Lettres de Biram Dah Abeid

Mon salaire n’égale la souffrance du pays.

Chers collègues députés, honorables élus du peuple.

Mon salaire n’égale la souffrance du pays.

Qu’ai-je, donc, appris?

Des députés et des responsables administratifs de l’Assemblée Nationale réfléchissent à entreprendre quelque démarche pour convaincre le pouvoir du moment, de bien vouloir surseoir  à appliquer, contre moi, la directive de privation de salaire et d’indemnité. Elles et ils s’alarment ainsi de la violation de mes droits d’élu.

Je les remercie certes mais les  invite en même temps, à abandonner l’entreprise, à cause de l’urgence et de la priorité au traitement de celle-ci. Des problèmes de fond et d’une tonalité bien plus tragique requièrent, ailleurs,  l’expression de la solidarité parmi les législateurs. Je citerai, ici :

La dépréciation de la monnaie nationale

La hausse vertigineuse des prix

La banqueroute de l’école

Le chômage désespérant des jeunes

La faillite généralisée des établissements publics, en particulier du secteur de la santé

Le détournement des ressources monétaires, minières et halieutiques

La banalisation des mœurs néo-patrimoniale dans le rapport des dirigeants à l’Etat

L’impunité de la torture, du racisme, de son passif humanitaire et des discriminations liées à la naissance

Chers collègues

Je cède mon salaire et autres émoluments, au « Président des pauvres », afin qu’il s’en serve pour épaissir, davantage, la fortune de sa famille et de ses proches. Il y a 10 ans déjà, je renonçais à mon revenu de fonctionnaire du Greffe dont la suspension devait me dissuader de poursuivre la lutte pour l’égalité.

Huit ans après cette mesure d’un présupposé ô combien naïf, Le chef de l’Etat Ould Abdel Aziz pourrait tenter de comprendre que l’argent n’est pas tout, ni même l’essentiel.  Je sais combien l’idée lui paraîtrait improbable tant elle déroge à sa socialisation. Chez certaines humanités en dégénérescence, l’appât du lucre finit par embrumer la raison.  Plus le sevrage est ancien moins vite se désaltère l’assoiffé.

Chers collègues, honorables députés

Si vous parvenez à relativiser l’intérêt pathologique que Ould Abdel Aziz porte à l’accumulation des biens ici-bas, vous auriez rempli l’essentiel de la mission à vous confiée dans les urnes : modérer le Prince, le guider dans les tourments de l’orgueil, enfin le rappeler à la vergogne quand il menace de n’en plus avoir.

Le 14 novembre 2018.

Biram Dah Abeid

Prison civile de Nouakchott.

Message du président Biram Dah Abeid aux députés

Répondez à mère Houleye Sall !

Par Biram Dah Abeid

 

Chers élus, honorables collègues

Je viens de lire un message de notre compatriote octogénaire, Houleye Sall; elle interpelle nos qualités de dépositaires de la représentation du peuple, dotés du pouvoir de législation, dans la république islamique de Mauritanie.

Houleye Sall, dirige le Collectif des veuves, suite aux disparations forcées de conjoints et parents masculins, de 1986 à 1991. A l’époque, le pouvoir du Colonel Maawiya Sid’Ahmed Taya, chef de la junte, orchestre une tentative de génocide, contre les populations afro-mauritaniennes, par la spoliation des terres et du bétail, l’emprisonnement et la torture de cadres, élèves et et étudiants, la déportation massive, les exécutions judiciaires et extrajudiciaires d’intellectuels, militaires et l’épuration de l’appareil d’Etat, sur la base exclusive de l’ethnicité.

Houleye Sall perdait alors son unique enfant, jeune officier ; comme des centaines d’autres mères de famille, elle poursuit, depuis, une laborieuse entreprise de mémoire et de réparation, en vain, hélas.

La loi numéro 93-23 du 14 juin 1993, en son article premier, énonce :

Article premier : « Amnistie pleine et entière est accordée :

– Aux membres des forces armées et de sécurité auteurs des infractions commises entre le 1er janvier 1989 et le 18 avril 1992 et relatives aux événements qui se sont déroulés au sein de ces forces et ayant engendré des actions armées et des actes de violences ;

– Aux citoyens mauritaniens auteurs des infractions suite aux actions armées et actes de violences et d’intimidations entrepris durant la même période.

Art 2 : Toute plainte, tout procès verbal ou document d’enquête relatifs à cette période et concernant une personne ayant bénéficié de cette amnistie, seront classés sans suite.

Depuis trente années ces braves femmes mènent, souvent seules, dans l’indifférence ou l’hostilité d’une partie de l’opinion, un combat qu’aucun juste ne renierait : elles entendent rétablir la vérité, la faire savoir et réhabiliter la mémoire de leurs défunts. Un tel effort consiste à publier le projet politique, les causes et conditions des assassinats, la chaine de commandement, l’exécution et l’occultation. Chaque aspect comporte, liées et solidaires, une perception de la responsabilité, l’évidence d’une sanction et la pédagogie du souvenir, pour que la communauté de destin recouvre à nouveau, du sens. Tous les enjeux de la question renvoient à l’Etat mauritanien.

Aujourd’hui, le pays se targue d’avoir tourné la page des pouvoirs d’exception, Ould Taya poursuit un exil doré au Qatar mais l’immunité criminelle de 1993 demeure en vigueur, inscrite sur notre table des lois. Au nom de quelle rationalité, de quelle humanité pervertie faut-il la maintenir ?

Voilà les interrogations simples auxquelles l’apostrophe de Houleye Sall renvoie les députés et la Mauritanie entière ; si son peuple, réputé musulman, aspire toujours à l’unité dans la dignité, un examen de conscience l’appelle.

Aussi, ai-je pris l’initiative de vous écrire, afin de relayer, toujours et encore, cette voix de sanglots taris, dont nous nous efforçons d’étouffer l’injonction morale.

Allons, un peu de courage, enfin, osons abroger l’ignominie de 1993, cessons de couvrir la tuerie en flagrance, sans quoi nous ne vaudrions nos suffrages et deviendrions, ensemble, de vulgaires justiciables devant la Cour d’Assises du siècle !

Prison civile de Nouakchott, le 6 novembre 2018.

 

Biram Dah Abeid : Lettres de prison, saison 2018

 

Sixième acte

Le 31 mai, au terme d’une négociation réglée sans tambour, le parti Sawab adopte mon projet de présidentiable et nous octroie, à mes camarades et moi, sa couverture légale. Le pouvoir, transi de peur, jette sur la coalition nouvelle-née, une interdiction de 24h mais se ressaisit devant l’énormité de la transgression, le viol de ses propres lois. Après un pointillé, d’alternance, d’hésitation et de résolution, il se rabat sur des procédés plus familiers, en l’occurrence ceux de la Maffia. Ainsi, autorise-t-il le déroulement de la cérémonie qui scelle l’alliance Rag-Sawab mais stipendie, en même temps, un sombre chroniqueur de fait divers auquel il confie la mission de saboter le rapprochement.

Enfermer pour bâillonner

Ledit plumitif, pris, au bout de 10 ans, d’un soudain intérêt pour notre lutte, incarnait la mise en œuvre du plan C. En vertu du A, le Ministre de l’intérieur tentait d’empêcher l’évènement, sans succès. Alors, le B consista à me compliquer l’obtention d’un certificat de casier judiciaire, préalable à ma candidature auprès de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni). La plainte en diffamation, introduite par le journaleux, devait rédimer l’échec des expédients antérieurs. Or, c’était sans compter sur l’imagination vénéneuse des zélateurs, la gent besogneuse de gagne-petit et de lambinards dont le département de « la justice » constitue le réceptacle atavique. Pour m’y être frotté à proximité et de près, je ne conçois, en Mauritanie, d’entreprise des humains, plus favorable à la rapine qu’un palais de justice. Je vous administrerai la démonstration plus avant.

