Mauritanie: Le défenseur des faibles,affaibli

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Le tribunal de la ville de Rosso, dans le sud du pays, a condamné à deux ans de prison trois militants anti-esclavagistes et défenseurs des droits humains : Biram Ould Dah Ould Abeid prix de l’Onu pour la cause des droits de l’homme en 2013,Brahim Bilal, Djiby Sow

Ils ont été inculpés pour appartenance à une organisation non reconnue et de participation à une réunion non autorisée. Sept autres militants ont été acquittés. Malgré l’aspect pacifique de la manifestation, ces défenseurs des droits de l’homme et de combattants contre l’esclavage ont été envoyés en prison jeudi 15 janvier 2015. La condamnation de ces militants qui ont participé à des manifestations pacifiques, a été considérée comme une violation des droits de l’homme .L’Amnesty International section Afrique de l’Ouest par exemple par la voix de Gaetan Mootoo, estime que « les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique ont été bafoués ».

Les circonstances des arrestations

Biram Dah Abeid a été arrêté à Rossole 11 novembre, en compagnie de 10 autres membres de l’IRA, durant leur campagne pacifique visant à sensibiliser la population au sujet des droits à la terre des descendants d’esclaves. En Mauritanie, les descendants d’esclaves qui travaillent sur des terres sans aucun droit sont contraints de donner une partie de leurs récoltes à leurs maîtres traditionnels.
La police a interrompu la réunion, évoquant l’absence de documents autorisant la manifestation. Les responsables de l’IRA avaient pourtant fait la demande. Aussitôt arrêtés, ces militants ont été inculpés placés en détention à Rosso, sans avoir l’autorisation de recevoir des visites de leurs familles.

 

Qui est cet homme ?

 

Biram Dah Abeid est né le 12 janvier 1965 à Rossa Mauritanie. Il a fréquenté les universités Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal et de Nouakchott. Il fait partie de la caste des Harratins, des Maures noirs descendants d’esclaves représentant environ 40 % de la population mauritanienne. Son père a été affranchi par le maître de sa grand-mère et est né libre. Biram Dah Abeid est le premier enfant de sa famille à être scolarisé. Il intègre l’université, où il étudie le droit et l’histoire. Il consacre sa thèse à l’esclavage, une pratique interdite depuis 1981 en Mauritanie mais toujours répandue dans le pays. Après ses études, il commence à militer au sein de l’ONG antiesclavagiste SOS Esclaves.

En 2008, il fonde l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), qu’il définit comme « une organisation de lutte populaire » et dont il est le président.Lentement mais surement, Abeid comme l’appellent les proches, ratisse large avec son organisation. Il fera face à des obstacles. En février 2011, il est condamné à une peine de prison puis gracié par le président Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz. En avril 2012, durant une manifestation se déroulant à Nouakchott, il brule des textes de droit de l’école malikite, l’une des écoles du droit musulman dans son pays, qui selon lui encourage la pratique de l’esclavage. Il est à nouveau emprisonné avec d’autres militants de l’IRA et accusé de porter atteinte à la sûreté de l’État. L’organisation qu’il dirige présente ses excuses pour l’incident, qui choque presque tout le pays. Mais après plusieurs mois de détention et l’annulation de leur procès pour vice de forme par la cour criminelle de Nouakchott, Biram Dah Abeid et ses codétenus sont libérés en septembre 2012.Les arrestations, les sanctions entre autres,n’entravent en rien sa volonté de combattre pour les faibles.Ce travail lui a d’ailleurs valu des récompenses.

En 2013, Biram Dah Abeid reçoit le Front Line award for Human Rights Defenders at Risk de l’ONG irlandaise Front Line Defenders et fait partie des six lauréats du prix des droits de l’homme, décerné tous les cinq ans par l’Organisation des Nations unies à des personnes ou associations ayant œuvré pour la défense des droits de l’homme. Pour mieux réussir sa mission ,Biram Dah Abeid se présente à l’élection présidentielle mauritanienne de 2014. Au 1er tour, il se classe second et obtient 8,6 % des suffrages. Le président sortant est réélu avec 81 % des voix. En novembre 2014, le militant est de nouveau arrêté, avec neuf autres membres de l’IRA, après avoir pris part à une caravane contre l’esclavage. Le parquet de la cour correctionnelle de Rosso requiert cinq ans de prison ferme contre les militants, accusés notamment de «violence contre la force publique

 

Pourquoi c’est un risque pour Biram Dah Abeid de dire non en Mauritanie ?
Biram Ould Dah Ould Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). Il milite depuis des années de façon pacifique, à la tête de l’association IRA (Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste), pour l’abolition effective. Alors que le pouvoir mauritanien, poussé par des associations locales et sous la pression internationale, a adopté une loi criminalisant l’esclavage en 2007, il n’a jamais appliqué cette loi. Les personnes soupçonnées de posséder des esclaves sont systématiquement protégées par les forces de l’ordre et la justice qui poursuivent, au contraire, les militants anti-esclavagistes. La Mauritanie a été classée en 2013 premier pays au monde pour la proportion de sa population maintenue en situation d’esclavage par la Fondation australienne Walk Free qui, dans son rapport, dénonce par ailleurs le manque de volonté des autorités mauritaniennes dans leur lutte contre l’esclavage.

Aujourd’hui, le défenseur des droits de l’homme perd ses droits, mais il ne manque pas de soutien. Amnesty International et le site Avaaz dans une pétition exigent la libération de Biram Dah Abeid et de ses codétenus.

Joe Marone

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