Birame Dah Abeid au Nord, à l’écoute des orpailleurs et des populations avant l’anniversaire de l’autodafé de Riadh (Cheikh Aïdara)
Birame Dah Abeid au Nord, à l’écoute des orpailleurs et des populations avant l’anniversaire de l’autodafé de Riadh
Après Sélibaby et Kaédi au Sud, Birame Dah Abeid est allé à l’assaut des villes minières du Nord. Les populations de Nouadhibou et une partie de l’Inchiri, M’Heïjirat, Chami, Boulenoir et Nouadhibou-ville ont vibré du 23 au 27 avril 2022 sous les harangues du député et président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA).
Dans une série de visites qu’il compte mener sur l’ensemble du territoire national, le député et président du mouvement abolitionniste IRA, Birame Dah Abeid, accompagné d’une forte délégation, est allé à l’assaut des villes minières du Nord, après Sélibaby et Kaédi au Sud. Sur son chemin vers Nouadhibou, la capitale économique du pays située à plus de 450 km de Nouakchott, il s’est arrêté dans le village de M’Heîjirat et dans la nouvelle ville Chami, où il est allé à la rencontre des orpailleurs, à Guiriaj et Sbeirat. Puis, cap sur Nouadhibou et Boulenoir.
De l’entrain joyeux des femmes de Mheijrat aux visages crispés des orpailleurs de Chami
A Mheijrat, une centaine de kilomètres de Nouakchott, Birame Dah Abeid et sa délégation ont été accueillis par une flopée de femmes, aux sons des tambours et des youyous. Une halte de réjouissance où le député a eu juste le temps de se délecter de l’atmosphère de joie et l’engagement exprimé pour le soutien à son combat.
A Chami, ville dortoir et ses 40.000 orpailleurs située à quelques 300 Km de Nouakchott, la délégation du mouvement IRA est allée directement à la rencontre des populations. Après avoir écouté quelques témoignages poignants sur les conditions inhumaines de vie et les injustices sociales dues au manque d’infrastructures et l’accès aux services sociaux de base, Birame a harangué la foule qui l’assaillait de toute part.
A Guiriaj, l’atmosphère était tendue tant les souffrances se lisait sur les visages alentour. Là, sous le soleil ardent du mois d’avril, en plein ramadan, le discours prononcé par Birame Dah Abeid était à la hauteur des attentes des populations. Un orpailleur originaire de Garala, Moughataa de Kankossa en Assaba, se plaignait de l’injustice infligée aux orpailleurs par quelques fortunés de Nouakchott épaulés par les autorités locales, notamment la gendarmerie, selon ses allégations.
A Guiriaj comme à Sbeïryat, la colère est à son comble. Dans ces contrées désolées, loin des centres urbains et leur confort, des centaines de personnes, hommes et femmes, visage saupoudrée d’un masque ocre, souffrent le martyr. Chacun porteur d’une injustice personnelle et collective. Ici couve une véritable bombe sociale sous l’incurie des autorités administratives et locales, au service des porteurs de gros bourses qui sévissent par des sous-mains grassement payés, d’après le témoignage des orpailleurs.
Les complaintes sont si vives que tous les récits se perdent dans une cacophonie indescriptible. Chacun tente d’expliquer au leader du mouvement abolitionniste l’injustice qui l’a privé d’une petite exploitation, souvent à peine entamée. D’autres évoquent des tracasseries à la découverte d’une mine porteuse. Trois témoignages que Birame Dah Abeid a tenu à écouter, sous l’approbation de la foule, sous chaque charge accusatrice, mettant en ligne de mire les employés de la société Maaden Mauritanie, chargée du contrôle et de la supervision des travaux d’orpaillage. A quelques mètres, un puits où des corps d’orpailleurs surpris par un éboulement de terrain sont ensevelis depuis le mois de février dernier. Ce qui a conduit à la fermeture du site pendant un certain moment, avant d’être rouvert. Plusieurs travailleurs découvriront alors que leur ancien puits a été squatté par des mains puissantes, mettant le feu au poudre chez les orpailleurs spoliés. Ce sont toutes ces injustices et d’autres, qui ont été débitées sous l’œil attentif et horrifié de la délégation qui accompagnait le député Birame Dah Abeid.
Le discours de Sbeyrat
Après s’être recueilli sur le puits où croupissent les corps des orpailleurs ensevelis, Birame s’est adressé à la foule. Il a demandé aux orpailleurs de lui communiquer le nom des hommes d’affaires qui faisaient travailler les gens qui ont été ensevelis et qui les ont abandonnés dans leurs fosses communes pour engager des procédures juridiques contre eux, ainsi que contre les gendarmes et les agents de Maaden coupables d’injustices à leur égard. Ces informations selon lui doivent être consignées dans des écrits dûment documentés pour que ces allégations ne puissent rester de simples actes de désinformations et de diffamation.