Avec la célérité reconnaissable chez le stagiaires de haute grivèlerie et parmi les apprentis du stellionat, les officiers de police judiciaire, jusqu’ici tapis dans l’attente de l’exploit prévisible, se mirent à la tâche, ornant de mille disgrâces comme, les abeilles sur le filet de miel, l’hypothèse de mon éviction. Ainsi, s’avisèrent-ils de m’imputer, en sus de la calomnie envers le plaignant, un surcroît d’incitation à la violence et un chapelet d’autres amabilités, d’un aloi parent.

Il fallait m’empêcher d’entrer à l’Assemblée nationale et, mieux encore, invalider ma prétention à briguer la Présidence de la république en 2019. Pourquoi tant de ténacité à l’ouvrage, depuis plus d’une décade en années ? Le système d’hégémonie tribale s’acharne à nous museler, aux fins – vaines – de retarder l’émancipation des citoyens d’ascendance subsaharienne et son corolaire vertueux, l’exercice du pouvoir d’Etat mais, là, il s’agit de bien plus. L’on oublie souvent que sous la charge tempétueuse des Hratine et des kwars (ethnies noires de Mauritanie), pointe une troisième vague qui risque de liquider la domination, en son cœur : je parle de la revendication d’égalité, de partage matériel et de considération, par les castes, toute ethnie confondue ; si les groupes autochtones du Sud s’accommodent de l’éveil de leur cadets sociaux et semblent lui survivre, l’ensemble maure, hélas, ne se conçoit de pertinence ontologique ni de légitimité en dehors de la hiérarchie, de la généalogie et du privilège de race. Son outrance à notre encontre résulte de la conscience lucide que nous œuvrons à le sevrer de sa substance nourricière, c’est-à-dire produire et consommer le fruit de la préférence indue, de la triche et du fanatisme érigé en carapace à toute adversité. Le pouvoir nous livre la guerre de sa survie car la résilience de sa reproduction sociale ne s’acclimate à un environnement de concertation, d’écoute ou de respect mutuel. Le véritable piège dans la vie, consiste à s’imaginer toujours au sommet.

Elu en cellule

Le 13 août 2018, Abdallahi Houssein Messoud et moi sommes inculpés, soit 4 jours avant le début de la campagne couplée pour l’élection du Parlement, des mairies et des conseils de région. De facto, ma voix cessait de résonner dans le concert de la contradiction démocratique. Je n’étais plus audible.

En dépit de la Constitution, le Chef de l’Etat dirigeait la réclame de son parti et s’y démenait en promesses, intimidations et gesticulations, usant, à titre exclusif, des symboles et moyens de l’autorité publique. A cette fin, il me nommait et désignait à l’opprobre, comme criminel, ennemi de la nation et de l’Islam, démagogue, escroc et imposteur, assoiffé de richesse et de prébendes octroyées par l’Occident ; selon Mohammed Ould Abdelaziz, à qui l’humour involontaire fait trousser de désopilantes saillies, j’aurais inventé le faux problème de l’esclavage et créé une organisation (IRA) pour fructifier le négoce du sentiment; Selon lui, l’Occident – mythifié et fantasmagorique bien entendu- rémunèrerait avec munificence, tout mercenaire apte à troubler l’unité nationale, la paix civile et la primauté de l’Islam en Mauritanie. Par les trois motifs, entendez, plutôt, la préservation du statu quo. Cette théorie de la conspiration, mes compatriotes maures se la transmettent, en toute névrose, depuis l’essor du nationalisme arabe à la fin du siècle révolu. Elle y passe pour haute science et marque d’intelligence.

Dans ses meetings de campagne, Mohamed Ould Abdel Azizi appelait, les mauritaniens, à voter les listes candidates du parti-État, en vue de barrer la route à une dangereuse coalition celle de l’aile politique d’IRA, alliée au parti Sawab. Il répétera, plusieurs fois au cours de ses interventions, qu’il ne laissera les « extrémistes » entrer au Parlement. Certains milieux ont voulu expliquer qu’il s’adressait aux islamistes de Tawassoul, interprétation peu scrupuleuse pourtant, ces derniers ayant toujours siégé dans les deux chambres, parfois sous une coalition avec l’Union pour la République (Upr), le cheptel électoral du Chef de l’Etat.

Qu’importe, j’ai été élu, en compagnie de quelques camarades. Nous voici désormais à l’intérieur de l’antre mais avertis de ce qui nous entoure et armés en conséquence.

L’incurie au sanhédrin

A. Un personnel tombé du camion

Le 13 août, avant de m’interroger, le juge d’instruction Mohamed Vadel Limam me dispensa d’abord, un cours sur la démocratie, la justice et la séparation des pouvoirs en vigueur sur le territoire de la République islamique de Mauritanie. Il égrenait le titre avec une fatuité risible. Je lui rétorquais que le ministère public, comme de jurisprudence depuis 2010, a inventé, à mon endroit, les chefs de « menaces de mort » et « violence ». Le juge réagit en brossant un tableau idéal du régime et surtout de la bonne conduite du procureur, du Parquet et de la police ; il décrivait des institutions au dessus de tout soupçon, pas celles que nous subissons, bien entendu ; selon ses lumières, ô combien précieuses à l’abord, la garde-à-vue prolongée d’une semaine, les privations de sommeil, de visite parentale, de consultation médicale et d’avocats, relèvent de la normalité dans la procédure; suite à mon insistance, il m’apprit, non sans s’agacer, que l’empêchement de lecture durant la longue et pénible semaine dans le cachot de la police, comme l’interdiction de se doucher, de disposer d’une natte, d’une couverture ou de moustiquaire ne méritent mention devant un homme de loi. Pour Mohamed Vadel Limam, il s’agissait de banalités, de trivialités sur lesquelles seuls insistent les politiciens, toujours avides de détourner la procédure; le brave édile m’avertit, avec certitude, que la manœuvre ne passerait auprès de lui. Aussi, tien-il, par charité et scrupule d’autodidacte, à me consentir un brin de son opinion coruscante : le procureur et la police ont très bien accompli leur travail et, en Mauritanie, l’autorité suprême est totalement neutre quand au déroulement du contentieux devant les tribunaux. J’avais l’occasion d’éclater de rire et m’abstins, au moins pour découvrir à quel couvée j’avais affaire, tant le plumage bariolé forçait la stupéfaction.

Sur le fond du dossier, l’honorable Mohamed Vadel Limam m’a posé deux questions et servi une assertion.

-​Reconnais-tu les chefs d’inculpations dont t’accuse le Parquet? Non.

-​Es-tu prêt à demander des excuses au journaliste Dedde Abdallah, de l’avoir traité d’agent de la police politique? Non, je persiste et signe que Dedde Abdallah est une taupe de la cellule de police politique chargée de s’occuper des organisations auxquelles nous appartenons, mes camarades et moi ; oui, sa mission consistait à abuser de ma confiance, provoquer une controverse, réaliser un faux témoignage et des déclarations indues pour créer le prétexte au dictateur de m’écarter du champ des droits humains et de la compétition électorale en 2018 et 2019. Cet agenda, Monsieur le juge, se déroule sous vos yeux.

-​Même si tu lui demandais des excuses et même si le plaignant les acceptait et retirait sa plainte, je t’enverrais en prison. Je te dis, dés à présent, tu va y croupir, d’ailleurs sur le champ, je t’expédie dedans mais te conseille de laisser la politique et surtout de renoncer à cette activité insignifiante que sont les élections, oublie les élections, repose-toi et quand Dieu te donnera l’occasion de sortir, après avoir demandé le pardon à ce journaliste, occupe-toi de ta santé et laisse de côté la politique.

