Une ONG australienne critique très sévèrement les autorités mauritaniennes sur l’esclavage
Le Courrier du Sahara – Pour la deuxième année consécutive, la Mauritanie arrive en tête du classement des pays les plus touchés par l’esclavage moderne, selon le rapport annuel établi par la fondation australienne de défense des droits de l’Homme, Walk Free. L’ONG critique très sévèrement les autorités mauritaniennes.
Rendu public lundi 17 novembre, le rapport 2014 de Walk Free établit que le phénomène de l’esclavage moderne touche 4% de la population mauritanienne, soit un total de 155’600 personnes. L’esclavage est «héréditaire» et «enraciné dans la société mauritanienne», estime l’ONG dans ce document.
«Alors que le gouvernement mauritanien dispose d’une législation pour traiter l’esclavage moderne, l’exploitation des citoyens continue en raison d’une défaillance délibérée et systématique du gouvernement à faire respecter la loi», écrit Walk Free dans son rapport 2014.
Walk Free critique sévèrement le pouvoir mauritanien
En mars 2013, le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a mis sur pied l’Agence Nationale Tadamoun pour la Lutte contre les Séquelles de l’Esclavage, l’Insértion et la Lutte contre la Pauvreté. Une année plus tard, la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes d’esclavage était annoncée. Mais ces mesures sont perçues comme des effets d’annonce par Walk Free.
«Depuis sa création, aucun cas n’a été traité par le tribunal et nos sources estiment que rien ne permet de confirmer que ce tribunal existe réellement. Le plan d’action national (ndlr: de lutte contre l’esclavage) est doté d’un budget de 3,3 millions de dollars bien qu’il y ait des preuves que Tadamoun n’a pas encore mené d’activités», poursuit l’ONG.
Sur son site internet, l’agence Tadamoun annonce le lancement d’un programme national dit de «transfert sociaux» visant à accorder une aide financière à 100’000 ménages mauritaniens vivant dans la précarité. «C’est pour ces ménages les plus vulnérables, et pour ceux touchées par les séquelles de l’esclavage, que le gouvernement propose ce programme. (…) Il doit servir de levier transformationnel pour la scolarisation, pour la santé, pour le changement des mentalités, et pour une productivité accrue», indique l’agence sur son site web. Ce programme est prévu pour débuter en 2015, selon des informations que Le Courrier du Sahara a pu obtenir, mais aucune date n’est mentionnée dans le communiqué de l’agence.
Officiellement, l’esclavage a été aboli en 1981 en Mauritanie, pays de 3,8 millions d’habitants d’origine arabo-berbère et d’Afrique subsaharienne. Depuis 2007, les personnes reconnues coupables d’esclavagisme encourent des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Mais le phénomène subsiste, dénoncent régulièrement les ONG nationales et internationales.
36 millions de personnes victimes d’esclavage dans le monde
Les autres pays les plus touchés par l’esclavage moderne sont l’Ouzbékistan (3,97% de la population), Haïti (2,3%), le Qatar (1,36%) et l’Inde (1,14%). Hommes, femmes ou enfants, près de 36 millions de personnes sont victimes d’esclavage dans le monde, alerte l’ONG. L’esclavage moderne est présent dans l’ensemble des 167 pays couverts par l’étude, ajoute Walk Free. Les personnes victimes de trafic humain, celles contraintes de se marier, les enfants exploités dans les conflits entrent aussi dans la définition de l’ONG.
L’enquête 2014 relève une hausse de nombre de cas de 23% par rapport à 2013, non pas à cause d’une explosion du nombre de cas, mais en raison d’une meilleure méthodologie, explique Walk Free. Plus de la moitié des victimes recensées par l’ONG le sont dans cinq pays: l’Inde, la Chine, le Pakistan, l’Ouzbekistan et la Russie, détaille l’enquête.
En bas du classement, l’Islande et le Luxembourg sont les deux pays les plus exemplaires, avec seulement 100 victimes chacun, selon l’ONG. En 2013, pour le lancement de son rapport annuel sur l’esclavage moderne, la fondation Walk Free a obtenu le soutien de divers personnalités, comme l’ex secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, l’entrepreneur Bill Gates ou le chanteur irlandais Bono.