« Vos problèmes seront exposés aux autorités. Moi je ne suis pas une autorité dotée d’un pouvoir exécutif. Je ne suis qu’une autorité morale, mais qui peut porter vos revendications au plus haut niveau. Mon rôle est de défendre les victimes d’injustice. Le président actuel a apporté quelque chose de nouveau. Les anciens présidents et leur appareil administratif répandaient l’injustice. J’ai toujours été persécuté et jeté en prison sous l’ancien régime, parce que je n’ai pas accepté les principes iniques du système. L’actuel président, Ould Ghazouani a déclaré que sa politique repose sur la tolérance zéro en matière de répression des opposants, mais son entourage reste attaché aux injustices du passé » a déclaré Birame.
Il a souligné que la démocratie rénovée sous Ould Ghazouani est devenue réalité, car il n’aurait pas pu rencontrer les orpailleurs aujourd’hui sans qu’ils ne soient pris sous les odeurs âcres des bombes lacrymogènes.
Birame a souligné que le système politique poursuivi par le régime de Ghazouani est un système miné, car héritier des pouvoirs militaires successifs et des régimes dictatoriaux et d’exception. Il a profité de l’occasion pour faire la promotion du parti RAG et de son programme politique, qui serait à ses yeux, le parti alternatif capable de sortir le pays de l’impasse dans lequel il est plongé depuis plus de 40 ans.
C’est pratiquement le même discours qu’il a tenu par la suite dans la ville de Chami dans une salle de spectacle en présence de plusieurs centaines d’orpailleurs et de leur famille.
Le discours de Nouadhibou et l’étape de Boulenoir
A Boulenoir, une soixantaine de kilomètres de Nouadhibou, la délégation conduite par Birame Dah Abeid, a été accueillie par la population. Il a repris le même discours que celui qu’il a entamé depuis Mheijrat et Chami. Il déclare être venu pour proposer son programme politique qui se veut un programme de changement radical par rapport au système corrompu et inique qui dirige le pays depuis 1978 et l’arrivée des militaires au pouvoir.
L’entrée de la délégation du mouvement IRA et du parti RAG dans la ville de Nouadhibou s’est faite aux sons des klaxons portés par un convoi de plusieurs voitures.
Le discours du 27 avril 2022 est resté dans la tradition de ceux qui ont été prononcés depuis l’année 2012, ce jour où Birame et ses partisans dans un geste subversif avaient brûlé plusieurs ouvrages considérés par le mouvement IRA comme le code négrier qui a maintenu des générations d’esclaves dans les rennes de l’oppression et de la servitude.
Selon Birame, ce jour symbolise un acte de dissidence politique et de rébellion idéologico-religieuse. Un acte de subversion contre la société inégalitaire, contre les dogmes et l’esclavagisme, ainsi que leurs livres et leur jurisprudence. Des ouvrages qualifiés d’islamo-religieuse par une féodalité ancrée dans nos sociétés et dans nos Etats en Afrique du Nord et de l’Ouest depuis la nuit des temps, et qui ont formaté les codes d’esclavage multiséculaires, anti-islamique et inhumains, selon lui. « Des ouvrages que nous avons offerts aux flammes et au feu pour purifier la société mauritanienne et le rite que pratique les Mauritaniens ainsi que ses dogmes qui condamnent l’esclavage » a-t-il précisé.
Dans un deuxième acte, Birame a déclaré que lui et ses compagnons de lutte ont refusé la tromperie et la supercherie de la petite bourgeoisie africaine et tiers-mondiste qui a toujours sacrifié la lutte contre l’esclavage au profit d’une entente tacite entre elle et la féodalité. Selon lui, cette petite bourgeoisie a vécu et entamé la lutte anti-impérialiste et anticoloniale pour les indépendances, mais qu’elle a toujours gardé le silence devant l’esclavage dans nos sociétés.
La petite bourgeoisie de la société africaine postindépendance a sélectionné, d’après lui, les dossiers et les phénomènes contre lesquels elle va s’ériger. Elle a passé en veilleuse le phénomène de l’esclavage et des crimes de l’esclavage qu’elle a banalisé et passé sous silence, de peur que la lutte contre l’esclavage ne divise les rangs au sein de la société féodale. Que ce soit, s’est-il exprimé, avant de s’interroger, « pourquoi nous unir sous un fond d’esclavagisme qui est le point ultime de l’oppression de l’homme et de la négation de sa dignité ? »
Plus loin, il s’est attaqué à une certaine élite négro-africaine. « On nous dit, unissons-nous parce que nous sommes tous des noirs pour lutter contre les maures ». Noirs oui, mais castés, hiérarchisés, déshumanisés, parce que vous déshumanisez les esclaves, vous les humiliez, s’est-il insurgé en substance. Puis, d’interroger, « en quoi un esclave se bombarderait le torse parce qu’il est noir. C’est ce que nous vivons actuellement dans certaines régions du Mali, de la Mauritanie et d’autres parties de l’Afrique » a-t-il répondu.