Monsieur le juge, peu soucieux de l’expression apaisée des suffrages et précisément en rogne contre la démocratie, signe le mandat de dépôt pour Abdallahi Hussein Messaoud et moi ; la conscience tranquille, il nous fait enfermer. Toutefois, nous ne devions tarder à nous revoir. En effet, 3 jours après son acte d’incarcération expéditive, le juge d’instruction du tribunal de Nouakchott-Sud Mohamed Vadel Ould Limam, émet une ordonnance de nous extraire, mon co-détenu et moi, en vue de notre audition pour clore la phase de l’instruction. Le ministère public s’oppose à la nouvelle comparution et la bloque, au mépris de l’indépendance du magistrat.

B…qui roulait à vive allure

Le mercredi 29 août, l’estimable individu arrive brusquement à la prison et veut procéder à l’interrogatoire. Nous refusons de nous plier au jeu incongru de questions-réponses car le magistrat, outre sa posture partiale, nous inspirait de l’inquiétude sur sa propre lucidité. Nous excipons du droit au silence, à cause de l’absence de nos avocats, dont aucun n’avait été informé; nous sommes jetés, depuis deux semaines, dans le couloir d’une cours exigüe de la prison, sans toit susceptible de nous abriter de la pluie, lors fréquente à Nouakchott. Astreints à l’insomnie et à l’angoisse, nous ne disposions d’habitat personnel, comme le commun des prévenus ou condamnés. La prison civile de Nouakchott, très largement surpeuplée, présente le risque, pour un détenu d’opinion, de subir les maltraitances. La cruauté des droits communs le dispute à le zèle des gardes pénitentiaires.

Le juge nous menace, de nouveau et nous enjoint de savoir que la loi sera appliquée pour rendre justice à un citoyen lésé. Il recommence à nous raconter, avec des détours d’éloquence hasardeuse et quelques approximations d’une sapience étriquée, que le pouvoir est neutre et les juges indépendants. Je prends la parole pour déconstruire, point par point, son homélie studieuse, partagé que je suis entre la perplexité et l’amusement!!! Dans le magistère de la justice – métier noble et de tact sous des cieux d’exigence et de rigueur – certains de nos « magistrats » sembleraient évadés, au 19ème siècle, d’une bédouinie poussive. Tout, en eux, exhale le temps faisandé et à replis où l’on rendait la justice non pas sous un chêne mais comme un gland. Les quidams d’aussi singulière facture, le ministère de tutelle en rémunère des centaines, dispersés aux quatre coins du pays. Ils sont interchangeables, pliables et duplicables à l’infini. Pour mesurer le degré de similitude à l’énoncé de leur science dévoyée, il vous suffit de les brancher sur l’esclavage en droit « musulman ». Vous verrez, ils maîtrisent le chapitre et excellent à sa rumination.

Face à notre refus de lui répondre, le susdit réplique, en vrac : il n’est pas concerné par la manière dont l’on nous traite en prison, il « se fiche pas mal » de cette situation même s’il en admet l’inconfort. Enfin, il nous met en demeure d’accepter l’interrogatoire, séance tenante, sinon il irait en congés, nous maintiendrait sous écrou jusqu’à la fin d’octobre 2018. Nous lui répliquâmes à l’unisson : prononcez l’injustice qui vous sied, nous ne parlerons sans l’assistance de nos conseils !

Alors, il conclut, ainsi : donc restez ici en prison jusqu’à mon retour de congés fin octobre !

En attendant l’épilogue

La liste officielle des députés de la République, dont je fais partie, devait être convoquée et se réunir, comme le stipule la constitution, la première journée ouvrable du mois d’octobre ; or, la règle constitutionnelle a été enfreinte, pour la première fois en Mauritanie. S’y ajoute mon maintien en prison, malgré le rang de député. Le gouvernement s’échine à dénicher un tour de fourberie juridique, un escamotage de batellerie en eau trouble, qui me priverait de siège au Parlement.

Biram Dah Abeid,

Prison civile de Nouakchott, le 09/10/2018

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Prison civile de Nouakchott.
9 septembre 2018

Lettre de l’Honorable Député, le Président Biram Dah Abeid:

Louange à Dieu, prière et paix sur le Messager d’Allah.
Biram Dah Abeid à la coalition des partis d’opposition mauritaniens.

Tout d’abord, je vous félicite pour votre vaillante résistance face à la machine à fraude du régime tyrannique et votre fermeté face à la propagande malveillante du chef du régime en déclin.

Et je vous conjure à l’unité en vue de la bataille du deuxième tour à l’issue victorieuse.

Je porte à la connaissance des présidents que les paliers de la bataille que je mène en compagnie des gens libres, tant au niveau international qu’en Mauritanie, et particulièrement les masses émancipées, soumises au joug de l’exploitation et de la privation, confrontées au dictateur Mohamed ould Abdel Aziz, bataille au cours de laquelle le régime a utilisé ses victimes comme espions, instrumentalisant pour ce faire la justice ; je vous informe, dis-je, que les paliers de cette bataille n’ont point changé, de sorte que cela ne nécessite pas de solidarité.

Pour qui n’y voit une raison d’exprimer sa solidarité dès le début. Aussi, ma position en faveur de tout opposant à ce régime catastrophique, de quelque obédience soit-il, est un devoir et particulièrement au second tour de ces élections.

C’est un devoir dicté par la conscience, c’est aussi une décision du parti et l’orientation de mon organisation et j’en appelle à votre grandeur et à mon humble personne d’œuvrer en ce sens, en considération de ces calculs.

Ma cause face au chef de la tyrannie et de sa horde n’a pas enregistré de nouveau rebondissement nécessitant la solidarité de ceux qui ne l’étaient auparavant, et ce pour l’heure ce n’est pas une priorité. La priorité est de gagner le pari et notre soulèvement comme un seul homme pour ce qui reste de cette compétition électorale.

Par ailleurs, je suis à même de mener la bataille de la prison et la remporter tôt ou tard contre le régime lâche qui se sert de ses geôliers.
Biram Dah Abeid
La prison civile de Nouakchott.
9 septembre 2018

 

Les entrevues du président Biram Dah Abeid avec le juge d’instruction Mohamed Vadel Limam

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  1. Première entrevue

Le 13 août le juge d’instruction Mohamed Vadel Limam me fit d’abord avant de m’interroger, un cours sur le régime de démocratie, de justice et de séparation des pouvoirs en vigueur en Mauritanie. Je lui dis que le ministère public a inventé de toutes pièces le chef d’inculpation : menaces de mort et violence et lui ai fait remarquer qu’à chaque fois que je suis arrêté, depuis 2010 jusqu’à nos jours, le pouvoir invente ces accusations dans le souci de brouiller mon image de militant pacifique. Le juge réagi en brossant un tableau idéal du pouvoir politique mauritanien et surtout de la bonne conduite du ministère public, du parquet et de la police qui, selon lui sont des institutions au dessus de tout soupçon et me dis que la garde à vue très prolongée d’une semaine, les privations de sommeil, de visite parentale, de visites de médecins et d’avocats, relèvent de quelque chose de normale dans la procédure; il a ajouté après mon insistance que la privation de lecture pendant cette longue et pénible semaine dans le cachot de la police comme la privation de bain, de natte comme de couverture ou moustiquaires ne mérite pas d’être posée pour un juge car relevant de banalités et ceux qui posent ce genre de problèmes sont des politiciens qui visent à politiser les dossiers judiciaires et il affirme avec force que chez lui la politisation ne passera pas et considère que le procureur et la police ont très bien fait leur travail et qu’ en Mauritanie, le pouvoir politique est totalement neutre dans les affaires de justice comme celle-ci.

