Mauritanie : Esclavage, superstition et contrainte sexuelle

مبادرة إنبعـــاث الحــــركة الانعتـــــــاقية

INITIATIVE DE RESURGENCE DU MOUVEMENT ABOLITIONNISTE EN MAURITANIE

IRA – Mauritanie

Mauritanie : esclavage, superstition et contrainte sexuelle

Note d’alerte

Le sieur Hattab Ould Youba Zeine Ould Mohamed Fadel Ould Mamine reçut une sollicitation de la mère Elbarra, désireuse de soigner sa fille, d’une chute des cheveux, une tare disqualifiante pour toute jeune personne, a fortiori d’une extraction stigmatisée. Le médecin de circonstance, dévoila les conditions de sa thérapie : Anna Mint Elbarra, âgée de 20 ans, viendra, consulter, en sa demeure, à la tombée de la nuit, pour une séance mystique de communion aux forces de l’invisible ; ainsi, sans délai, se débarrasserait-elle de l’alopécie et retrouverait une chevelure enviable. 

Le substrat social

A Adel Bagrou, arrondissement à l’extrême-est de la Mauritanie, la section Ira-M apprend le viol, par Hattab, de Anna Mint Elbarra, descendante d’esclaves, désormais enceinte de ses œuvres. Le profanateur est un dignitaire du cru et se prétend de la filiation du Prophète de l’Islam. A ce titre, il jouit d’un statut de noblesse qui confère la sainteté et entraine la vénération. Les populations serviles, les Hratin, vouent, à ce genre de personnage, respect et obéissance, sous peine d’endurer la colère de Dieu. Bien des chefferies et lignages qui se réclament d’une telle ascendance, pratiquent, parmi leurs ouailles, le métier de charlatan dont les avantages, en monnaie et nature, découlent de l’abus de faiblesse.  La supériorité de naissance permet, au profit des auteurs, une relative impunité, à l’intérieur de la société et vis-à-vis de l’Etat. L’emprise entretient, chez les victimes issues de la misère et de l’ignorance, une religiosité où la résignation, empreinte de terreur, relève de la piété. Le racket et la prédation sexuelle sur le corps des patientes constituent quelques-uns des avantages induits du métier de guérisseur, quand le pratique cette coterie de docteurs ès-crachat, diplômés en vertu de la généalogie. En République islamique de Mauritanie, l’influence wahhabite produit une impunité à peu près sans borne : depuis environ une décennie, il est aisé de spolier les honnêtes gens, de les menacer et déposséder de leur dignité, dès lors que l’on se présente sous l’apparence rassurante de la dévotion. Bientôt, tuer un innocent au nom de Dieu résulterait d’un droit individuel. La privatisation de la justice, encore au stade de l’hypothèse, risque de devenir une faculté à portée des dévots. La dérive vers le jihadisme domestique s’accentue à mesure que l’autorité légitime s’enfonce dans la surenchère avec le fanatisme. L’évolution suit son cours grâce à une quasi-indifférence de l’opinion, de la classe politique et du gouvernement. La violence de sa maturation n’autorise plus le doute. 

La cure par le viol

La mère obtempère aux instances de l’illustre notable et lui envoie sa fille, à chaque crépuscule. Après plus de trois mois d’un manège quotidien, elle se rend compte que Anna se trouve en état de grossesse ; elle la somme, alors, de nommer le futur père ; la victime désigne Hattab Ould Heidda ould Youba Zeine ould Mohamed Vadel ould Mamine, le faiseur de miracle. Quoique meurtrie et révoltée, la mère s’abstient de réagir et préfère prendre son mal en patience, de peur d’encourir les représailles divines, si elle indisposait le violeur ; selon elle, le père de ce dernier, certes décédé depuis plusieurs années, serait au courant de tout et pourrait lui jeter un mauvais sort.

Cependant les sympathisants d’Ira-M dans la région du Hodh oriental, ne cessent d’expliquer, aux deux femmes, l’atteinte à leur humanité élémentaire. Finalement, elles se résolvent à chercher le secours d’un magistrat, en passant par le Commissariat de police de Adel Begrou. Le 20 mai 2020, Hattab est convoqué mais se présente libre, à l’inverse d’autres présumés délinquants de moindre envergure, s’ils appartiennent aux castes inférieures.  Le prévenu, auréolé de son patronyme, bénéficie aussitôt d’un traitement de faveur. Il arrive, entouré d’une imposante suite de disciples, dont le député et notable d’Amourj, Mohamed Tourad dit Houmeyda, qui réclamait, pour l’ancien Président Mohamed Ould Abdel Aziz, le statut de monarque. L’entourent, également, les maires de communes de Hassi Atila, Sidi El Kheir Ould Enneda et de Beribavat, Hademine Ould Tourad. Le commissaire Sidi Lebatt Ould Bouh Cheikh leur témoigne d’insignes amabilités et ne manque d’opposer, aux deux requérantes, des mots de réprimande en public et les marques du dédain. D’ailleurs, les agents en uniforme leur proposent le retrait de la plainte, en contrepartie d’un arrangement à l’amiable avec le sieur Hattab qui reconnait son forfait et souhaite taire le scandale. Anna et sa mère refusent le compromis et exigent réparation, auprès d’un juge. Sous les directives du Procureur de la république près le tribunal de Néma – Saadna Ould Tourad – la police laisse trainer le dossier durant plusieurs jours, non sans exercer, de temps à autre, l’intimidation contre la famille et les proches des victimes, afin de modérer leur envie de justice.  Néanmoins, grâce à l’assistance des activistes d’Ira-M à Adel Bagrou, les plaignantes résistent. Sur les groupes de discussion WhatsApp, les disciples de Hattab s’échangent des poèmes et des oraisons surgies du Moyen-âge, à la gloire de leur maître. Ils y mêlent le Coran, la Sunna, le fantasme et l’éloge d’ancêtres natifs d’Arabie. La plupart des vocaux attestent des délits d’incitation à la haine, d’apologie de la magie et de l’exercice illégal de la médecine. 

L’épilogue provisoire

Le mercredi, 26 mai 2020, Anna et Hattab(entouré et soutenu par les notabilités tribales et les élus du département) comparaissent devant le procureur de la république de Néma; le susdit qualifie les faits d’accouplement illicite, autrement dénommée zina dans le code pénal de la Mauritanie. En l’absence d’une répression spécifique du viol, le texte de loi désigne une relation hors mariage, qu’elle soit consentie ou non. Pire, le juge d’instruction – Mohamed Mahmoud Salem Makhtour – ordonne la libération de l’accusé et le place sous contrôle judiciaire. Le crime, passible de 100 coups de fouets n’est imputé qu’aux justiciables célibataires. Il convient, ici, de souligner la distinction : le fornicateur marié s’expose, lui, à la lapidation jusqu’à la mort, dans d’atroces souffrances. 

L’inculpation de Anna et de son bourreau, au titre du même grief, vient consacrer le machisme le plus abject. Le 26 mai, mère et fille retournent, à Adel Bagrou traînant la douleur, la honte et l’humiliation et une grossesse sans géniteur connu, loin de la moindre assurance-santé. 

Ira-M exprime, à l’occasion, son admiration aux lanceurs d’alertes, soldats de l’ombre qui traquent le racisme et la déshumanisation, en Mauritanie. La reconnaissance s’adresse, en l’espèce, aux braves Mohamed Ould Abeid et Abdellahi Ould Mbaye, respectivement président et adjoint de la section du Hodh oriental. 

Initiative de résurgence abolition en Mauritanie (Ira-M)

Nouakchott, le 29 mai 2020

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