Dossier de l’esclavage en Mauritanie : Une source probable de clash entre Washington et Nouakchott
L’ambassadeur US en Mauritanie, SEM. Larry André, a déclaré en substance que le dossier de l’esclavage en Mauritanie est une priorité pour l’administration américaine et que ses pratiques existent malgré le démenti du président de la République qui n’en retient que les séquelles. Une certaine opinion locale se demande si cette déclaration en porte-à-faux par rapport à la position officielle du gouvernement mauritanien pourrait entraîner l’expulsion de l’ambassadeur et provoquer un clash entre Washington et Nouakchott ?
Depuis son arrivée en Mauritanie, il y a juste quelques mois, l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en Mauritanie, SEM Larry André multiplie ses contacts avec les partis politiques et les organisations de la société civile, notamment les défenseurs des droits de l’homme.
Au cours de sa dernière rencontre avec l’opposition dite radicale, le diplomate américain a déclaré le souhait du Département d’Etat américain de voir l’esclavage définitivement aboli en Mauritanie. Sa présence dans le pays aurait ainsi, entre autres objets, celui d’aider les différentes parties concernées par ce dossier à solutionner cet épineux problème.
Selon le Chef de file de l’opposition démocratique, El Hacen Ould Mohamed de Tawassoul, les déplacements du diplomate américain deviennent de jour en jour sources d’inquiétudes dans plusieurs milieux mauritaniens. Pour le président du parti El Wiam, Boïdiel Ould Houmeïd, l’ensemble des forces vives de la Nation doivent être conviées dans toute action visant à une solution consensuelle. Selon lui, le parti islamiste peut beaucoup contribuer à la résolution de l’esclavage, tout comme le parti AJD/MR dont le leader Ibrahim Moctar Sarr a donné de sa liberté et de son intégrité physique pour la défense de causes similaires.
L’ambassadeur US aurait noté l’impérieuse nécessité pour les parties directement concernées par l’éradication de l’esclavage en Mauritanie de s’impliquer davantage. Il croit également que l’UPR, parti au pouvoir, détient un rôle déterminant dans ce combat en tant que formation politique chargée de la mise en œuvre du programme du pouvoir en place.
Auparavant, SEM Larry André avait rencontré les organisations directement impliquée sur le terrain de l’action, en l’occurrence IRA, SOS Esclaves et El Hor.
Si les multiples prises de contact du diplomate américain depuis son arrivée en Mauritanie sont suivies dans un silence de mort du côté du pouvoir, plusieurs voix au sein de la majorité comme de l’opposition dite modérée, comme Sawab, ont vivement dénoncé ce qu’ils ont appelé « l’ingérence américaine dans les affaires intérieures du pays ».
Selon cette opinion, la dernière déclaration de l’ambassadeur américain sur la persistance de l’esclavage et non de simples séquelles, comme le soutiennent le président et le gouvernement mauritanien, constituerait une prise de position favorable aux opposants au pouvoir et sortirait ainsi de la ligne officielle. Et de rappeler qu’ailleurs dans le monde, des ambassadeurs ont été expulsés pour de tels agissements. C’est le cas au Zimbabwé, soulignent-ils en substance, où Robert Mugabé aurait menacé dimanche 18 janvier dernier, d’expulser l’ambassadeur James MCGee, pour « ingérence dans les affaires internes du pays ».
L’occasion pour certains de souligner que si la Mauritanie tient à devenir un autre Zimbabwé, une telle éventualité serait à envisager. De soutenir, que les actions de SEM Larry André entreraient dans une dynamique tacitement encouragée par le pouvoir en place et les parties prenantes, lesquels ne verraient pas d’un mauvais œil l’éradication d’un phénomène en bute aux pesanteurs socio-tribales.
La dernière fois que la Mauritanie a eu des démêlées avec un diplomate américain, c’était en 2009. Beaucoup de leaders politiques, dont le RFD d’Ahmed Ould Daddah, avaient en effet accusé le Chargé d’Affaires de l’ambassade US à Nouakchott, Denis Hankes, de trop se mêler des affaires intérieures. A la base de cette accusation, une bande sonore où Ould Daddah accusait le diplomate de lui avoir proposé une « aide financière moyennant la signature d’une Charte ». L’affaire avait provoqué à l’époque un tollé.
Cheikh Aïdara