Concernant le dossier, Mohamed Vadel Limam m’a posé deux questions et m’a fait une affirmation. La première question : est ce que tu reconnais les chefs d’inculpations dont t’accuse le parquet? J’ai répondu : non. La deuxième question : est ce que tu es prêt à demander des excuses à Dedde Abdallah que tu as traité d’agent de la police politique? J’ai répondu : non et je persiste et signe que Dedde Abdallah est une taupe de la cellule de police politique chargée de s’occuper de Biram Dah Abeid ayant pour mission d’abuser de ma confiance, de provoquer une controverse et de faire un faux témoignage et de fausses déclarations pour donner un minimum de prétexte au régime de Mohamed Ould Abdelaziz que ce dernier utiliserait pour écarter Biram du champ des droits humains et des élections en 2018 et en 2019 et c’est ce qui est entrain d’être réalisé. L’affirmation du juge: même si tu lui avait demandé des excuses et même si le plaignant retirait sa plainte, moi je t’enverrais en prison et je te dis dés à présent que tu va aller en prison, je t’envoie tout de suite dedans, mais je te conseille de laisser la politique et surtout de laisser cette activité insignifiante que sont les élections, oublie les élections, repose toi et quand Dieu te donne l’occasion de sortir, après avoir demander des excuses à ce journaliste, occupe toi de ta santé et laisse de côté la politique.

En même temps, il signe le mandat de dépôt en prison pour moi et Abdallahi Hussein Messaoud, un militant d’IRA et nous envoie en prison.

Deuxième entrevue du juge d’instruction Mohamed Vadel ould Limam avec Biram Dah Abeid.

Trois jours après son incarcération expéditive, abusive et non sans zèle exacerbé par le juge d’instruction du tribunal de Nouakchott-Sud Mohamed Vadel Ould Limam, ce dernier émet une ordonnance d’extraction pour BDA et son codétenu le militant d’IRA Abdallahi Houssein Messaoud et ce pour une deuxième comparution. Le ministère public met son véto et bloque la procédure d’un juge assis sensé être indépendant et souverain.

  1. Deuxième entrevue

Le mercredi 29 août le juge arrive brusquement à la prison et veut procéder à l’interrogatoire de Biram Dah Abeid et Abdallahi Houssein Messaoud. Les deux prévenus refusent de s’apprêter aux jeux de questions-réponses auquel le juge aux intentions indicatives et partisanes bien affichées, voudrait se prêter. Les deux détenus arguent que leurs avocats ne sont pas présents ni informés; et eux mêmes sont jetés depuis deux semaines dans un couloir d’une cours exigüe de la prison, sans toit susceptible de les couvrir de la pluie qui tombe de manière récurrente sur Nouakchott en cette période. Ils sont astreints à l’insomnie et au manque de quiétude car ne disposant pas de cellules ou de demeures dans la prison comme beaucoup d’autres prisonniers. La prison civile de Nouakchott étant très largement surpeuplée. Et les détenus d’opinion comme ceux d’IRA sont très souvent visés par les maltraitances en prison comme dans les cachots de police.

Le juge menace de nouveau les deux détenus, leurs enjoignant de savoir que la loi leur sera appliquée pour faire justice à un citoyen qui a porté plainte contre eux. Il insiste que le pouvoir politique est neutre et les juges sont indépendants. Biram Dah Abeid prend la parole pour déconstruire les assertions du juge à propos de la neutralité du pouvoir politique et de l’impartialité des juges. Il lance au juge,vous copiez les contre-vérités du pouvoir que vous prenez comme vérités immuables quand vous jugez ses accusations récurrentes à tous les détenus d’IRA depuis 2010 jusqu’à nos jours : violences, incitations à la violence, à la haine, à la mort, vous avez jugé ces mensonges comme des faits avérés alors qu’il n’en est absolument rien. Aucun fait, minime qu’il soit ne milite pour votre conviction; et seule la volonté de pouvoir de Mohamed Ould Abdelaziz de mettre un terme à l’activisme légal et pacifique d’IRA et de son aile politique, alimente votre volonté et votre acharnement à nous inventer des faits de délit et nous priver de nos libertés tout en nous diffamant dans vos médias et dans vos mosquées.

Nous n’accepterons pas de répondre à vos questions alors que vous ne pouvez même pas cacher vos préjugés inquisiteurs, partisans et insolemment racistes et politiques. Vous savez bien monsieur le juge que votre souci et votre engagement n’est pas pour la vérité et la justice, mais vous êtes animés de la volonté forcenée de punir Biram Dah Abeid et ses partisans pour leur lutte incorruptible contre l »esclavage, le racisme et pour une vraie démocratie et un vrai État de droit en Mauritanie. Donc c’est seulement en présence de nos avocats que vous n’avez pas voulu informer, que nous répondrons à vos questions.

Le juge réplique qu’il n’est pas concerné par la manière dont on nous traite en prison et qu’il s’en fiche pas mal de cette situation même s’il accepte qu’elle est difficile et déplorable. Il ajoute néanmoins qu’il nous met en demeure d’accepter tout de suite l’interrogatoire sinon il va aller en congés et suspendre la procédure dans notre dossier jusqu’à la fin du moi d’octobre 2018 tout en nous gardant en prison. Nous lui avons répliqué que libre à lui de faire l’injustice qui lui sied et que nous, nous maintenons notre position qui consiste à ne parler qu’en la présence de nos avocats.

Alors il a conclu en disant donc restez ici en prison jusqu’à mon retour de congés fin octobre.

Fin de l’entrevue.

Nouakchott le 01/09/2018

Biram Dah Abeid

Réponse aux sornettes du dictateur lors de l’étape de Zoueratte

De la Prison Civile de Nouakchott – Le 29/08/2018

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 J’ai appris que Mohamed Ould Abdel Aziz a montré clairement et sans ambages la fausseté des allégations des juges dévoyés par l’obéissance aveugle à un tyran corrompu comme lui!
Ainsi la plupart de nos juges obéissent au doigt et à l’œil à Mohamed Ould Abdel Aziz et à sa scélérate coterie au lieu de se conformer et d’obéir à l’autorité d’Allah le Tout-Puissant, laquelle constitue la seule règle que tout juge musulman intègre doit toujours observer.
Aussi, dans sa déclaration de Zouerate, le despote qualifie les militants de l’IRA et moi- même de source de danger et de discrimination, prétend que notre discours antiesclavagiste menace la réputation de son régime à l’étranger et son maintien au pouvoir dans le pays et que notre accord avec le Parti SAWAB et notre engagement dans la bataille électorale constituent un danger pour lui et son régime.
Par cette déclaration et ces aveux, le dictateur révèle la véritable raison de l’arrestation de Biram Dah Abeid, de son absence forcée à la première manche de cette bataille et de l’exclusion de ses discours et de son charisme. Par cette déclaration, le lâche tyran sort de sa cache derrière l’un des indicateurs et des mouchards de la cellule de la police politique se parant de la toge de la presse pour sa calomnie.
J’ai également appris que l’inquiétude et la panique l’ont conduit au point d’adresser un appel aux mauritaniens pour faire face au complot prétendument fomenté par SAWAB et l’IRA contre la patrie.
Je lui pose une question : ne vous suffit- il pas d’avoir obtenu un faux témoignage d’espions et l’obéissance des juges avec ton achat en cachette du silence complice de la plupart des forces politiques censées être une opposition ?  Tout cela ne vous a pas donné la confiance en la victoire contre Biram, l’IRA et son alliance avec SAWAB?
De ma cellule dans votre inique prison, je te confirme ma poursuite du combat contre ton régime oppresseur jusqu’à ce que je contribue, moi et ceux qui me soutiennent, à débarrasser le pays et le peuple de ton funeste pouvoir.
J’invite tous les Mauritaniens et toutes les Mauritaniennes de toute position politique ou sociale et toutes couches et ethnies confondues à repousser la peur et la cupidité, à rejeter les injonctions du dictateur, à se dresser contre lui et ses sbires dans le scrutin en préparation et à voter pour moi personnellement, Biram Dah Abeid.
Ils ne perdront jamais ma voie clamant haut et fort la vérité face à un gouvernant injuste, tant que je serai en vie, fût- ce en dehors ou à l’intérieur de la prison.
Biram Dah Abeid
 
