Entretien avec Biram Dah ABEID, prix 2013 de l’ONU pour les droits de l’homme, depuis sa prison en Mauritanie
Dans un entretien accordé par téléphone aujourd’hui jeudi 13 novembre au site d’information Mushahid, Biram Dah ABEID a invité ceux qu’il a appelés les hypocrites et médisants à se dépêcher de fournir aux autorités les preuves de son implication dans la moindre affaire contraire à la loi ou liée de prés ou de loin à de la subversion. Il les a priés de déballer les preuves des rumeurs qu’ils font courir sur son compte allant de sa prétendue intelligence avec l’Etat d’Israël jusqu’au complot qu’ils lui attribuent contre la paix civile en passant par ses insultes supposées à l’encontre des Uléma.
Jusqu’à présent, précise ABEID depuis son lieu de détention (Gendarmerie de Rosso), les enquêteurs essayent d’inventer des preuves de culpabilité et n’y arrivent pas.
Je suis arrivé le 11 novembre à Rosso, ville située sur le trajet qui m’amenait à Dakar dans le cadre d’un voyage où je devais effectuer des soins dentaires. Je devais, dit-il, prendre l’avion le lendemain 12 novembre 2014 à 23 heures en destination de Paris pour un séjour qui devait durer 2 mois au cours desquels je devais rencontrer des parlementaires et universitaires européens. Mon retour était programmé, dira Biram, pour le 5 janvier 2015.
Après avoir accompli les formalités de la traversée vers le Sénégal, j’ai décidé d’aller saluer la Caravane de lutte contre l’esclavage foncier à laquelle mon organisation prenait une part active. Cette caravane dénonçait l’injustice systématique que subissent les paysans hratine et autres négro-africains de la part des administrations mauritaniennes. Cet esclavage foncier, précise-t-il, pratiqué par les chefferies féodales Bidhane (Maures blancs) mais aussi parmi les féodalités Soninké et, dans une mesure moindre, par le Halpulaaren, était l’objet principal de cette caravane.
L’Etat féodal en Mauritanie, ajoute Ould Abeid, octroie les terres habitées et viabilisées par les paysans appartenant à la communauté des esclaves et anciens esclaves à des Bidhane qui n’y travaillent pas et n’y habitent pas. Les seuls liens qui lient ces Bidhane à ces terres sont des documents que leur délivre une administration clientéliste et corrompue. A cette situation ancienne mais toujours en cours, est venue s’ajouter la délivrance, aux profits d’hommes d’affaires, de haut-gradés de l’armée et de chefs tribaux bidhane, de titres de propriété sur de très grandes étendues de terres arables actuellement habitées par des populations hratine et négro-africaines.
La Caravane, dit-il, avait quitté Nouakchott vendredi 7 novembre après avoir obtenu une autorisation délivrée par le Ministère de l’Intérieur au nom de l’ONG « Kotal Jili Tal ». Elle chemina, par la suite de Boghé à Rosso en ponctuant son parcours par de nombreuses haltes et meetings qui connurent une grande affluence populaire et auxquels les représentants de l’Administration prenaient part sans que jamais l’idée de l’interdire ne les ait effleuré l’esprit.
Après donc avoir terminé mes formalités pour la traversée par le « Bac », je me suis dirigé vers la Caravane qui voulait entrer dans la ville de Rosso pour remettre une lettre de doléances au Wali (Gouverneur) pour qu’il la transmette au Président de la République. Après la remise de cette
lettre, la Caravane comptait regagner calmement et paisiblement Nouakchott où il était prévu que ses membres tiennent une conférence de presse pour en faire le bilan.
Mais à l’entrée de la ville de Rosso, ajoute Biram, ce fut le Hakem (Préfet) de Rosso qui vint à la rencontre de la Caravane pour lui signifier qu’il lui défendait d’aller plus en avant. J’ai alors, dit Biram, demandé à parler au Hakem et lui ai suggéré de faire escorter la Caravane jusqu’au siège de l’Administration où je remettrai moi-même la lettre de doléances au Wali après quoi je m’en irai prendre le « Bac » pour continuer mon chemin vers le Sénégal. Mais le Hakem ne voulut rien entendre arguant du fait qu’il avait reçu des ordres fermes et clairs de fixer la Caravane là où elle était. Je lui demandai alors de laisser les membres de la Caravane finir le trajet à pied car ils n’étaient que 30 répartis dans 6 voitures de tourisme. Mais là aussi, ce fut le refus, l’ordre était formel et venant de très haut d’empêcher la Caravane d’entrer dans Rosso.
