La Mauritanie combat l’esclavage en arrêtant des militants anti-esclavagisme (SlateAfrique)

Une manifestation contre l'esclavage à Nouakchott, la capitale mauritanienne, en 2015. AFP

Le gouvernement a condamné treize militants anti-esclavage, leur reprochant de s’être réunis illégalement. L’esclavage concerne encore des dizaines de milliers de personnes dans le pays.

D’un côté, le gouvernement mauritanien assure vouloir lutter contre l’esclavage. De l’autre, il enferme les militants qui manifestent contre cette pratique. Le jeudi 18 août, treize membres de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), dont le porte-parole Hamady Lehbouss, ont été condamnés par le tribunal de Nouakchott à des peines allant de 3 à 15 ans de prison, jugés coupables d’attaques contre le gouvernement, de réunion armée et de participation à une organisation non reconnue.

Une décision de justice qui «confirme encore la volonté des autorités de réduire au silence des défenseurs des droits humains qui luttent pacifiquement contre la pratique de l’esclavage en Mauritanie, et envoie un message inquiétant», selon le communiqué d’Alioune Tine, directeur du bureau régional d’Amnesty International en Afrique de l’Ouest. Début juillet, l’ONG avait déjà dénoncé l’arrestation des treize condamnés, conduits arbitrairement dans un lieu tenu secret par les autorités.

Plus de quarante mille esclaves

Officiellement, la Mauritanie est le dernier pays à avoir aboli l’esclavage, le 9 novembre 1981. Mais trente-cinq ans plus tard, la situation peine à évoluer. Dans ce pays de 3,5 millions d’habitants, 20% de la population continue à perpétrer un système ancestral, dominé par les Maures blancs, d’origine berbère, sur les Haratins et les autres et ethnies noires (Peuls, Soninkés,…) de la région. Selon Global Slavery Index, le nombre d’esclaves est en baisse par rapport à 2014 (de 4 à 1,2% de la population), mais on estime qu’il reste encore 43.000 personnes asservies en Mauritanie. L’esclavage n’est devenu un crime qu’en 2007, puni d’une peine de cinq à dix ans de prison. Le 21 août 2015, le gouvernement avait durci la loi et érigé l’esclavage au rang de crime contre l’humanité, en doublant la peine. Ils avaient alors reçu les encouragements de l’ONU.

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Il n’en reste pas moins que l’IRA est dans la ligne de mire du gouvernement. La veille de l’adoption de la nouvelle loi, Biram Abeid, fondateur de l’ONG, avait été condamné en appel à deux ans de prison. Finalement relâché en mai 2016 après dix-huit mois derrière les barreaux, il était emprisonné pour avoir manifesté sans autorisation. Selon Biram Abeid, l’absence de réaction de l’Occident vient du soutien qu’apporte le gouvernement mauritanien aux opérations contre les djihadistes d’Afrique du Nord.

«Les dirigeants de l’Union européenne et des États-Unis entretiennent des liens étroits avec le gouvernement de Mauritanie, écrivait-il en cellule, selon l’Obs. J’appelle à mobiliser tous les moyens légaux et diplomatiques, y compris la suspension de toute aide financière, pour inciter le gouvernement à arrêter la répression et agir réellement pour éradiquer l’esclavage

Près d’un million de personnes avait signé sa pétition.

Paul Verdeau

Journaliste à Slate Afrique

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