Le parcours du combattant (lecalame.info)

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Que n’a-t-on pas dit sur Biram ? Pour en avoir le cœur net, Le Calame est allé lui demander ce qu’il en était. Bon prince, notre célébrité mondiale des droits de l’Homme s’est livrée, sans détours, à l’exercice…

Les racines du combat antiesclavagiste du leader harratine remontent à loin. Dès l’âge de huit ans, il faisait serment à son père d’y consacrer sa vie. Car Dah ould Abeïd en avait, comme on dit, gros sur le cœur et n’avait eu de cesse de transmettre, à son fils, la flamme du combat contre l’injustice. Comment avait-on pu tant s’éloigner de l’esprit de l’islam, de la lettre même de ses fondements ? Et Dah d’évoquer, mille fois, la terrible fatwa du bambara Samory Touré, autopromu Al-Mamy, chef de la guerre sainte contre l’envahisseur français, au temps des guerres coloniales : tous ceux qui ne le rejoindraient pas seraient traités en kâfir et réductibles en esclavage, eux et leur famille. Le village de Boulboul fut ainsi razzié, Katafana Traoré capturée et vendue en esclave à Abdallah, un arabo-berbère de la tribu Iderig qui nomadisait du côté de Rosso.

 

Un puissant héritage familial

La nouvelle captive reçut le nom de M’barka. Elle fut trois fois mariée et eut cinq enfants. Un jour, un affranchi de la tribu Idadhess vint s’installer dans la région et l’épousa. Alors qu’elle était enceinte, son maître tomba gravement malade et le médecin lui conseilla d’affranchir un esclave pour se purifier. Abdallah décida d’affranchir le fœtus que portait M’barka. Dah ould Abeïd, le père du futur Biram, naquit donc libre, autour de 1920. Dans son enfance, Dah fut envoyé par sa mère, grâce aux libéralités de son maître, un homme riche et généreux, étudier auprès du cheikh de Toumbéaly mais celui-ci se contenta d’encaisser les dons et de faire travailler l’enfant sans rien lui enseigner. Dah en gardera une tenace amertume. Adulte, il épousa une jeune esclave qui lui donna deux enfants. En ces années 1940, l’Eldorado des Mauritaniens, c’était Dakar et Dah s’y installa en petit commerçant, mais sans son épouse et ses enfants, confinés au service de leurs maîtres.

Au Sénégal, Dah découvrit le combat que menaient les Français contre l’esclavage. Peut-être pourrait-il récupérer sa famille ? Il repartit donc au pays avec cet espoir. Devant le refus catégorique des maîtres, il s’adressa au juge maure des affaires indigènes qui le débouta, en invoquant la propriété privée. Quant au chef de cercle français, il refusa de s’en mêler, se réfugiant derrière le respect de la loi indigène. A nouveau très amer, Dah revint seul au Sénégal où il décida de répudier sa femme et se jura de ne plus jamais épouser une esclave. Il se confia de sa détresse à un ami, métissé beydane (par la mère) et harratine (par le père), qui lui présenta sa sœur, Mata Abbani, lors d’un séjour au Trarza. Dah l’épousa et en eut douze enfants.

Les deux premiers garçons du couple perdirent la vue vers l’âge de huit ans. Inquiète de ne pas offrir, à son époux, une descendance mâle en pleine possession de ses moyens, Mata recourut aux érudits maures qui lui assurèrent, tour à tour, d’une prochaine naissance en ce sens, moyennant bétail, grains et autres menus cadeaux. Mais neuf filles furent tout de même nécessaires, avant la naissance du garçon tant attendu, épuisant le bien de leurs parents. On imagine la fête et l’espoir soulevé, en ce beau jour de l’année 1965 où l’on donna le nom de Biram à l’enfant chéri. Celui-ci grandit donc très choyé et entouré par un père qui eut grand cœur, ainsi que nous le disions en exergue, à lui conter l’histoire de leur famille et ses propres déboires avec les érudits esclavagistes, de la razzia de Katafana aux exigences des assureurs en descendance mâle, en passant par son éducation volée par le cheikh de Toumbéaly et la légitimation de l’esclavage de sa première épouse et de ses enfants.

