Les liaisons incestueuses de « Timbuktu »

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Brahim Vall – Le film est là. Ses prix aussi. Mais « Timbutu » a ouvert la boite à pandore sur les liaisons dangereuses de son auteur avec un régime qui martyrise l’art.

« Que diable allait-il faire dans cette galère »? Sissako n’avait certainement pas besoin de ses relations incestueuses avec un Pouvoir militaire, de surcroit « articide » pour produire un chef d’œuvre cinématographique. Il l’avait bien fait avant.

Mais ce dernier, « Timbuktu », s’il lui apporte la consécration internationale porte sur lui tout l’opprobre d’une population qui l’avait finalement bien adopté.

« Timbutu » un film à la commande

La proximité de Sissako avec le régime de Nouakchott est tout sauf une relation normale. Comme tout bon artiste qui se respecte, Sissako a failli à l’adage « tout papillon qui s’approche d’une flamme se brûle ». Or, Sissako s’est beaucoup confondu avec l’actuel Pouvoir pour refuser aujourd’hui qu’on le prenne comme sa vitrine; la moins reluisante en dépit des Césars.

Pour beaucoup parmi lesquels certains qui le connaissent de près, Abdarahamane Sissako attendu sur un autre registre -un film sur l’esclavage- a été convaincu par son mentor, le président mauritanien, Ould Abdelaziz, de faire un film sur le terrorisme. L’invite n’est pas innocente et Sissako s’est vite pris au piège, en acceptant de tourner sous les injonctions calculés de celui dont il était le conseiller. L’objectif est bien plus politique que ne laissent entrevoir les quelques clichés dans la belle œuvre de Sissako.

Pour cela -fait rare en Mauritanie pour être souligné-le chef de l’Etat mauritanien a mis au service de son protégé l’Armée républicaine pour assurer un tournage dont il était le premier à vouloir tirer les dividendes. Un soutien sonnant et trébuchant. Quoique machiavélique, le projet a avancé sur des chapeaux de roue. Un engrenage que Sissako n’a peut être pas vu venir alors qu’ il en était l’artisan émérite. Obnubilé? Victime politique collatérale? Sissako a foncé les yeux fermés sur…« Timbuktu ».

Pourtant, dans le pays du nouveau « mécène » des dunes, les sujets qui interpellent les mauritaniens sont « interdits » de réflexion, mieux il vient de jeter en prison des artistes rapeurs (Wlad Leblad)qui critiquaient sa gestion dévorante de l’économie du pays.

C’est à se demander alors d’où vient sa diligence pour Sissako au point de mobiliser l’Armée pour assurer le tournage de « Timbuktu », sans oublier toute l’assistance logistique dont a joui le vainqueur des Césars? D’ailleurs, aujourd’hui encore, Sissako est utilisé par le Pouvoir, à travers ses segments de communication, comme une « vitrine » de son rayonnement culturel à l’étranger. La polémique enfle donc de plus belle sur les relations tissées entre Sissako et le pouvoir politique à Nouakchott auquel il vient de rendre une fière chandelle: « la lutte contre le terrorisme, c’est moi » s’écrit le président mauritanien à une opinion publique et à ses gouvernements dans cette œuvre de « propagande contre l’Islam ».

Si donc « Timbuktu » a été sacré pour ses prix, il remet au goût du jour le schisme sociétal dans son propre pays en soutenant -par son œuvre- les thèses d’un régime militaire putschiste. Sissako doit donc assumer ses choix en fermant les yeux sur ses sujets de prédilection! Car « Timbuktu », loin d’être sa réflexion personnelle, semble lui avoir été acheté par ses commanditaires: les autorités de Nouakchott.

Brahim Vall

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