C’est alors, dit Biram, que je me suis adressé à la Caravane en lui disant de se plier aux ordres des Autorités et de s’en tenir aux slogans pacifistes. Mais pendant que j’expliquai, nous avons été encerclés par 150 gendarmes, policiers et gardes qui nous tombèrent dessus à bras raccourcis dans une charge d’une rare violence.
A la suite de cette première charge, nous fumes convoqués, Brahim Ould Bilal, Djibi Sow et moi, par les gendarmes. Mais juste avant qu’il monte dans le véhicule, Brahim (vice-président d’IRA) fut sauvagement tabassé, jeté par terre et roué de coups. Les gendarmes s’acharnèrent aussi sur Dah Ould Boushab et Khatri Ould Rajel qu’ils trainèrent par terre sans ménagement.
Lors de cet entretien par téléphone, Biram Dah Abeid, a tenu à lancer un appel en direction des militants et sympathisants d’IRA les exhortant à continuer à adopter des méthodes de lutte pacifiques en évitant, notamment, de tomber dans le piège qui consiste à répondre aux provocations . Surtout ne pas réponde aux violences ni verbales ni physiques et continuer à dénoncer sans relâche le projet de liquidation du courant anti-esclavagiste.
Aux autorités qui mènent l’enquête, Biram suggère (ironiquement), qu’au lieu de perdre du temps à fabriquer des preuves, qu’elles sortent les dossiers compromettants qu’elles prétendent détenir contre lui et ses compagnons. Il ajoute qu’il n’a pas peur de la mort. Il en aurait, peut être, peur s’il avait commis des crimes contre l’humanité ou contre la religion, ce qui, jusqu’à présent ne lui est pas arrivé.
Il a, pour finir, invité les Autorité à aller fouiller leurs lieux d’habitation, à lui et à ses codétenus, ainsi que les locaux d’IRA qu’elles assiègent, à la recherche de ce qui pourrait nourrir leur maigre fond de dossier. Il ajoute qu’il est en train de fournir les mots de passe de sa boîte mail aux enquêteurs et qu’il le fait sans appréhension aucune car il n’a rien à cacher. Nous sommes déterminés, dira-t-il, à continuer notre combat sans merci contre l’esclavagefoncier et contre la perversion de la religion mais toujours par des moyens pacifiques. Je suis, conclura-t-il, en prison mais il ne me viendra jamais à l’idée de me déguiser en femme pour m’évader. Je n’essayerai pas de m’évader car je suis sûr que la vérité triomphera.
Pour consulter la version originale en arabe de l’article suivre ce lien : (http://mushahide.com/index.php/newssection/5224-2014-11-13-09-44-07.html)
A ce jour, 13 novembre 2014, voici la liste des détenus pour cause de dénonciation de l’esclavage foncier en Mauritanie :
Mr. Biram Dah ABEID président d’IRA-Mauritanie
Mr. Brahim Bilal RAMDHANE vice président d’IRA-Mauritanie
Mr. Khattri RAHEL président du Comité de la paix d’IRA-Mauritanie
Mr. Cheikh VALL militant récemment libéré
Mr. Dah BOUSHAB président de la section IRA-Mauritanie Arafat
Mr. Abidine MATALLA Membre du Bureau Exécutif d’IRA-Mauritanie
Mr. Samba DIAGANA membre du Comité de la paix
Mme. Mariem Cheikh, militante d’IRA-Mauritanie
Mr. Hassane MAHMOUD membre du Comité de la paix
Mr. Djiby SOW président de l’ong Kawtal (qui avait demandé et obtenu l’autorisation)
Mr. Mohamed Yacoub
Mr. Samba Mbodj, Chauffeur de minibus de location
Mr. Abdalla, Chauffeur de Minibus de location
Mr. Chedad Mohamed
Mr. Dr. Saad Ould Louleid Porte-parole d’IRA-Mauritanie
Pour aider à les libérer, signez et faites signer la pétition : http://www.avaaz.org/fr/petition/Le_gouvernement_mauritanien_Liberez_Biram_Dah_ABEID_prix_2013_des_droits_de_lhomme_de_lONU/
13 novembre 2014 IRA-Europe