En 1972, la famille cesse de nomadiser entre le Sénégal et la Mauritanie et s’installe à Jidrel-Mohguen, à trente-cinq kilomètres de Rosso. Inscrit à l’école profane où il se révèle un excellent élève, Biram suit également l’enseignement d’un maître coranique halpulaar, Alpha Ibrahima Ndiath, enterré aujourd’hui à Wothie, à côté de Boghé. Un érudit pétri de sciences coraniques, sirat du Prophète (PBL), rhétorique et grammaire arabe, qui comprend l’islam dans son intime nature égalitaire, équitable, et libérale. C’est à cette époque que le petit Biram fait serment, à son père, de défendre le faible et l’opprimé. Car, à tout ce qu’il a pu comprendre de l’histoire de sa famille, Biram y adjoint, maintenant, son propre vécu. Avec la sédentarisation, il a, en effet, découvert la discrimination raciale et statutaire qu’exercent les cinq ou six familles arabo-berbères de la localité sur les trois cents autres, harratines, wolofs et pulaars. Ces « maîtres » se comportent en dominants sans partage, soutenus, ouvertement, par l’administration de l’Etat. A l’école, Biram refuse de jouer la carte hassanophone qui lui imposerait de faire partie de l’équipe de foot des Nars (arabo-berbères), contre celle des Wolofs. Instinctivement, il a compris que c’est justement sur cette fracture linguistique entre Noirs que se construit la domination beïdane. Traduit en conseil de discipline, il s’y fait copieusement rosser, avant de se retrouver isolé de ses camarades. Sa conviction se renforce, alors qu’il n’a guère plus de dix ans.

 

Un vécu personnel fort

Après son excellent résultat au concours d’entrée au collège, le voici à Rosso, sous la garde de sa grande sœur. Passionné de lecture, il découvre les écrivains de la négritude et les auteurs français du 18ème siècle, Jean-Jacques Rousseau en tête. On le dit « joli garçon » mais la compagnie des livres lui semblent infiniment préférables à celle des jeunes filles. L’expression de ses idées prend force, rigidité même, ce qui lui vaut de précoces et puissantes inimitiés. A dix-sept ans, il fonde sa première organisation, le « Mouvement National Africain » qui regroupe des hal pulaaren, wolofs et harratines. Il s’y fera un indéfectible ami : Ahmed Amar Vall, compagnon de tous les combats, aujourd’hui trésorier de l’IRA. A dix-neuf ans, le jeune leader est atteint d’une douloureuse maladie gastrique qui l’oblige à quitter le lycée mais il s’accroche et passe tout de même son bac, l’année suivante, avec brio. Au cours de sa maladie, il s’est également fendu d’une lettre au président Haidalla. Il y dénonçait la discrimination envers les Harratines et les prémisses de l’épuration ethnique contre les Pulaar, en rappelant le caractère fictif de la frontière entre les deux rives du fleuve. Un texte qu’il avait paraphé de la signature, à leur insu, de divers habitants de Jidrel-Mohguen, la sienne se retrouvant perdue dans la liste. Remous, intervention de la gendarmerie et du gouverneur de Rosso qui viennent réprimander la population. Les gens se défendent d’avoir eu une telle audace, on découvre vite la vérité mais Biram reste introuvable.

Bac Lettres modernes, mention bien, en poche, notre jeune homme s’inscrit à l’Université de NKTT et, dans le climat agité de la période – automne 1985 – les démêlés avec l’administration n’ont de concurrence que les discussions enflammées avec ses condisciples. Mais l’argent fait cruellement défaut, notamment pour se déplacer entre le 6ème, où il loge, et l’Université du Ksar. Biram abandonne la fac, avant de se voir recruté, par concours, au greffe du Tribunal de NKTT. Vers une carrière tranquille, donc ? Non pas car, lors des élections municipales de 1988, El Hor de Boubacar ould Messaoud soutient une notabilité féodale harratine à Jidrel-Mohguen et Biram s’y oppose, avec un réel soutien populaire. Mais, à vingt-trois ans, le trublion n’a pas l’âge requis (vingt-sept ans) pour se présenter et, en dépit de l’astuce de ses amis qui se débrouillent pour produire un document falsifié, sa candidature est rejetée. Cependant, le vent du boulet est passé assez près pour qu’El Hor obtienne la mutation de l’agitateur à Néma.

Avant de partir sur son nouveau poste, Biram se rend au Sénégal pour une visite familiale. C’est là que les événements de 1989 le surprennent. Expulsé lui-même, manu militari, il découvre avec effarement la rapidité et la violence avec lesquelles est orchestré le déchirement entre les communautés, blessant les personnes jusque dans leur plus intime réalité. Un de ses amis d’enfance, Abdrahmane Guèye, de père wolof et de mère harratine, se voit ainsi déporter du Sénégal puis de la Mauritanie, avec toute sa famille. Cet acharnement à diviser profondément les Noirs, Biram ne cesse d’en dresser le douloureux constat, manquant notamment de se faire lyncher, à chaque fois qu’il tentera de s’opposer à l’expulsion de ses frères et sœurs halpulaaren.