De la Prison Civile de Nouakchott – Le 29/08/2018

birame-ould-dah-ould-abeidMauritanie : préludes, instruments et alibis d’une mise au ban

Par Biram Dah Abeid, Prison Civile de Nouakchott, le 27/08/2018

I. Les liaisons dangereuses

Le 21 juin 2014, vers 13h, juste après avoir voté et lu ma déclaration  à la presse, je m’apprêtai, seul, au repos mais mon téléphone sonna. Au bout du fil, une personne très proche du chef de l’État, mon concurrent et candidat à sa propre succession, m’interpelle sans aménité : « Le président Mohamed Ould Abdelaziz te transmet ce message: il a suivit et écouté ton discours et tes propos, très séditieux et inacceptables, durant la campagne électorale ainsi que ton dernier propos aux journalistes tout à l’heure devant ton bureau de vote, qui est une parfaite illustration de cette orientation. Maintenant, si tu prétends à un avenir politique dans ce pays, renonce tout de suite et pour de bon à cette ligne;  dans le cas contraire, attends-toi à  ce que je sévisse pour te mettre hors d’état de nuire. »

Ma réponse à cette suprême insolence est connue; elle fut à la hauteur de l’idée que je me fais de l’honneur, de la dignité,  de l’esprit de sacrifice et du devoir de résistance. Depuis, cette personne très proche de Mohamed Ould Abdelaziz par la parenté et la connivence, ne m’a jamais plus rappelé, bien qu’auparavant elle fît signe, de temps à autre, sans manquer toutefois de me témoigner de l’admiration et un soupçon d’amitié.

Quatre jours après l’incident, une autre personne dans la proximité indécise de mon adversaire se met en relation avec moi et m’apprend que le « vainqueur » du scrutin, Mohamed Ould Abdelaziz,  voudrait bien me saluer au téléphone et espère beaucoup mon aval à l’énoncé du verdict des urnes. J’entrepris, tout de suite, de lui expliquer l’envergure de la fraude, des irrégularités et des manipulations massives et multiformes d’où l’évidence du doute quant à l’intégrité du résultat proclamé; cependant, au-delà de la force majeure et malgré le fait du prince, je reconnaitrais les scores, seulement en vertu d’un accord politique entre l’émanation politique d’IRA, le parti Rag (encore interdit) et le pouvoir. Pragmatique quant il le faut, j’exigeai, en contrepartie, la légalisation du parti Rag et l’enregistrement de l’Ong IRA. L’entremetteur entérine la proposition et me « passe » son cousin de président, Mohamed Ould Abdelaziz. Ce dernier réitère les mêmes sollicitations que son envoyé exprimait en son nom et valide le projet d’entente par moi formulé : oui, s’engagea-t-il, il promet la reconnaissance et l’enregistrement des deux cadres d’activités, dès la fin de la cérémonie de son investiture, d’ici quelques jours. Je proposais l’accord, le jour suivant, à l’approbation de la direction du Rag. L’organe dirigeant le rejeta, catégoriquement, grâce aux arguments de mon collègue de l’époque, Brahim Bilal Ramdhane. Ce dernier soutenait, étayant ses raisons par force exemple, que le chef de l’État mauritanien traîne la réputation d’un homme sans parole et de peu de foi, pour résumer un grief bien plus fleuri. Selon lui, le contrat éventuel ne peut être accepté par le Rag que si Ould Abdelaziz lui-même consent le premier pas, en ordonnant la reconnaissance des deux organisations. Je transmis la décision du Rag à l’émissaire de Mohamed Ould Abdelaziz dont la réaction confirmait le désappointement du destinataire, voire l’âpreté de sa vindicte.

Quelques jours après, dans son discours d’investiture à un second mandat, Ould Abdel Aziz dépeignait IRA et Rag, sans les nommer, comme un danger pour la nation, avant de promettre leur éradication, en priorité de son exercice de Président. Des pelotons d’auxiliaires de services de renseignements enclenchent alors une offensive dans les mosquées et les média publics et privés contre IRA et Biram Dah Abeid. La jeunesse et les militants d’IRA répliquèrent à la charge de dénigrement, dont le mufti de la république islamique de Mauritanie, Ahmedou Habibou Arrahmane s’improvisait fer de lance; dans ses prêches du vendredi suivant, il assimilait le prix des Nations Unies pour les droits de l’Homme octroyé à Biram Dah Abeid en 2013, à un cheval de Troie au service des ennemis juifs de l’extérieur, alliés à leurs alliés de l’intérieur, afin de détruire la société musulmane et idéale. La presse acquise aux renseignements élabore des conspirations de croquignole, sans doute recevables par l’entendement paranoïaque des peuples en panne d’intelligence ; elle renseigne l’opinion sur des assassinats et enlèvements fictifs, commis ou projetés par les partisans de Biram. Ces criminels, disaient – de concert – les journalistes mouchards et affabulateurs, sont les séides de IRA,  ils enlèvent les petites filles maures, les violent, tuent et inscrivent sur les corps, le nom de Biram, en guise de trophée. Les arrestations suivent, dans nos rangs. Un proche du sérail m’alarme, en toute discrétion : « tu es visé et tu seras arrêté au premier « contact » que tu tenterais avec les populations, tu seras emprisonné une longue période,  « ils » ont jugé indispensable de te neutraliser avant 2019 ».

Le lanceur d’alerte au sein du pouvoir,  à l’image de beaucoup de personnalités et cadres qui servent le système par peur, nécessité ou opportunisme alimentaire, me prédit une interpellation imminente, suivie du schisme, au sein de ira, d’une cellule dormante ; celle-ci occasionnerait un bruit considérable et mon propre discrédit. Ensuite, se déclencherait une vague d’autres sorties tonitruantes, de la part des figures de l’Ong anti-esclavagiste, concomitamment au séjour prolongé de Biram en prison. Il renchérit : «  le pouvoir n’acceptera plus jamais que tu prennes un « contact » direct avec les populations, ton discours étant jugé déstabilisateur et très nocif ».

II. La matérialisation de la menace

Cinq jours après l’avertissement dont je ne saurais évaluer le degré de sincérité, je prends le chemin de la ville de Rosso (200km au sud de Nouakchott), point de passage en direction du Sénégal où je devais me rendre. Mon passage coïncide avec l’arrivée de la caravane initiée par IRA et d’autres Ong, contre l’esclavage agricole. La caravane, en mouvement depuis une semaine sans être inquiétée parvenait au chef-lieu de la région du Trarza, en même temps que moi. Je suis arrêté et condamné à 2 ans de prison, pour l’essentiel dans la ville d’Aleg, où je recevais des visiteurs solidaires, tous témoins d’une détention abrupte, sous la chaleur d’un toit de tôle, en compagnie de moustiques voraces.

Après dix huit mois de réclusion avec Brahim Bilal Ramdhane, le début de subornation de certains dirigeants d’IRA et l’orchestration de plusieurs scissions parmi nous, nous recouvrons la liberté, certains d’entre nous désormais moins enthousiastes à la lutte frontale. L’accueil massif, spontané et l’adhésion des mauritaniens à notre combat, renforcent davantage la peur, chez les gardiens du système de domination, de nous laisser libres de circuler dans le pays, surtout en position de principal contradicteur.

