La question de l’esclavage et de l’unité nationale Cette valse diplomatique occidentale qui fait grincer des dents

Cheikh Aidara
Cheikh Aidara

La tournée et les prises de contact initiées par les ambassadeurs de France et des USA en Mauritanie, notamment avec les responsables politiques et les acteurs de la société civile, semblent ne pas plaire à tout le monde. Certains y voient une ingérence dans les affaires intérieures du pays.

Depuis leur arrivée en Mauritanie, il y a quelques temps, les ambassadeurs de France et des Etats-Unis, leurs Excellences Messieurs Joël Meyer et Larry André, écument les sièges des partis politiques et des organisations de la société civile dans une tournée d’informations et de contacts que beaucoup d’observateurs trouvent naturels pour des diplomates nouveaux qui cherchent à prendre le pouls de la situation politique, économique et sociale du pays dans lequel ils servent.
Des observateurs font remarquer que tant que la curiosité de ces chancelleries était circonscrite à des ballets protocolaires et purement politique, tout allait bien. «Mais il a fallu que la prise de contact aborde des acteurs clés de la société civile en rapport avec des questions qui fâchent, celles des droits humains et plus particulièrement l’esclavage et la situation de la cohabitation, avec une entrevue avec les responsables des FLAMS, pour que des grincements de dents se font entendre » font-ils remarquer. Ils considèrent que « c’est le camp qui se sent le plus visé par ces questions, celui qui a intérêt à ce que le statu quo ante social perdure, qui élève la voix »
Le président du parti islamiste Tawassoul, Mohamed Jemil Mansour, serait le premier à avoir réagi sur son compte tweeter. Il considère que les mouvements de l’ambassadeur des USA en Mauritanie sont suspects et provocateurs. Selon lui, «les Mauritaniens sont capables de régler leurs problèmes loin de toute ingérence de ce genre». Et c’est justement les récentes rencontres entre SEM Larry André et les antiesclavagistes d’IRA, de SOS Esclaves et d’El Hor qui semble avoir hérissé les poils de ceux qui dénoncent les actions de terrain du diplomate américain. D’autres considèrent cependant qu’il ne fait que son boulot et qu’il a d’ailleurs été reçu par les acteurs politiques dans leur bureau et à plusieurs reprises.
Ainsi, la colère d’un pan de la classe politique semble avoir décuplé après la dernière entrevue sous forme de concertation entre les acteurs ennemis de la scène sociale sous l’arbitrage américain. Il s’agit du déjeuner auquel l’ambassadeur US avait convié des représentants du parti-état, l’Union Pour la République, en l’occurrence Oumar Ould Maatalla, Kory Ould Abdel Molla et Cheikh Ahmed Ould Zahav, le mouvement El Hor représenté par Samory Ould Beye, SOS Esclaves par son président Boubacar Ould Messaoud et IRA par Balla Touré. La configuration des invités montrait clairement que le représentant de l’administration américaine aurait chercha à jouer aux conciliateurs entre le pouvoir et les Haratines. Une telle lecture faite par les parties qui dénoncent ce qu’elles appellent «l’ingérence américaine dans les affaires intérieures » poussera certains à évoquer un probable rôle que le régime en place aurait assigné à la diplomatie américaine pour trouver une solution à l’épineux problème de l’esclavage avec toute sa bénédiction. L’hypothèse serait que sans l’aval de l’Etat mauritanien, l’ambassadeur américain n’aurait jamais osé si explicitement s’ingérer dans des affaires nationales.
D’où la colère, selon certains analystes, du président du parti Sawab d’obédience baathiste, donc foncièrement antiaméricain, qui voit dans «les agitations» de SEM Larry André, le spectre de nouveaux troubles sociaux en Mauritanie. Après avoir considéré que le diplomate a outrepassé les limites extrêmes de sa mission, Abdessalam Ould Horma, le président du parti, devait rappeler sur son compte tweeter que c’est au cours de son service au Soudan que ce pays avait connu sa partition.
Cette coulée de laves pouvait rester jusque-là dans le domaine du profane, relèvent d’autres observateurs, si un diplomate de carrière de la trempe de Mohamed Vall Ould Bellal ne s’était invité dans le débat pour apporter main forte aux détracteurs des deux diplomates français et américains. Ould Bellal trouve que dans les conditions normales, il est permis à des ambassadeurs accrédités de s’informer des réalités du pays dans lequel ils sont appelés à servir, d’abord pour des raisons de renseignement et ensuite de culture générale pour le besoin de leurs missions premières, notamment le raffermissement des relations entre leur pays et le pays hôte et la déterminations de voies de coopération mutuellement avantageuses. Cela bien entendu, souligne-t-il en substance, avec l’aval du ministère des Affaires étrangères du pays hôte et après avis des autorités locales chargées de la sécurité. Dans ce cas précis, fera remarquer Ould Bellal, rien ne s’oppose à ce qu’un ambassadeur visite ou reçoit des hommes politiques ou des acteurs de la société civile, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition. Seulement, pour les actions qui touchent à des questions purement nationales, l’ambassadeur ne serait pas selon lui autorisés à dépasser le seuil de la simple information. Il ne doit être ni partenaire, ni partie prenante dans une affaire qui touche la situation intérieure. Tout avis, proposition ou recommandation qu’il serait amené à formuler au cours de ses prises de contact et qui pourrait servir à consolider les relations entre son pays et le pays hôte devront être transmis par voie diplomatique aux autorités concernées. Pour Mohamed Vall Ould Bellal «chaque fois que la démarche d’un diplomate étranger sort de l’ordre naturel de ses missions, c’est qu’il y a une catastrophe qui se prépare», car selon lui, «la diplomatie, notamment la diplomatie occidentale, ne bouge dans ce genre de situation que pour satisfaire rapidement des intérêts avant que l’opportunité ne passe ou contrer un mal avant qu’il ne survienne».

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