Mauritanie: L’arrestation de Biram et de ses camarades est injuste et provocatrice
Maréga Baba – Les injustices en Mauritanie, certes ne datent pas de la prise du pouvoir en 2008 de Mohamed Ould Abdel Aziz-par un coup d’Etat contre un pouvoir démocratiquement élu- Cependant depuis cette date, nous assistons à une grave et inquiétante exacerbation progressive des contractions au sein du peuple et un repli identitaire explosif dans le pays. Cette grave situation tire sa source et sa substance essentiellement dans la gouvernance injuste, « gabégique » et chaotique du pays.
On peut d’ailleurs remarquer que depuis la prière aux morts à Kaédi de Ould Abdel Aziz -en réalité, une prière pour endormir les consciences des populations meurtries par le passif humanitaire. Chaque jour qui passe vient avec son lot d’injustices, de discrimination voire de racisme.
On peut ainsi citer une succession d’injustices qui ont touché essentiellement les populations du sud du pays: l’enrôlement discriminatoire, les événements de Kaédi; plus récemment ceux de Niabina, l’accaparement des terres des paysans de la vallée.
Le 14 janvier 2014, l’attribution de pas moins de 31000 ha de terres de la vallée ( dans la Moughataa de Boghé) à une firme saoudienne, malgré les vives et constantes protestations des populations locales et des organisations de la société civile qui dénoncent cette entorse grave au droit agropastoral et ce manque de respect des garanties et droit démocratiques des gens sur des terres qui leur appartiennent depuis toujours.
Il est à noter que le passif humanitaire était pourtant précédemment pris en charge par le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, qui avait pris sur lui l’engagement de corriger tous les obstacles, de ramener la confiance et de préparer le terrain à un consensus national pouvant permettre de respecter le devoir de vérité, le devoir de justice et le devoir de mémoire ouvrant la porte à un pardon salvateur pour tous.
Lorsque Biram Ould Dah parle, des faits vérifiables tels que : « Il y a 35 ministres, et 30 arabo-berbères parmi eux ; il y a 54 préfets, et 52 parmi eux sont arabo-berbères ; il y a 13 gouverneurs, 12 parmi eux sont des arabo-berbères. A quoi tient cette discrimination, ce racisme d’état, érigé en système ? Sont-ils plus nombreux ? Non. Sont-ils plus compétents ? Non. Sont-ils plus moraux ? Non. Pourquoi cela ? Quand on aura répondu à cette question cruciale qui crée les conditions propices à des tensions sociales extrêmes, alors on commencera à avancer ici. ».
Il met le doigt sur des faits réels et sensibles inacceptables dans un pays multiethnique et multiracial. D’ailleurs on trouvera probablement des proportions similaires dans beaucoup de secteurs en particulier au sein de l’armée et plus particulièrement au niveau des officiers supérieurs.
Ces déclarations de Biram Ould Abeïd trouvent un écho favorable parce qu’elles s’appuient sur la réalité des vécus ou des ressentis des populations, même si les formes et les méthodes utilisées sont parfois très contestables.
Il est cependant excessif et injuste d’imputer la responsabilité de ces discriminations aux « arabo-berbères », le responsable est le pouvoir en place, c’est-à-dire , aujourd’hui, Ould Abdel Aziz. Il est aussi facile de s’en convaincre que ces nominés à ces postes ne sont d’aucune utilité pour l’écrasante majorité des « arabo-berbères ». Notons également que cette discrimination raciale et ethnique à ce niveau est une méthode de gouvernance dont l’un des objectifs, entre autres, est aussi de diviser. D’ailleurs elle n’a pas totalement raté cet objectif et c’est le moins qu’on puisse dire.
Mais qui est responsable de la discrimination et des difficultés rencontrées dans l’enrôlement? Qui est le responsable des décisions arbitraires d’attribution des terres de la vallée? Qui est le responsable des nominations arbitraires et discriminatoires? Qui refuse d’appliquer les lois contre les discriminations, contre l’esclavages et ses séquelles? Etc. Le seul et unique responsable est le pouvoir.
C’est se tromper de cible de s’en prendre a une communauté, même si l’on dit ou l’on pense ou l’on croit que ce sont seuls les membres de cette communauté qui sont bénéficiaires des faveurs de ce pouvoir. La vérité est que c’est une infime minorité voire même un clan qui en est toujours le bénéficiaire, et tous les autres sont aussi des frustrés et des mécontents et des discriminés. Donc ils sont des alliés pour le changement démocratique – les exemples nous le montrent tous les jours- Il ne faut donc pas commettre l’erreur ou la faute de transformer ou de convertir cette majorité écrasante des « arabo-berbères » en soutien du pouvoir.
Tous ceux qui aspirent à un véritable changement, à un pouvoir démocratique dans ce pays, sans lequel aucune injustice ne trouvera une véritable solution, doivent se mobiliser pour accomplir ce devoir national dans l’unité. Ainsi nous aurons conjuré toutes les formes de confrontations communautaristes ou interethniques et éviter le chaos dans notre pays.
Le problème donc, ce n’est pas Biram Ould Abeïd, le problème c’est ceux qui nous gouvernent, le problème c’est ceux qui sont les responsables de ces injustices. Il faut donc l libérer immédiatement Biram Ould Abéïd et ses camarades et sans condition.
Marega Baba/France