Le troisième acte consista à décapiter IRA, en mon absence, au cours de juin et juillet 2016. Tous les membres dirigeants à l’intérieur du pays sont neutralisés et condamnés à de lourdes peines ; les manifestants endurent la répression féroce ; nous déplorons des bilans de plus en plus lourds, de blessés, souvent lynchés par la police, dans les rues.

Parmi les résultats escomptés de la manière forte, s’impose le calcul d’éradiquer IRA et en tarir l’influence, grâce à l’effet conjugué du verrouillage de ses actions ; les attaques en règles de la part des transfuges viennent accentuer la dynamique de la discorde, de la suspicion réciproque, sources de diversion, donc de déperdition d’énergie.

III. Quatrième acte: le retour sur scène

Après un long séjour à l’étranger,  le 07 juin 2017, à partir du Sénégal et du point de passage de Rosso, je regagne la Mauritanie. Quelques jours avant, le Conseil des ministres de cette république de boutiquiers rongés par le fanatisme religieux et le sentiment de la supériorité raciale, croit efficient de réitérer, par circulaire administrative et sécuritaire, l’abolition de tout rassemblement du courant d’IRA, sur l’étendue du territoire. Des pontifes du parti-État arrivent à Rosso et s’y livrent au porte-à-porte en vue de dissuader, les populations, de m’accueillir. Des unités de la police, de la garde nationale et de la gendarmerie investissent la capitale du du-ouest, pour tenir les populations loin de l’encombrant compatriote. La veille du jour J (7 janvier 2017), le trafic d’habitudes très intense entre les deux pays est suspendu, seules les différents corps d’armes et de sécurité,  occupent le quai de passage et ses alentours ; les rues de la ville, quasiment en état de siège, sont inaccessibles aux piétons et automobilistes ; les magasins ferment sous la contrainte et les militants et sympathisants, venus de Rosso ou des autres régions du pays, essuient molestations et vandalisme, sous les bottes des soldats de la milice tribale.

Je rentre à Nouakchott, sans aucune possibilité d’approcher mes compatriotes. De nombreux citoyens ont essayé de rassembler pour m’accueillir à l’entrée sud de la capitale mais le même procédé de dissuasion violente les tient en respect. Interpellations et blessures, coups de matraques électriques et jets de grenades lacrymogènes ponctuent les heurts de civils désarmés, avec les forces de l’ordre hégémonique. Les explosifs continuent à pleuvoir sur le véhicule qui me transporte du km 10 jusqu’à l’entrée de mon domicile. L’arrosage nauséabond se poursuit encore une heure après mon retour à la maison. Des femmes, des enfants, des hommes, dont des voisins et des partisans, durent payer la rançon de la volonté ou du hasard, par l’asphyxie et des complications respiratoires ; Un poste de police s’installait à vue, pour surveiller et intimider les éventuels visiteurs. Neuf jours après mon retour mouvementé, je vais à l’étranger. 

IV. Cinquième acte: redéploiement sur le front intérieur

Le 7 mai 2017, je décide de revenir en Mauritanie, à partir de la frontière avec le Sénégal, sur, le point de passage de la ville de Gouraye, région du Guidimakha. Dés qu’il l’apprend,  le gouvernement enclenche une action de sape, similaire à celle de Rosso. Le gouverneur, les préfets, commissaires de police et officiers des brigades de gendarmerie et de la garde, entament une campagne de diabolisation et de dénigrement, en sillonnant les communautés villageoises et les quartiers dans les villes sur le parcours ; tous réputent sacrilège et crime irrémissible, de m’accueillir, même de loin. Je tiens à la disposition des curieux, les enregistrements audio de ces discours exécrables, sortis des bouches de commis de l’Etat autant punais que peu convaincus de leur jactance.

La veille de ce 7 mai, les militants d’IRA, connus alentour, sont mis aux arrêts, les frontières de la région fermées à toutes les personnes susceptibles d’appartenir au courant ou de le soutenir. Des centaines de citoyens venus par voiture goûtent, malgré eux, aux joies du refoulement arbitraire. Dés avoir foulé le sol mauritanien, je me retrouve saisi au collet, escorté  par plusieurs véhicules de police, de gendarmerie et de la garde, chargés de séides armés jusqu’aux dents ; sous l’emprise des chiens de garde dont le garde-chiourme invisible me tenait à sa merci au nom de la force brute qui est le droit dans la Mauritanie nouvelle, me revoici rebroussant le chemin du logis, privé d’escale, sur un trajet de centaines de kilomètres….

Sixième acte et suite : L’alliance avec Sawab, une manœuvre non anticipée

(à suivre…)

Biram Dah Abeid

Nouakchott le 27/08/2018

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Lettre de Biram Dah Abeid, prison civile de Nouakchott, le 15 août 2018.

De la cécité du maître à la prescience de l’esclave.

Récit d’une manipulation de dilettante

Abstract : Entre les militaires de mon pays et moi subsiste un mécompte séculaire, que nous peinons, ensemble, à apurer ; de notre laborieuse insolvabilité à deux, découlent des épanchements de bile et des déglutitions de rancœurs, d’une régularité plus ou moins mesurable. Leur vaine rébellion contre le temps me conforte et procure de la pitié : gardiens d’une citadelle promise à la ruine, ils s’obstinent, cependant, à la croire inexpugnable. Or, parmi eux, à découvert, sans jamais agir à leur insu, je m’assume fossoyeur de cette bâtisse hideuse que maintient debout et désaltère le sang de mes ancêtres. Chaque jour, j’arrache une brique de l’édifice et défait ainsi un pan de mur ; mieux, désormais, je ne suis solitaire à l’ouvrage.

Au début

L’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (Ira –Mauritanie), organisation de défense des droits humains et de lutte contre la persistance de l’esclavage et du racisme, est interdite depuis sa naissance en 2008. Son président-que je suis-et plusieurs autres cadres dirigeants, dont Coumba Dada Kane, Balla Touré, Ousmane Lo entre autres, ont été démis de leurs fonctions en lien avec l’Etat et persécutés dans les activités privées qui leur assurent le pain. Dès sa naissance en 2013, la branche politique du mouvement d’émancipation des noirs et de jonction avec les justes parmi les concitoyens arabo-berbères est frappée d’illégalité, par simple communiqué du ministère de l’intérieur.

En 2014, je me porte candidat à la magistrature, avec le handicap de l’impréparation et quelque défaut de moyens. Malgré la fraude en amont, le bourrage des urnes sans vergogne et le tripatouillage massif des résultats, je m’impose second, face au candidat des tribus, de l’oligarchie militaire, de l’obscurantisme religieux, des milieux affairistes, de l’ethnicité et de l’histoire en déclin, Mohamed Ould Abdel Aziz.

Sa campagne, dotée de plus de 5 milliards d’ouguiya, lui assurait l’instrument de la victoire, en sus des militaires, du personnel et de la machine administrative de l’Etat. Dépourvu des avantages comparatifs, je bénéficiais, cependant, de l’espoir et de l’enthousiasme parmi la jeunesse d’ascendance subsaharienne, que le trop plein de misère et de frustration déterminait au changement. Une fraction éclairée au sein de l’élite maure m’apportait un appui davantage qualitatif et bien moins de suffrages. A mes réunions, se pressaient, se bousculaient surtout, beaucoup de hratin, poullarophones, soninké, wolofs et bambaras.

A ce moment, Mohamed Abdel Aziz, mon concurrent pourtant largement favori, panique et incline aux procédés comminatoires, en violation des règles de la bienséance et des usages de la chevalerie ; il me fait parvenir un message de menace, par l’intermédiaire d’une tierce personne dont je ne dévoile l’identité pour l’instant : « tu vas rectifier tout de suite ton discours séditieux dont tu as usé pendant la campagne, sinon nous allons prendre nos dispositions et sévir à l’avenir. » L’ultimatum ne comportait de terme précis dans le temps.