Il arrive à Néma dans une atmosphère négrophobe exacerbée et, quelques mois après son installation, une sombre affaire judiciaire vient tendre ses relations avec son supérieur hiérarchique. Une famille maure prétend capter l’héritage d’un haratine et le président du tribunal, un homme très pieux qui jouissait, avant cette affaire, de toute l’estime de Biram, prend parti pour les requérants beïdanes, au nom d’un code négrier que l’abolition officielle de l’esclavage en Mauritanie a pourtant rendu juridiquement caduc. La brouille entre les deux hommes se conclut, rapidement, par la mutation de Biram à Nouadhibou où l’impérieuse nécessité d’agir le pousse à fonder son second mouvement : Atgueg (1), plus nettement centré sur la lutte contre le système esclavagiste. Les tensions se multiplient avec les forces de sécurité et le ministère de la Justice, on tente, par tous les moyens, d’intimider le bouillant jeune homme. Rappelé à Nouakchott à la mi-1990, Biram se voit proposé, par le colonel Ahmed ould Minih, ministre de l’Intérieur, de participer à la fondation du PRDS, en lui faisant miroiter un avenir brillant. Mais, fidèle à ses convictions, Biram décline l’offre et se tourne vers l’UFD. Retour à Nouadhibou où il épouse une harratine née dans la capitale économique mais de parents originaires de l’Est. Il en aura deux filles. Avec la nouvelle de son audience avec le ministre, on lui fait une cour pressante, les dissensions avec les magistrats locaux cessent d’un coup, avant de resurgir de plus belle, sitôt que la rumeur de son refus se voit confirmée. Et les choses ne s’arrangeront pas avec la rupture avec l’UFD. Car, lors des élections municipales de 1993, le candidat choisi, pour représenter le parti à Nouadhibou, est un des deux seuls beydanes des cent-cinquante cadres disponibles. Biram est maintenant convaincu que cette opposition ne s’opposera jamais aux injustices raciales et statutaires dont elle tire, elle-même, grand profit. Il monte alors une liste indépendante. Le fiasco est à la mesure de sa clairvoyance : sans appel. Vingt ans plus tard, Biram n’aura que l’embarras du choix pour illustrer la collusion « naturelle » entre le pouvoir militaire et son opposition, fût-elle réputée « radicale », sur toutes les questions relevant de l’esclavage et de la négritude.

L’atmosphère à Nouadhibou devenant irrespirable, notre homme part s’installer à Nouakchott. Il laisse derrière lui sa première épouse qu’il répudie sans tarder et s’inscrit de nouveau, en 1996, à l’Université dont il obtient, quatre ans plus tard, une maîtrise d’histoire, bâtie sur la question de l’esclavage. Bref retour à Nouadhibou qui se solde par un clash, retentissant, avec le nouveau président du Tribunal. Biram quitte alors sa fonction. Direction Dakar où il entame son DEA, toujours sur le même axe de recherches. Après la délivrance de son diplôme, en 2005, il retourne à Nouakchott où il épouse Leyla, sa cadette de vingt-deux ans, rencontrée sur le terrain de l’engagement anti-esclavagiste.

 

La maturité

Biram a quarante ans. Toutes ces années d’études et d’endurance, dans le plus fort dénuement, l’ont doté d’une capacité d’analyse et de sang-froid, d’une vision cohérente et prospective de l’action, autour de la nécessité d’un changement radical de société. L’homme politique est né. Il tient tribune dans le quotidien arabophone « Essirraje ». Ce sont ses premiers contacts avec les media. Critique acerbe et diagnostic clinique de la domination arabo-berbère, un concept qui fera… fureur(s). Militant à SOS Esclaves, il apporte un soutien, conditionné à leur engagement militant, à Messaoud ould Boulkheïr et Zeïn ould Zeïdane mais, vite déçu, tant par leur tiédeur, voire leur renoncement à la lutte contre le système esclavagiste, que par la vision frileuse et élitiste qu’en avait SOS Esclaves, Biram fonde l’IRA après le coup d’Etat d’Ould Abdel Aziz, en 2008, sans cependant arriver en obtenir reconnaissance officielle. Conseiller, depuis l’année précédente, auprès de Mohamed Saïd ould Hamody, président de la Commission nationale des droits de l’Homme, il participe à nombreux colloques internationaux où ses interventions, remarquées, sur la problématique mauritanienne le connectent à un réseau dense de relations.

