Oraison solennelle du député Biram Dah Abeid du 15 septembre qui n’a pas eu lieu
Voici le discours que le président Biram Ould Dah Ould Abeid voulait lire devant les foules qui l’accueillaient à Nouakchott le 15 septembre et que les autorités mauritaniennes ont empêché par la violence :
Mon serment envers vous
Oraison solennelle du député Biram Dah Abeid
A présent revenu au bercail, après 35 jours d’absence, je rends hommage à ceux qui vivent et souffrent le martyr, aux tréfonds des geôles sombres et nauséabondes de la Mauritanie. J’ai nommé les compagnons de lutte, défenseurs de la liberté d’expression, à la fois intrépides et persécutés, Abaye Ba, Seyidna Ali Mohamed Khouna, Ely Ould Bakar.
Permettez-moi de rappeler, d’abord, votre droit fondamental, à vous rassembler et manifester vos joies désarrois et colères. Sans jamais user de violence, vous l’avez conquis de haute lutte et, toujours, en payez la rançon.
Qu’Allah en soit loué, à rebours de l’entreprise brutale qui prétend vous ôter la dignité autant que le pain, vous venez m’accueillir, si nombreux, à vos frais, en dépit de la misère et de la dissuasion. A l’inverse de l’usage d’achat des consciences auquel le système chancelant recourt pour se parer d’une popularité factice, chacun d’entre vous, ici, fait, de sa présence, une profession de foi et un acte d’héroïsme. Nous, la masse émergente de parias et des gens de peu n’avons nullement besoin de louer des bus, de les remplir de figurants, encore moins de rémunérer la foule des anonymes. Notre force est démontrée. Elle ne résulte pas seulement du nombre mais reflète, d’abord, la vigueur de l’élan et l’attente, trop différée, de la délivrance. Le système discriminatoire que nous voulons bannir n’a pas le temps pour allié. Il agonise et nous devons l’accompagner aux soins palliatifs, afin de hâter son extinction, avec douceur, sans compromettre l’avenir commun.
Par ailleurs, chers compatriotes indignés devant l’affliction du peuple fier de Palestine, je vous le confirme, dans les villes d’Europe, toutes les villes d’Europe, les manifestations denses contre les crimes d’Israël se multiplient et enflent. Les Palestiniens vous parlent de vous-mêmes. L’injustice, peu importe sa nature et l’auteur, n’engendre que la protestation puis la révolte. La Mauritanie, toute proportion gardée, n’échappera à la règle immuable de l’émancipation.
Chères Nouakchottoises et Nouakchottois, aujourd’hui, j’ai traversé notre capitale, déclarée il y a plus d’un an, chantier d’un bond en avant et modèle d’urbanisation. Malgré les annonces du gouvernement, les petits bouts d’inauguration, les mises en scène télévisées et un budget de 50 milliards d’ouguiyas, vous voici témoins et victimes de l’insalubrité et de la gabegie. Une petite pluie y devient inondation. Alors, la chaussée d’à peine quelques centimètres d’épaisseur s’effrite et, ainsi, dévoile l’ampleur de l’imposture. Son état dégradé désigne et dénonce les bénéficiaires des marchés publics, vache à lait de la cleptocratie ethno-tribale.
Ils vous volent, impunément, à coups de fausses factures, de faux diplômes, de contrefaçon en écriture, le tout enrobé d’impunité et d’une arrogance que les vitres teintées de leur véhicules neufs peinent à occulter. Pseudo entrepreneurs, prestataires sous-traitants du vent, maquignons de comptes douteux, adorateurs de l’argent sous le manteau de la piété, ils pullulent et engraissent à l’ombre du népotisme bienveillant. Si vous les croisez, n’oubliez, à aucun moment, combien ils demeurent artisans de votre ruine, dites-leur que vous êtes là, impatients à réclamer le remboursement de la créance séculaire. En dessous de la politique, des élections et des discours, prospère une association de malfaiteurs qui s’adapte aux changements de façade à la tête de l’Etat. Elle possède ses fermes, ses banques, ses industries, ses licences de pêches et de prospection minière, quantité d’armes, beaucoup de passe-droits et de ruses mesquines, les cachets de l’administration, le sceau du magistrat et même le monopole dévot. Des tuteurs étrangers lui garantissent respectabilité et veille protectrice.
In fine, l’avidité de la prédation vous appauvrit. Quand ils tuent nos rêves légitimes de bien-être et nous privent des services universels de base, les puissants de Mauritanie nous forcent à adopter la posture de la légitime défense. Ils ne nous laissent pas de choix alternatif à l’instinct de survie.
Oui, aujourd’hui, nous autochtones, opprimés sur la terre de nos ancêtres, cessons de courber l’échine et relevons le front. Nous réclamons l’autodétermination et la prise du pouvoir par les urnes. D’ici-là, nous ne manquerons plus aucun rendez-vous de l’éveil citoyen et pas une barricade ne résistera à nos assauts ! La trêve de la compromission par nécessité et de la patience élastique a pris fin. Avec votre soutien, désormais je la décrète caduque. Tel est mon serment envers vous !
Biram ould Dah ould Abeid
Nouakchott, le 15 septembre 2025