Sans hésiter, je réponds, avec la fougue et la véhémence que suscite le sentiment de l’honneur bafoué, « je persiste et signe dans mes propos ! Qui es-tu pour dicter la ligne de mon discours ?»

A son investiture, après une victoire dont je contestais le score, l’inélégance et les expédients douteux, Mohamed Ould Abdel Aziz laissait entendre la résolution à éradiquer l’Ira – Mauritanie. Cinq jours avant mon arrestation à Rosso, en novembre 2014, une personnalité proche du susdit me remet en garde : « tu es visé, tu risques un long séjour en prison » ; selon mon interlocuteur, « si tu restes libre jusqu’en 2019, tu risques de multiplier ton aura et ta capacité de mobilisation ; fais attention ». La suite n’infirmait ses avertissements.

Tomber, se relever

Hélas pas seul je dus subir 18 mois de prison, sans motif plaidable dans une démocratie et recouvrais la liberté pour des raisons tout autant inexpliquées.

Libéré en 2016, je récoltais un bain de foule, d’une taille inaccoutumée ; la presse acquise à l’ordre établi s’inquiéta du nombre, de la compacité et de la joie en partage. Aussi, sans tarder, juste un mois après pareille apothéose, une série d’arrestations de ses cadres, décapitait l’association non-reconnue ; s’ensuivaient la torture durant la détention préventive et de lourdes peines de réclusion, avant leur allègement grâce aux pressions diplomatiques et à l’intérieur du pays. Néanmoins, la main lourde des services de sécurité favorise, parfois orchestre, des départs tonitruants de transfuges et des défections malveillantes, toutes fragilités mise en scène pour occasionner, dans nos rangs, le maximum d’acrimonie, de doute, bref nous démobiliser.

En janvier 2017 je me résolus à rompre un long séjour à l’étranger et regagnais le sol de la Mauritanie sous haute surveillance ; les rassemblements du mouvement essuient de violentes attaques par les forces de sécurité, la tension avec le pouvoir évolue en dent de scie. Ira se bat et s’illustre avec les forces de la coalition G8, contre le référendum puis seule face à la cherté de la vie.

L’aile politique d’Ira – en l’occurrence le Rag – cherche le partenariat avec un parti autorisé, pour pouvoir participer aux élections municipales, législatives et régionales ; certains, approchés, par nos soins prudents, ont tergiversé, louvoyé, pesé de la poussière de détail, avant de se résoudre, quasiment, à un identique agenouillement : ils disaient redouter la réaction de Mohamed Ould Abdel Aziz, le principal détracteur de la dynamique de libération des noirs en Mauritanie et de leur jonction avec les justes parmi les maures.

Alors, que l’espoir d’une collaboration fructueuse s’éloignait, le parti Sawab franchit le rubicon et rejoint l’alliance de la coalition qui soutient ma candidature au scrutin présidentiel de 2019. Dès l’annonce de la date de signature de cet accord au 31 mai 2018, le ministre de l’intérieur interdit l’évènement ; par la suite, après conciliabules avec la direction de Sawab, les autorités lèvent la mesure mais agitent des menaces, notamment sur les lèvres du porte parole du gouvernement, d’ailleurs expert en propos de faible discernement et d’une teneur toujours à l’avenant.

Le piège

Le 31 mai 2018 à la maison des jeunes de Nouakchott, l’enceinte débordait d’un public de circonstance où se retrouvaient quelques observateurs, curieux d’assister à une telle alliance, entre descendants d’esclaves, noirs victimes de l’exclusion et de l’impunité et des nationalistes arabes d’inspiration baassiste.

A la fin de la cérémonie les journalistes se ruent vers moi ; je ne les reconnais tous. L’un d’eux, en particulier, me marque, de près ; avec l’insistance habituelle des gens du métier et leur désir légitime de s’exonérer des mauvaises pratiques qui en ébrèchent la réputation, il se prétend « indépendant » et précise travailler pour plusieurs chaines de télévisions arabes ; elles lui auraient commandé une émission avec moi, au sujet de l’accord politique que nous venions de conclure.

Evidemment, je fais signe au Comité de la paix (sécurité d’IRA) de lui ouvrir le chemin, lui fixe un rendez-vous ; depuis, les témoins nombreux en attestent, il n’a presque plus quitté mon domicile ; son attitude ayant dérogé à la moins rigoureuse des déontologies, je me vis dans l’obligation de lui rappeler qu’il n’a pas le droit d’enregistrer les conversations et les échanges, en dehors de l’interview convenue. Il obtempère et explique avoir seulement besoin des images de la famille, des amis et promet de ne pas user des voix de fond, ni du son des conversations courantes. Plusieurs proches et amis de Ira assistaient à l’expression de ses assurances. Après deux semaines du séjour de l’individu chez moi, je quitte Nouakchott en direction des Etats unis d’Amérique.

Le déclenchement

Alors, en mon absence, Deddah Abdallah poste, sur Youtube, un montage vidéo exactement à charge, de la même veine que ceux produits, envers Ira, par les services des renseignements mauritaniens ; les ficelles de la fabrication, les séquences de montage, les arguments de diabolisation, les omissions, les recollages tendancieux recyclent les classiques de la communication anti-insurrectionnelle, en particulier les contre-mesures psychologiques, aux fins d’accentuer la rupture, dans l’opinion, entre la cible et ses partisans. Bref, il fallait me présenter sous un jour de répulsion, afin d’accorder, au discrédit recherché, les garanties de vraisemblance et de durée. Mohamed Ould Abdel Aziz, en principe constitutionnel, ne pourrait briguer un 3ème mandat en 2019. Ses zélateurs et lui cherchaient à me briser, d’abord. Ce que la télévision publique n’avait pu réussir à l’occasion de ses vidéos de propagande lors de mon arrestation à Rosso, Deddah Abdallah, dûment commis à cet office, s’en acquitta avec plus de fortune.

La voix du journaleux m’accablait de maintes épithètes, point d’une exquise flatterie. J’y apparaissais, sous les traits détestables de l’intrigant prétentieux, orgueilleux, corrompu, vendeur de sa cause aux ennemis de la Mauritanie et de l’Islam, haineux, revanchard, singulièrement jouisseur de luxe et de facilité. Bref, j’alliais ainsi les qualités irréconciliables, du révolutionnaire illuminé et du satrape cynique. Bien entendu, le reportage accorde la parole à mes contempteurs habituels, parmi les compagnons de lutte en rupture de ban mais, aussi, les politiciens de l’extrême droite arabo-berbère. A aucun moment, mon entrevue de plus d’une heure avec Deddah Abdellah, ne sera exploitée dans le document posté sur Youtube et Facebook.

La polémique déferla sur les réseaux sociaux et en dépit de mes instances réitérées, l’auteur refusait encore de retirer la vidéo diffamatoire, que jalonnaient des propos tenus, hors cadre, dans ma maison. L’auteur, l’on s’en souvient, s’était engagé à respecter cette part de débat privé avec les militants.

Sous la machination, le rouage

Oui, très en colère et dépourvu de recours, je demandais, aux militants, de répondre aux insultes celui qui a dérogé à son rôle de journaliste pour s’ériger en insulteur publique malgré notre hospitalité et nos cœurs ouverts. Ultime provocation après la diffusion de son travail de sape, il vint au logis, en mon absence, dans l’espoir de se faire lyncher par les jeunes mais il ne récolta que l’indifférence. Dès lors, il décida de se répandre en calomnies, partout ; au prétexte de défendre la liberté de la presse soi-disant compromise par nous, les chaînes locales de radio et de télévision lui offraient une tribune à titre gracieux et consentaient la connivence d’une corporation indignée.

