Le durcissement du pouvoir mauritanien face aux anti esclavagistes (Mondafrique)
editos – Par Thalia Bayle – Publié le 24 Aoû, 2015
En Mauritanie, le leader charismatique Biram Ould Abeid vient de voir sa peine de deux ans de prison confirmée en appel. Le signe que cet opposant dérange plus que prévu.
Mis en détention dans la prison de Rosso au sud du pays depuis le 11 novembre, le militant anti esclavagiste Biram Ould Abeid n’a pas été l’opposant parfait tant espéré par les autorités mauritaniennes. Grande figure de la lutte abolitionniste et anti raciste en Mauritanie, le président de l’« Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste » (IRA), principale Ong anti esclavagiste du pays, avait été arrêté avec une quinzaine d’autres militants. Ils étaient de passage à Rosso à l’occasion d’une « caravane » déployée pour dénoncer les expropriations de terres des négro-mauritaniens de la vallée du fleuve Sénégal.
Les autorités mauritaniennes accusent l’IRA d’avoir fait de ces rassemblements une « occasion de propagande raciste, de propos semant la haine entre les populations ». Plusieurs Ong de défense de droits de l’homme n’ont cessé depuis d’appeler aujourd’hui le pays à « arrêter de s’en prendre aux militants anti-esclavagistes ». « Les autorités mauritaniennes doivent cesser de harceler, menacer et sanctionner les personnes luttant contre l’esclavagisme », a notamment déclaré Amnesty International. Pourtant le leader du mouvement anti esclavagiste vient de voir confirmé une peine de deux ans de prison en appel.
Opposant utile
Rare personnalité mauritanienne connue à l’étranger, Biram Ould Abeid s’était vu attribuer le prix des droits de l’homme de l’Onu en 2013. Une récompense qui confère une légitimité internationale à ses méthodes provocantes régulièrement critiquées par les autorités mauritaniennes. Sittings, manifestations, autodafés d’ouvrages religieux justifiant l’esclavage… Biram n’hésite pas à ruer dans les brancards et joue à fond la carte médiatique. Un pari qui, jusqu’à maintenant, lui avait réussi. En juillet 2014, ce militant de la première heure était même allé jusqu’à se présenter aux élections présidentielles, profitant du vide laissé par les autres mouvements de défense des noirs de Mauritanie. En perte de vitesse, le RFD, principal parti d’opposition négro-mauritanien dirigé par Ahmed Ould Daddah, a perdu de son panache en mettant de plus en plus de côté les questions identitaires et en boycottant systématiquement les élections.
Loin d’inquiéter le pouvoir du président Mohamed Ould Abdelaziz, la montée en puissance de Biram fut pour lui une aubaine. Trop radical et trop à la marge pour être élu, le président de l’IRA aurait pu être le parfait opposant utile au pouvoir. Un agitateur capable de phagocyter une partie de l’électorat d’opposition sans réellement constituer une menace. Un puissant faire valoir démocratique qui s’attire d’autant plus les faveurs des pays occidentaux que le sujet du racisme anti noir y est extrêmement sensible. En laissant Biram effectuer, dans un calme relatif, sa tournée électorale l’été dernier, Aziz semblait avoir adopté cette stratégie.
Autocratie
Peine perdue. En réprimant à nouveau violemment les militants anti esclavagistes, le régime mauritanien dont la France vante tant les mérites dans la lutte antiterroriste au Sahel montre une fois de plus son vrai visage. Celui d’un régime autocratique incapable de s’atteler au problème de la fracture identitaire qui mine encore profondément la société.
Bien qu’aboli en 1981 et pénalisé depuis 2007, l’esclavage est encore pratiqué en Mauritanie. En janvier 2014, l’Ong australienne Walk Free plaçait le pays à la tête de son classement des Etats « esclavagistes ». Avec 150 000 esclaves pour seulement 3,8 millions d’habitants, soit 4% de la population, la Mauritanie remporte la palme de l’esclavage moderne. La forme la plus commune d’asservissement touche les populations négro-mauritaniennes largement exclues des principaux centres de pouvoir contrôlés par les élites Maures minoritaires qui dirigent le pays.
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