Après son coup d’Etat, Ould Abdel Aziz n’a pas manqué de le solliciter. Mais Biram ne voit, en lui, qu’un putschiste incapable de mener à bien l’indispensable réforme du système et dédaigne ses avances. C’est largement assez pour lui valoir l’inimitié féroce de l’égocentrique général. Sommé de limoger Biram, Mohamed Saïd ould Hamody refuse mais son mandat expire en 2010 et son successeur s’empresse de se plier à l’injonction du chef de l’Etat. Biram profite de cette vacance pour réorganiser l’IRA qui dépose à nouveau ses statuts, en juin 2010. Toujours en vain. 27 et 28 Novembre 2010, première célébration, à Nouakchott, du martyre des vingt-huit suppliciés d’Inal, en présence, impressionnante, des forces de police qui s’abstiennent cependant d’intervenir (2). Deux semaines plus tard, plainte contre Moulminine mint Bacar Vall qui détenait deux fillettes en esclavage mais la police et la justice refusent d’appliquer la loi. Première manifestation publique contre l’esclavage (3), échauffourées, arrestations, tortures, jugement et condamnations de Biram et six de ses compagnons qui profitent de la tribune du tribunal pour mettre en accusation le gouvernement mauritanien. Une première en Mauritanie qui va amener celui-ci, sous la pression de la rue, conjuguée à celle de l’opinion nationale et internationale (4), à diligenter une nouvelle enquête qui va mener à l’emprisonnement de Mint Bacar Vall. C’est un tournant de la lutte contre l’esclavage. Graciés par le pouvoir, Biram et ses compagnons refusent cette « faveur » mais sont sortis de force de la prison de Dar Naïm.

L’emprisonnement de Mint Bacar Vall provoque la libération de milliers d’esclaves en Mauritanie, par leurs maîtres que terrorise la perspective d’un tel sort. Les actions de l’IRA se multiplient. En mars 2011, Biram entame une grève de la faim avec quelques compagnons, dans les locaux mêmes de la Brigade des mineurs, pour protester contre l’exploitation de trois fillettes. Boubacar ould Messaoud et Aminata mint Moctar les rejoignent (5) et, tous ensemble, ils réussissent à faire plier le ministère public qui fait emprisonner les esclavagistes. Novembre 2011, premier pèlerinage d’Inal (6) que, malgré les vexations des forces de l’ordre, trois cents personnes parviennent à rejoindre. Le mois suivant, Biram est honoré par le Prix des droits de l’Homme de la ville de Weimar : c’est la consécration internationale. Sur le plan national, il accepte un rapprochement avec la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), pacte signé, dans la nuit du 11 au 12 Mars 2012, par lequel les partis de la COD s’engagent à poser les questions de l’esclavage et du racisme en priorités de leur discours, en échange de la participation de l’IRA à toutes leurs actions contre le pouvoir.

 

Le coup d’éclat

Cependant, Biram est obligé de dresser un accablant constat : tous les esclavagistes que l’IRA a réussi à faire emprisonner ont été libérés ; les arguments sans cesse réitérés, par les érudits et les juges eux-mêmes, s’arc-boutent sur divers textes de fiqh, codifiant et sacralisant l’esclavage. C’est là qu’il faut frapper, juge-t-il, et, le 27 avril 2012, il entreprend la crémation publique d’ouvrages de Khalil, Ibnou Acher, al-Akhdari et ad-Dassoughi. Le scandale est énorme. Toute la société maure crie au sacrilège et à l’apostasie et, à part l’organisation des jeunes négro-mauritaniens Touche Pas à Ma Nationalité (TPNM), c’est un tollé général de l’opinion (7). Manifestations de rue, orchestrées par le pouvoir et les érudits, exigeant la peine de mort contre Biram, relayées par les chefs de l’opposition, y compris haratines, et jusqu’au président de la République qui promet d’appliquer la sentence capitale à « l’infâme ». Plusieurs unités de police encerclent le quartier où réside Biram, appréhendent violemment celui-ci, avec plusieurs de ses compagnons, et les isolent, séparément, en diverses casernes de la capitale. Fait inouï en Mauritanie : c’est à un Conseil des ministres exceptionnel qu’il revient de prononcer la sentence de mort contre les apostats, conforté par tout un panel de fatwas érudites, tandis que le chef de l’Etat convoque la représentation diplomatique à Nouakchott pour lui signifier l’énormité du sacrilège. Mais la Communauté internationale condamne cette campagne contre Biram et ses compagnons, tandis que les militants de l’IRA parviennent à mobiliser la jeunesse noire pour la défense des prévenus.