La plupart ignorent la mesquinerie du calcul en dessous de tant d’acharnement et de laborieuse menterie : le système d’hégémonie ethno-tribal en délitement, ne saurait souffrir l’entrée, au Parlement, de Biram Dah Abeid et de ses compagnons, tels Adama Sy veuve du sergent Oumar Gadio tué dans le cadre de l’épuration raciale de 1991 et dont l’Assemblée nationale, deux années plus tard, amnistiait les meurtriers ; oui, comment accepter l’élection de Haby Rabah, esclave libérée par Biram Dah Abeid et Aminetou Mint Moctar en 2008 ; comment tolérer qu’elle affrontât les tenants du déni et de l’occultation !!!!

Le deux poids, deux mesures

A propos des griefs d’incitation à la violence et au meurtre, certains segments de la société mais également des soutiens et proches du pouvoir, s’y livrent impunément: Pendant l’incinération des livres esclavagistes que je menais en avril 2012, Mohamed Ould Abdel Aziz et son entourage m’ont souhaité la peine capitale ; ils parrainaient et encourageaient des manifestations de rue, avec des banderoles et pancartes exigeant ma mise à mort. Les Ouléma, hauts fonctionnaires et ministres prônaient mon élimination physique, au nom de la Charia. L’actuel ministre des affaires islamique le formulait dans un message audible sur Youtube ; à l’époque, il occupait le poste de chargé de mission auprès du département éponyme. De nos jours comme avant, beaucoup de pages facebook des colonnes de sites électroniques, les demandes quelquefois détaillées de me tuer ou d’exécuter les militants des droits humains relèvent de la banalité en République islamique de Mauritanie. Les plaintes de plusieurs victimes demeurent sans suite.

A titre d’exemple, tous se souviennent d’un plateau de télévision fameux où le salafiste et extrémiste violent Yehdhih Dahi annonçait le vœu de supprimer Biram Dah Abeid et Aminetou Mint Moctar, leader de l’Association des femmes chefs de famille (Afcf). Un entrepreneur, proche du pouvoir et des milieux de l’extrémisme religieux, mettait en gage de 10 000 euros, la tête de Mohamed Cheikh Mkhaitir, le blogueur toujours détenu, malgré le dépassement de sa peine de deux ans d’emprisonnement. Et la Mauritanie, membre du G5 Sahel, arbore son entrain à combattre le terrorisme…..

Un poète proche du pouvoir Douh Ould Begnougue déclamait, en public, son intention de tuer les ambassadeurs occidentaux et exposer leurs corps aux fourmis s’ils poursuivaient leur solidarité avec Mohamed Cheikh Mkhaitir accusé de blasphème.

Selon Sidi Ould Dahi un ex sénateur, interrogé lors d’une émission politique de la chaîne Alwataniya, l’ex dictateur Maawiya avait bien agi, en exécutant une tentative de génocide qui se soldait, sur trois ans, par la déportation, l’expropriation et l’assassinat collectif de centaines de noirs mauritaniens.

La justice, jusque-là, ne s’est inquiétée de tels dérapages en dépit de vives protestations de la part de courants influents de la société civile.

Et maintenant, que faire ?

En comparaison, Deddah Abdellah joue ouvertement le rôle d’un agent provocateur, guère d’un journaliste consciencieux. Le propos, en vertu duquel le magistrat m’incrimine, date de la dernière semaine du mois de juin ; donc pourquoi l’arrestation n’intervient que le 7 août, veille de la validation des candidatures ?

Oui, l’on me prépare un procès politique, dans la droite ligne des enseignements du passé, lorsqu’une tyrannie décatie refuse les outrages du temps et se croit de jeunesse perpétuelle. J’aborde la vieille ingrate avec l’aplomb et l’insolence de ma certitude en la toute puissance de l’opprimé, quand sonne l’heure de sa libération.

Biram Dah Abeid

Prison centrale, de Nouakchott, le 15/08/2018

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Lettre de Biram Dah Abeid depuis sa cellule, le 9 août 2018

Chers frères et sœurs de la coalition de Sawab et parti Rag /IRA

Militants et militantes d’IRA à l’intérieur et à l’extérieur, chers compatriotes

Je vous informe que la couardise de Mohamed Ould Abdel Aziz et de son pouvoir ne lui a pas permis de me laisser me présenter librement aux futures élections municipales, législatives et régionales. C’est pourquoi il a procédé à mon arrestation sur la base de l’échafaudage d’un plan fondé sur la malveillance, le mensonge et la mauvaise foi supervisé par la police politique depuis la salle où a été organisé le partenariat entre les ailes politiques de Sawab et IRA . Etant sûr que je ne serai pas présent avec vous au cours de cette importante bataille électorale de l’histoire de nos combats et de tous ceux des libres de Mauritanie, je n’ai aucun doute que vous allez gérer ce choc comme d’habitude et que vous allez administrer à ce régime qui torture, qui divise et qui appauvrit le peuple une défaite électorale sans précédent. Pour cela, je vous exhorte à vous concentrer sur la bataille électorale et ses exigences sans vous consacrer à rien d’autre comme les manifestations réclamant ma libération qui ne constitue pas pour le moment une priorité.

Sachez que ce régime et son président psychopathe s’est affolé à cause des données suivantes :

  1. L’intégration entre le parti Sawab et le Rag issu d’IRA dans une coalition qui soutient Biram Dah Abeid à la présidentielle et qui constitue un rapprochement et une concrétisation d’unité entre des communautés et ethnies nationales représente un danger sur la stratégie de Mohamed Ould Abdel Aziz et son pouvoir fondé sur la division et l’exacerbation des tensions communautaires.

  2. L’accès d’une ancienne esclave et d’une veuve qui a perdu son mari dans les assassinats de 90/91 et le risque d’entrée au parlement de grands leaders d’IRA et de Sawab pour défendre une nouvelle vision basée sur la lutte contre les injustices historiques et imposer le changement voire la fin du pouvoir autocratique afin d’arrêter le saccage des ressources nationales par les voleurs et les prédateurs du régime.

  3. Le chef du régime Mohamed Ould Abdel Aziz ne supporte pas l’élection de Biram Ould Dah Abeid au parlement pour que celui-ci ne bénéficie pas de l’immunité parlementaire. Mais je lui rappelle que mon immunité est d’Allah le Tout Puissant et Miséricordieux.

Enfin, j’appelle toutes les forces vives politiques, civiles, démocratiques et des droits de l’homme à être vigilantes et de dresser des jonctions et des passerelles qui permettent de raffermir leur unité et leur alliance dans ce combat face à ce régime destructeur et injuste. Tout comme j’adresse un appel solennel aux partenaires de la Mauritanie (ONGs non gouvernementales et gouvernementales, gouvernements, Etats et autres) de mobiliser des mécanismes de supervision pour assurer que ces élections soient justes et transparentes pour qu’elles constituent le début de la libération des Mauritaniens, de leur démocratie prise en otage et de leur justice inféodée et apprivoisée.

J’ai parlé du dossier fabriqué qui est la première réaction officielle sur le partenariat entre IRA et Sawab. Mais aussi une réaction officielle à la candidature de Biram Dah Abeid et certains de ses amis comme l’esclave Haby Mint Rabah et la veuve Adama Sy à des postes électifs qui leur permettent d’entrer au parlement. J’ai décidé de ne prononcer aucun mot ni aux juges ni aux instructeurs puisque l’expérience de cinq arrestations m’ont appris l’inutilité de cela pour des magistrats aux ordres du chef d’une autorité qu’ils suivent dans ses directives d’arrêter ou de libérer selon sa volonté.

Nouakchott le 09/08/2018

Biram Dah Abeid depuis sa cellule

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