Procès de IRA à Rosso : Interrogatoire de prévenus
Abidine Ould Maatalla face à ses juges à Rosso
Membre actif d’IRA, Abidine Ould Maatala est un jeune diplômé de l’Université de Nouakchott, titulaire d’une Licence en Anglais et chômeur. Voici la traduction de son interrogatoire au tribunal de Rosso qui le juge depuis le mardi 24 décembre 2014, lui et ses compagnons d’infortune, dont son président Birame Dah Abeid et son vice-président Brahim Ould Bilal.
Le juge, après avoir pris connaissance de son identité, lui demande s’il est marié. Abidine lui répondit par la négative et le juge de revenir en charge : « as-tu déjà fais la prison ? ». Abidine : « oui, après l’autodafé des ouvrages qui font l’apologie de l’esclavage et que nous avions brûlé en plein jour pour que seuls soient pris comme référence le Coran et la Sunna du Prophète (PSL), ce Messager venu répandre la justice et l’égalité entre les hommes, faire régner la vérité et combattre la grandiloquence et l’autoritarisme ». Le juge : « as-tu un emploi ? » Abidine : « je suis au chômage, à cause de la société Beydane qui dirige ce pays et qui croit que c’est un héritage qui leur a été légué à eux seuls et sans les autres communautés ou ceux qui tournent dans leur sphère d’influence.
A ceux-là, point de portion dans la richesse nationale et point d’autres lots que les réprimandes et les insultes, les répressions et les mauvais procès. Après avoir décroché ma Licence en Anglais comme Major de ma promotion, je suis allé directement à la rue, alors que tous mes autres condisciples « Beydanes » ont été casés et perçoivent de très bons salaires, au nom de leur appartenance à cette communauté, forte de ses ascendances communautaristes, régionales, tribalistes et esclavagistes. J’ai participé à plusieurs concours de recrutement et j’aurais pu réussir si je n’étais pas fils de Maatalla et de Vatma Mint MBareck, des noms qui signifient clairement mes origines, celles des esclaves et des anciens esclaves.
Le juge : « tu es accusé de rébellion à forces publiques, que réponds-tu ? » Abidine : « apportez-moi une seule preuve, ou demandez à la gendarmerie de vous en apporter ou à la police auprès de qui nous avons subi les pires sévices et les plus cruelles tortures physiques et psychologiques. Donnez-moi une seule preuve que nous nous sommes rebellés aux forces publiques. » Après une pause, il enchaîna « je suis vraiment navré du comportement de la police et dire qu’ils se sont comportés envers nous comme si nous n’étions pas dans notre pays, celui de nos parents et de nos aïeux, comme si nous n’étions pas des citoyens, les contribuables qui leur permettent d’avoir des salaires, de se soigner et de jouir de la vie. Tout cela, parce que nous combattons l’esclavage. Je vous dis ici que nous poursuivrons ce combat même si cela devait nous valoir la peine capitale. Sachez Monsieur le juge, ce ne sera pas la dernière fois que tu me verras devant vous, car je reviendrais devant vos tribunaux autant de fois qu’il le faudra, tant qu’un seul être souffrira de l’esclavage que vous poursuivez dans ce pays et sur lequel vous avez fondé votre modèle d’existence. Je le jure par le Très Puissant, je ne renoncerais jamais à ce combat contre l’esclavage, le racisme, la marginalisation que vous exercez contre nous »
Brahim Ould Bilal, membre du Bureau exécutif IRA
Professeur émérite de l’ancienne génération et formée à bonne école, Brahim Ould Bilal n’a jamais connu de promotion, à cause, selon, cerains, de son militantisme au sein du mouvement IRA où il est l’un des vice-présidents. Alors que tous ceux de sa promotion sont aujourd’hui promus Inspecteurs d’enseignement secondaire, Secrétaires généraux de ministères, directeurs et même ministres, lui continue de partager son existence entre les classes où il bouffe de la craie depuis plus d’un quart de siècle et son activisme comme défenseur des droits de l’homme, engagé dans la lutte contre l’esclavage et le racisme. Il fait partie des accusés de l’organisation IRA, actuellement jugés par le tribunal régional de Rosso, suite à la « Caravane contre l’esclavage agricole ».
Alors que son président Birame Dah Abeid et le président Djibril, Sow de Kawtal se faisaient conduire tranquillement sans brutalité vers l’un des véhicules de la police venue intercepter le convoi qui revenait de Bogué, aux portes de Rosso, il avait eu droit à un passage à tabac en règle, avant de se faire jeter comme un sac de pomme de terre dans l’arrière d’une Pickup. Brahim Ould Bilal est l’un des rares cadres d’IRA qui a refusé les avances des Renseignements généraux qui n’ont eu de cesse de déloger les militants d’IRA contre des promesses de nomination ou d’avantages en natures et en espèces. Le mouvement IRA est en effet l’unique organisation nationale dont les défections sont fêtées avec pompe dans les organes des médias publics et le seul où ses membres qui le quittent sont catapultés à des postes de responsabilité pour les récompenser. La UNE de la télévision nationale et des organes de presse publique n’avait-elle pas été occupée il y a trois ans par la réception que le président Mohamed Ould Abdel Aziz avait accordé à l’ancien Secrétaire général d’IRA qui avait fini par tomber comme une pomme mûre dans les filets des RG ? Et pourtant, ce dernier avait été préalablement exclu de l’organisation.
Ahmed.B