Incapable de réprimer les manifestations de soutien aux accusés, le pouvoir recule, tente d’amadouer Biram, en lui demandant de reconnaître son « apostasie » et sa « repentance ». Biram refuse énergiquement : il n’est, dit-il, en aucune manière un apostat et c’est en musulman qu’il revendique le bien-fondé de son acte. Le procès qu’il réclame et obtient se termine, en queue-de-poisson, par un non-lieu, les juges se contentant de rejeter l’accusation pour vices de forme, sans statuer sur le fond. Après quatre mois de détention, Biram et ses amis sont libérés. De huit cents adhérents, IRA est passé à huit mille. La fronde populaire contre les bases mêmes du pouvoir esclavagiste commence, soutenue par une sympathie internationale sans réserves : Prix Front-line Défendeurs, Prix des Nations Unies des droits de l’Homme, nomination au Prix Nobel de la Paix 2014… Il reste, certes, à poser, publiquement, la réfutation objective des sentences de fiqh qui ont valu, à leurs auteurs, la crémation de leurs ouvrages. « Nous y viendrons prochainement », promet Biram, « quand les esprits seront calmés et plus à même de peser rationnellement les choses… »

 

Vers une réunion des forces musulmanes de progrès ?

Mais toute cette effervescence s’est déroulée dans une atmosphère pré-électorale et c’est dans ce climat qu’il convient, d’abord, de la faire fructifier. Sans ressources financières ni parti officiellement reconnu, Biram va donc se porter candidat à l’élection présidentielle de 2014 où il arrivera en seconde position avec un score de quelque 9%. Audience strictement communautaire ? La question en pose une autre, beaucoup plus vaste : quelle est, en Mauritanie, l’assise musulmane de la lutte contre toutes les lectures obviées de l’islam, notamment celles justifiant le terrorisme ? A mots couverts, divers beïdanes reconnaissent l’inanité des positions esclavagistes mais n’osent pas se prononcer, publiquement, contre un système dont ils tirent, bon an, mal an, de substantiels profits. D’autres, pesant les risques d’une aventure destructrice des fondements sociaux de la société mauritanienne, cherchent une voie entre modernité et tradition. « Mais il existe, j’en suis convaincu », conclut Biram, « une large majorité de Mauritaniens, toutes ethnies, tribus et castes confondues, qui cultive la vision apaisée, juste et équitable de l’islam, pleinement inscrite dans le temps présent, fermement posée sur ses fondations les plus sûres et ouverte vers l’avenir. Cette majorité doit se reconnaître ; elle va s’affirmer, en se débarrassant de tout ce qui tend à la diviser. Je m’y emploie, j’en ai fait, devant Dieu, le serment à mon père ».

 

Propos assemblés par Tawfiq Mansour

 

NOTES

(1) : Plante qui pousse dans une région du Trarza où domine des harratines en général émancipés, armés et propriétaires terriens.

(2) : Voir l’article « Le front de lutte contre l’esclavage, le racisme et l’exclusion célèbre le Cinquantenaire » de Thiam, in « Le Calame » du 30/11/2010 (N°764).

(3) : Voir l’article « Humeurs » de Sneïba in « Le Calame » du 21/12/2010 (N°767) et les diverses suites in « Le Calame » du 28/12/2010 N°768.

(4) : Deux jours après son arrestation, Biram se voit décerner le Prix des droits de l’Homme de la République française, événement rapporté in « Le Calame » du 28/12/2010 (N°768).

(5) : Voir l’article de Thiam, in « Le Calame » du 29/03/2011 (N°780)

(5) : Voir le grand reportage de Thiam et l’édito d’Ahmed ould Cheikh que « Le Calame » consacra à l’évènement, dans ses colonnes du 06/12/2011 (N°811).

(6) : Sans jamais déraper dans l’accusation, totalement hystérique et inappropriée, d’apostasie, « Le Calame » n’a cependant pas fait exception à ce concert d’indignations. Dans la diversité des réactions des rédacteurs de son édition du 02/05/2012 (N°831), on aura remarqué celle de l’énigmatique feylili pour qui brûler des livres est, avant tout, une atteinte aux droits mêmes de l’Homme.

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