Affaire Biram : La surenchère…

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Le procès de Biram Ould Dah Ould Abeïd et ses codétenus s’ouvre normalement aujourd’hui, à Rosso, la capitale du Trarza. En détention, depuis le 11 novembre dernier, Biram et les sept activistes de son organisation abolitionniste de l’esclavage (quasiment l’ensemble du directoire de l’IRA) devraient comparaitre devant les juges jeudi dernier. Le procès sera reporté, pour ‘’ non respect des procédures légales’’, selon les avocats de la défense.

Le chef d’inculpation, un délit, (présidence d’une organisation non reconnue, pour Biram, et incitation et résistance à la force publique pour l’ensemble des détenus) même si c’est absurde, au vu de la défense, cette affaire fait couler déjà beaucoup d’encre.

C’est une affaire qui suscite beaucoup d’intérêts et autant d’interrogations. Elle intervient, comme par miracle, dans un contexte socio-économique critique et risque bien de faire oublier sinon de reporter à la Saint-Glinglin tant de questions aussi cruciales, aussi urgentes, dont, entre autres, justement, la question de l’esclavage et ses séquelles, celle-là, qu’elle est censée traiter, en priorité.

Une journée avant sa participation à la marche au cours de laquelle il a été arrêté, et qui était, s’en souvient-on, initiée et organisée sur ‘’ la justice foncière dans la vallée du fleuve’’, par un certain nombre d’ong, Biram Ould Dah Ould Abeïd était déjà dans des dispositions conciliatrices vis-à-vis de tout le monde, y compris l’autorité publique.

Il avait, la veille de cette journée, déclaré publique dans un point de presse ce qui s’apparentait à une trêve et un appel à l’apaisement. Il a lancé un appel à toutes les parties : ‘’ Etat et ses démembrements, les Oulémas, les organisations de la société civile et les partis politiques à s’asseoir autour d’une table afin de discuter des modalités pratiques de sortir le pays de la grave crise qu’il vit depuis quelques temps.’’ Biram a, toutefois, annoncé la fin de la saison ‘’ des apartés secrets avec Mohamed Ould Abdel Aziz et ses collaborateurs, qui a-t-il signalé, n’ont jamais donné aucun résultat.’’ C’est un peu la première fois qu’Ould Dah parle publiquement de contacts secrets avec Mohamed Ould Abdel Aziz. Comme quoi, les deux hommes ne seraient pas si ennemis que cela !

Biram le rebelle, nécessairement…

Par ailleurs, le président de l’IRA avait déclaré ce jour là son intention de ‘’continuer son intérêt pour la politique.’’ Inauguré par sa candidature à la dernière présidentielle. Une manière de mettre en veilleuse son engagement et surtout sa ferveur et lutte véhémente pour les droits humains. A l’approche de la fin de la carrière politique de Messaoud Ould Boulkheït, le leader historique de la cause harratine, c’est une suggestion on ne peut plus claire.

Une réclame, en quelque sorte, à l’adresse de quelque milieu intelligible qui serait preneur du pacifisme politique d’un homme, jugé jusqu’ici belliqueux. On comprendrait bien le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz. Il a même donné un ultimatum : ‘’ Mon organisation arrête toute velléité à partir de cette conférence de presse jusqu’au 15 avril 2015, date symbolique de l’incinération glorieuse, dit-il, des livres esclavagistes du rite malékite.’’

Le choix du pouvoir est, apparemment, sans équivoque. On préfère bien un Biram révolté et haineux à un Biram assagi et conciliateur. Son arrestation à Rosso, une journée après sa sortie pacifiste de Nouakchott, alors qu’il marchait pacifiquement aux côtés des ongs mobilisés sur la question de la justice foncière dans la vallée du fleuve Sénégal, en dit long sur les calculs politiciens du pouvoir. On n’en a besoin peut-être radical et radicalisé, Biram Ould Dah Ould Abeïd.

A la veille de l’année 2015, où les discussions au sein de la majorité la plus proche de Mohamed Ould Abdel Aziz tournent autour de l’implication directe de ce dernier dans des affaires de malversations qui n’échappent plus à personne, attributions de centaines d’hectares à des intermédiaires proches, expropriation de parcelles et domaines fonciers des entités publiques, l’école de la police, le stade olympique et d’autres, il y a bien lieu d’occuper l’opinion.

Les contreperformances minières et pétrolifères accentuées par un déficit pluviométrique sont autant de sujets peu agréables à entendre. Il faut bien occuper le peuple. Détourner son intérêt. Et lui montrer le diable en face. La fibre identitaire serait bien la meilleure occupation.

Pour donner une ampleur nationaliste, le premier citoyen réagit publiquement à la position du Parlement européen sur l’affaire Biram (voir encadré). Pourtant, Ould Abdel Aziz sait bien comment faire avec les positions des européens. N’empêche, c’est toujours une occasion, une raison supplémentaire de s’essayer à construire un front patriotique. On fait ressortir, au passage, un lien entre Biram et l’Israël, en colère contre Ould Abdel Aziz qui l’a chassé de Nouakchott.

Quand l’ancienne puissance coloniale, réagit à travers le Quai d’Orsay (voir encadré), on pousse le député d’Atar, par exemple, le très proche de la résidence présidentielle, à monter au créneau pour exiger ‘’un dédommagement de la France de son passage colonial en Mauritanie’’. On joue à la victime. Au manichéisme. Ould Abdel Aziz porte-parole des Maures blancs contre l’Occident impérialiste défenseur des Maures noirs.

Une manière de s’attirer, au cas il y a un archaïsme qui habite encore quelques âmes beïdanes, un élan de sympathie. Et on oublie les échéances de l’instant. Et on reporte les questions et questionnements qui font songer à l’existence d’une Nation, d’un peuple condamné à vivre ensemble. Equitablement. Pour n’avoir ainsi l’œil rivé que sur l’identité menacée par la bête immonde. Qu’il faut tuer gentiment. Et récréer nécessairement.

AVT

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