travailleurs informels, les fonctionnaires, les jeunes sans emploi… tous seront frappés selon la dure rationalité du capitalisme : Dès que l’offre et la demande cessent d’interagir en équilibre grâce à l’amortissement de l’Etat-providence, la précarité s’installe, la faim se banalise et la paix sociale s’effrite.
Ce que le Fmi entérine, nos gouvernants y défèrent sans débat. Le FMI « suggère », et Nouakchott « exécute ». Que subsiste-t-il de la souveraineté et de la dignité nationale ? Tandis que le Maroc ou la Tunisie décrochent plusieurs milliards de dollars, la Mauritanie, elle, tend la main et mendie, à peine, 100 à 200 millions, comme une aumône. Et pourquoi ? Parce que nos partenaires n’accordent plus confiance à l’entreprise de prédation que le pays représente, désormais, à leurs yeux.
Ils voient la manipulation des statistiques, l’inachèvement chronique des chantiers, l’inhabilité de bas étage, le faux en écriture, la gabegie et l’intolérance à la transparence. Les exemples d’éléphants blancs et d’usines à gaz sont légion. Il convient d’en citer les plus notoires :
• Aftout Essahli, 900 millions de dollars engloutis, un chantier devenu symbole du gaspillage national et de pénurie d’eau saisonnière au cœur de la capitale.
• Port de Ndiago, 400 millions injectés, dans une infrastructure aujourd’hui sous-utilisée et inachevée.
Les raisons d’un sursaut :
En Mauritanie, la socialisation du risque et la privatisation du profit huilent l’engrenage très rodé de la régression : S’instaure ainsi un paradoxe du développement au terme duquel la richesse d’une minorité s’élève à proportion d’un appauvrissement tous azimuts dont la vitesse et l’anachronisme défient les enseignements de l’économétrie.
Que l’on nous comprenne bien, nous ne rejetons la réforme mais en contestons l’aveuglement et la misanthropie sélective. Corriger, améliorer, oui, point contre la majorité, ni sans concertation et, surtout, jamais à l’abri de la redevabilité ! Démagogie et populisme mis à part, dire non lorsque l’injonction étrangère contredit l’intérêt général des Mauritaniens, tient, à la fois, de l’utilité publique et de la prudence comptable. Il faut assumer le courage de négocier, âprement, afin d’éviter le joug du lendemain. Bien user du pourvoir d’Etat, noblesse de la politique, consiste, d’abord, à favoriser la cohorte des faibles, la majorité numérique, au lieu de lui faire porter le fardeau des erreurs commises par les puissants.
Le FMI n’est le gouvernement, le peuple souverain ou la loi de la République. Son rôle consiste à conseiller, non commander. Et la vocation d’un État digne procède de sa faculté à préserver, les citoyens, du malheur et leur rendre, égales, les chances d’accès la prospérité. Leur imposer la souffrance de la « discipline budgétaire » relève d’une injustice d’autant plus nue que le manquement initial résulte de la responsabilité de dirigeants soit avides et déshonnêtes soit sous l’empire de la carence, voire probablement affligés trois défauts.
Le créancier qui entraîne son débiteur au suicide :
A l’ère de la désinformation massifiée, de la mondialisation de l’éthique et de l’essor sans préavis des GenZ, conduire les affaires de la cité requiert des réserves de tact et le sens aigu de l’anticipation, d’où l’impératif de lire, d’observer finement et de se former. La politique à l’époque de la communication de crise demande une acclimatation permanente à la nouveauté, à la connaissance de l’aléa. Malheureusement, à peu d’exception près, la plupart des équipes aux commandes publiques sur le Continent, ne satisfont à de tels prérequis. La Mauritanie ne déroge à la fragilité. L’actuelle thérapie que le Fmi lui prescrit découle d’insuffisances et d’escroqueries impunies au sommet de l’Etat. A la décharge des bailleurs de fonds multilatéraux vient de l’intérieur, en vertu d’un mécanisme de fraudes, de ruses et d’esquives destinés à entretenir un capitalisme de la faculté et la rente autour de quoi s’agglomère l’architecture globale de la domination. La faute des partenaires extérieurs – elle n’en est pas moins lourde – réside dans l’acquiescement, même tacite, à une prévarication réitérée depuis 1978. Combien de fois, se sont-ils portés au chevet de la Mauritanie, en vue de la sauver d’une faillite financée par ses propres concours du Fmi et de la Banque mondiale !?
Une vérité simple mérite rappel : Gouverner comporte, en priorité, l’obligation de protéger.