La féodalité en milieu soninké, a-t-il poursuivi, a érigé en mode de résistance à la soif d’émancipation des castes d’esclaves, la violence indicible, ici, au Guidimagha, où des féodalités maltraitent et tuent des esclaves sans que l’Etat mauritanien ne bouge le doigt. Pourquoi dans certains villages maures, soninkés ou pulaar, les citoyens castés et esclaves qui y vivent, sont laissés à la merci des féodalités noires, s’est-il demandé. Mais aussi, la même chose se pratique, selon lui, dans la communauté maure.
« Pourquoi les nationalistes, petits bourgeois et gauchistes, nous disent nous sommes des noirs on doit s’unir et lutter contre les maures. Ou qu’on nous dise, nous sommes maures, nous parlons tous hassaniya, unissons-nous contre les noirs ? Mais on s’en fout ! » s’est-il insurgé.
Notre intérêt, a-t-il noté, est pour une société égalitaire qui pourfend l’esclavage. « J’appelle toutes les personnes castées, toutes les personnes esclaves qui constituent la majorité de la population, à saborder les liens ethniques, culturels et de couleur qui les lient aux féodalités qui les oppriment » s’est-il enflammé.
Pour Birame, le combat doit commencer contre les bourreaux qui sont en face de nous, dans nos villages et dans nos communautés. Et de citer le cas du président de l’AJD/MR, Ibrahima Mokhtar Sarr, honni par la féodalité Halpulaar parce qu’il est de la caste des pêcheurs, les thioubalo. Et de citer son propre cas et du refus de la féodalité Pulaar de le soutenir parce qu’il est hartani.
Enfin, Birame a lancé un appel pour dire que l’esclavage n’est pas fini chez les maures, que la lutte contre l’esclavage n’a pas encore commencé chez les pulaar et qu’elle vient juste d’être lancée chez les soninkés.
« Cette lutte, elle va s’enflammer !» a-t-il averti. Et de lancer un autre appel en direction cette fois des enfants des féodaux et des esclaves, qu’il invite à se donner la main pour éradiquer l’esclavage. Il a par contre relevé la contradictoire situation qui veut qu’il y ait des esclaves qui luttent avec leurs maitres contre les antiesclavagistes.
« Vous savez que chez les soninkés, depuis que la bataille a commencé, il y a des personnes d’extraction servile qui sont dans le bord des féodaux. Ils utilisent un discours de justification de l’esclavage et d’apologie d’esclavage. Le jour où le combat commencera en milieu pulaar, vous allez voir aussi des mathioube se ranger du côté des féodaux pour maintenir l’esclavage contre eux et contre leur famille. Dans l’histoire de l’humanité, il y a toujours eu des brebis galeuses, des renégats et des traitres. C’est la nature humaine » a-t-il reconnu.
Enfin, Birame a souligné qu’au sein de la communauté maure, depuis l’avènement du pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazouani et l’ouverture des libertés, il y a eu beaucoup d’avancées en matière des droits, mais aucun acte n’a été posé contre l’esclavage par son régime.
Les esclavagistes sont toujours restés assis, selon Birame, dans leur détermination, parce que bénéficiant de l’impunité que leur procure le pouvoir judiciaire mauritanien. « Ces juges et ces officiers de police judiciaire que nous comptons sanctionner une fois que nous nous installerons au pouvoir, car les crimes contre l’esclavage sont imprescriptibles » a-t-il déclaré.
Birame de souligner que ses partisans et lui garantissent aux Mauritaniens une société égalitaire, dans laquelle tous les Mauritaniens, quelle que soit leur naissance et leur origine, vont trouver leurs droits au complet. « Nous promettons une lutte sans merci dans toutes les communautés, et lançons un appel à tous les militants qu’il y a d’autres coups plus éclatants que l’autodafé » a-t-il conclu.
Selon plusieurs observateurs, la tournée de Birame Dah Abeid et la défense des quelques acquis du régime de Ould Ghazouani est tout à la faveur du pouvoir actuel, contrairement aux allégations des faucons du régime qui ne cessent, à coup de bulletins de renseignements mensongers, à chercher des moyens pour briser la quiétude sociale et l’apaisement de la scène politique actuelle. Ces forces obscures, rebuts des systèmes d’oppression passés et qui sont tapis dans les allées du pouvoir cherchent, selon ces mêmes observateurs, à brouiller les relations entre Ould Ghazouani et Birame Dah Abeid, pour ramener le pays aux confrontations entre les défenseurs des droits de l’homme et le pouvoir politique.
Cheikh Aïdara
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