Décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires à sa 158ème session (Genève, 8 février 2019)
Décision adoptée par le Comité des droits de l’homme des parlementaires à sa 158ème session (Genève, 8 février 2019)
Biram Dah Abeid, homme politique mauritanien, défenseur de l’abolition de l’esclavage, lors d’une conférence de presse à Dakar, le 29 septembre 2016 © Seyllou / AFP
MRT-03 – Biram Dah Abeid
Allégations de violations des droits de l’homme :
✓ Détention arbitraire
✓ Non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade de l’enquête et du procès
✓ Atteinte à la liberté d’opinion et d’expression
✓ Atteinte à l’immunité parlementaire
A. Résumé du cas
M. Biram Dah Abeid, Président du parti l’Initiative de la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et ancien candidat aux élections présidentielles de 2014, a été arrêté à son domicile le 7 août 2018. Le 13 août 2018, il a été inculpé d’« atteinte à l’intégrité d’autrui, d’incitation à la violence et de menace d’usage de la violence » suite à une plainte déposée par un journaliste.
Selon le plaignant, l’engagement militant de M. Biram Dah Abeid – et de son parti l’IRA – contre l’esclavage en Mauritanie serait à l’origine du harcèlement politico-judiciaire dont il est victime et qui vise à l’écarter de la scène politique. Le plaignant affirme que les chefs d’accusation portés contre M. Dah Abeid ne sont étayés par aucun élément de preuve et que son alliance politique avec le parti politique Essawab a été l’élément déclencheur des poursuites engagées contre lui, dont l’objet serait d’invalider sa candidature aux élections législatives de septembre 2018 et de l’empêcher de mener sa campagne librement. La candidature de M. Dah Abeid a été validée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui a également confirmé son élection.
Le plaignant considère que la détention de M. Dah Abeid, qui s’est poursuivie en violation de son immunité parlementaire et en l’absence de procès, revêt un caractère arbitraire. Le 5 décembre 2018, le juge d’instruction chargé du dossier a renvoyé l’affaire devant la Cour criminelle. Les avocats de M. Dah Abeid ont fait appel de cette décision le 13 décembre 2018. Le 31 décembre 2018, M. Dah Abeid a été condamné par le tribunal correctionnel à une peine de six mois d’emprisonnement, dont quatre avec sursis. Il a de ce fait été libéré puisque sa période de détention provisoire couvrait la durée de sa peine. Les avocats de M. Dah Abeid ont fait appel de sa condamnation.
B. Décision
Le Comité des droits de l’homme des parlementaires
1. considère que la plainte concernant la situation de M. Dah Abeid est recevable en vertu de la section I 1) a) de la Procédure d’examen et de traitement des plaintes (Annexe 1 des règles et pratiques révisées du Comité des droits de l’homme des parlementaires) et se déclare compétent pour examiner le cas en ce qui concerne les violations alléguées, survenues après son élection ;
2. regrette profondément l’absence de réponse des autorités mauritaniennes ; souligne que le Comité attache une grande importance au dialogue et à la coopération avec les autorités mauritaniennes, en particulier avec l’Assemblée nationale de la Mauritanie ; rappelle qu’il est essentiel pour le Comité de recevoir la version officielle des faits, telle que présentée par les deux parties pour pouvoir évaluer la situation à la lumière de toutes les informations disponibles ; relève que l’absence de réponse des autorités mauritaniennes pourrait donner du poids aux allégations du plaignant selon lesquelles les poursuites contre M. Dah Abeid sont d’ordre politique; espère en conséquence recevoir une réponse de l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais pour pouvoir clarifier la position des autorités ;
3. prend note de la condamnation en première instance de M. Dah Abeid et de l’appel interjeté par ses avocats en décembre 2018; invite le plaignant à transmettre une copie du jugement motivé afin de comprendre le fondement juridique sur lequel repose la condamnation ; invite les autorités mauritaniennes à s’assurer que le procès en appel se déroule de manière impartiale et équitable, dans le respect des normes nationales et internationales applicables en la matière, et souhaite être tenu informé des dates des audiences du procès en appel ;
4. relève avec inquiétude que l’immunité parlementaire de M. Dah Abeid aurait été violée car sa détention s’est poursuivie après son élection comme député, et alors que l’Assemblée nationale n’avait pas levé son immunité ; note que M. Dah Abeid a repris ses fonctions législatives après sa libération et qu’il siège actuellement à l’Assemblée nationale; espère qu’il sera en mesure d’exercer son mandat parlementaire sans entrave ;
5. prie le Secrétaire général de porter la présente décision à la connaissance des autorités pertinentes, du plaignant et de toute tierce partie susceptible de lui fournir des informations utiles ;
6. décide de poursuivre l’examen de ce cas.