Biram Dah Abeid, place de la République à Paris, lieu historique des revendications de justice et d’égalité.

Dimanche 24 Septembre 2023, place de la République à Paris.

Lieu historique des revendications de justice et d’égalité.

Un grand ciel bleu brille au-dessus d’une cinquantaine de personne qui tiennent fièrement une banderole réclamant la fin de l’esclavage et de l’état policier en Mauritanie. Plusieurs hommes se relaient derrière un micro, énumérant des noms de prisonniers politiques. Tous répondent en chœur « Libérez, libérez », puis « Justice, justice ». Ces deux mots, à la fois simples et vibrants, deviennent un leitmotiv lancinant durant une petite heure. Ils attendent leur leader, leur porte-parole, le député plusieurs fois emprisonné pour sa lutte contre la pratique de l’esclavage, lui-même descendant d’esclave, deux fois candidat à l’élection présidentielle, qui enfin arrive sous les applaudissements : Biram Dah Abeid

Il commence son discours et immédiatement, son aisance oratoire se fait sentir. La première phrase qu’il prononce est, chose assez incroyable pour un leader politique, pour s’excuser. Oui, il s’excuse de ne pas avoir encore réussi à changer la Mauritanie ! Cette humilité, cette simplicité touche immédiatement son auditoire.

Puis il fait un rappel des exactions commises, qu’il associe sans ambiguïté à des références du Code Négrier, rappelant que la société mauritanienne n’a jamais réussi à remettre en cause la perception du Noir comme un esclave naturel, traite organisée de longue date par le monde Arabo-Musulman, et souligne l’extension de ce problème dans des pays comme le Mali et le Niger. Cela débouche, conclut-il pour achever la première partie de son discours, par la déconstruction pure et simple de la culture Bambara.

Il poursuit pour fustiger la gouvernance africaine. Celle-ci devrait garantir le droit mais considère de façon hypocrite la Mauritanie comme une démocratie. Or le régime militaire, assène-t-il, se transmet de génération en génération depuis 1978. Ainsi, les institutions ne sont que des coquilles vides. Tous les Mauritaniens ne sont tout simplement pas recensés. Seuls le sont les non-opposants. Ce qui permet un trucage éhonté des élections, les opposants n’étant tout bonnement pas inscrits sur les listes électorales

Puis il insiste sur le rôle de Daech. Désormais, la loi permet de condamner à mort tout Mauritanien qui reviendrait sur ses convictions religieuses. Sans aucune possibilité de repentir. Il insiste longuement sur cette notion : aucun repentir n’est possible, aucun retour en arrière n’est envisageable. Cela n’est rien d’autre qu’un retour à l’obscurantisme.
Tout aussi alarmant, la gabegie omniprésente. Les richesses naturelles sont considérées par le gouvernement comme de richesses privées, de biens personnels. L’accointance avec les multinationales toutes puissantes est toujours plus avide et incontournable. Ce qui provoque un effondrement de la société dans tous les secteurs clés : administratif, éducatif, médical etc. On ne peut donc pas s’étonner de l’immigration massive qui en découle.

Pourtant, conclut-il, des partis ont bien été créés, des partis capables de lutter de façon non-violente. Las, ils sont maintenant dirigés par des leaders qui baissent la tête. Tout ceci n’est qu’une mascarade d’élection !

Ainsi termine-t-il son discours. Immédiatement, tous les jeunes présents se précipitent sur lui pour lui serrer la main, prendre des photos, se photographier avec lui. Leur enthousiasme est palpable. Les plus anciens l’entourent également, protecteurs, bienveillants, émus. Et moi qui suis blanc, qui n’ai jamais mis les pieds en Mauritanie, je m’éloigne avec le sentiment d’avoir une heure durant appartenu à la grande famille de ceux qui ne veulent pas se taire, qui refuse de baisser les yeux devant la dégueulasserie humaine.

Pour cela, et pour tous les espoirs qu’il fait naitre, je lui dis merci .

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