Elu député, le leader de la lutte contre l’esclavage en Mauritanie Biram Dah Abeid croupit toujours en prison ( Global Voices)

Biram Dah Abeid au Conseil départemental de Gironde à Bordeaux, pour la remise du prix Mémoires partagées le 4 février 2017 par l’association internationale Mémoires et Partages. Photo prise par Akunt’Arts.prod & Gaéty.D. CC-license-by-SA-4.0

Nous sommes en Octobre 2018 et environ 90 000 personnes sont encore maintenues esclaves en Mauritanie, selon l’ONG Global Slavery Index. Malgré des textes d’abolitions officielles, sociologues, historiens et associations des droits de l’homme considèrent que l’esclavage héréditaire persiste au sein de la société mauritanienne : privation de libertés dès la naissance, maltraitance, trafics d’êtres humains et viols. Figure historique de la lutte contre l’esclavage, Biram Dah Abeid est le président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie).  Il est aussi en prison depuis trois mois sous prétexte de menace à l’encontre d’un journaliste proche du régime mauritanien.

Arrêté avant même qu’il ne commence sa campagne électorale, Biram Dah Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), a réussi à se faire élire dès le premier tour lors des élections législatives du 1er septembre. Malheureusement, cette élection n’a pas mis fin à son martyr. Le pouvoir le maintient toujours en prison.

Devant cette attitude du pouvoir, les initiatives se multiplient pour soutenir le leader pour les droits humains. Les parlementaires de l’opposition ont fait sentir leurs voix. En effet, selon alakhbar.info, ils ont réussi à faire suspendre la première séance du parlement:

Le vice-président de l’Assemblée nationale, Boidiel Ould Houmeid a arrêté la session après qu’une polémique a éclaté entre les députés de la majorité et ceux de l’opposition après l’omission du nom de Biram Dah Abeid de la liste des membres des commissions parlementaires.

Pendant ce temps, les forces de l’ordre réprimaient violemment une manifestation des militants qui exigeaient la libération de Biram Day Abeid devant le parlement, Le site futureafrique.net rapporte les faits:

Des militants de l’IRA Mauritanie sont venus protester contre la poursuite de la détention de leur Président, Biram Dah Abeid, alors qu’il a recueilli les suffrages nécessaires pour être élu député…

Les unités de la police sont intervenues pour disperser violemment et réprimer dans le sang le rassemblement et on dénombre de nombreux blessés parmi lesquels Leila Ahmed, l’épouse de Biram Dah Abeid.

Des manifestations de solidarité ont également été organisées dans plusieurs parties du monde.

En Belgique, dans un communiqué, IRA Mauritanie en Belgique, a invité les militants des droits humains à une manifestation qui a eu lieu le 11 octobre à Bruxelles devant l’Ambassade de Mauritanie. Dans le compte-rendu de la manifestation publié sur Facebook montant les photos de la manifestation, on peut lire:

Les militants de l’IRA Belgique le 11 octobre 2018 devant l’Ambassade de Mauritanie à Bruxelles pour dénoncer la répression sanglante des militants de l’IRA Mauritanie devant l’Assemblée nationale le 8 octobre et réclamer la libération sans condition de Biram Dah Abeid, élu député par le peuple.

Avec le soutien de l’UNPO et de EOPD.

A Chicago, une coalition de douze organisations non-gouvernementales a lancé une pétition le 15 octobre, déjà signée par près de 233 000 personnes. Dans la lettre qui devra accompagner cette pétition, adressée en arabe, en français et en anglais,  au ministre mauritanien de la justice, M. Dia Moctar Malal, ces ONG expriment leur préoccupation:

L’arrestation de Biram Dah Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), et d’Abdellahi el Housein Mesoud (membre de l’IRA) le 7 août, ainsi que leur détention provisoire ultérieure, sont pour nous un sujet de grande préoccupation. Nous vous adressons cette lettre avant leur comparution afin que vous puissiez vous assurer qu’ils bénéficieront non seulement de toutes les garanties d’un procès équitable mais aussi d’une assistance juridique et d’une remise en liberté en attendant le procès.

Plus de 230 000 personnes dans le monde partagent notre inquiétude et ont signé une pétition* qui vous est adressée ainsi qu’au président Mohamed Ould Abel Aziz. Celle-ci demande la fin du harcèlement des militant-e-s antiesclavagistes et la libération de M. Abeid dans l’attente d’un procès équitable…

Leur détention dans une prison isolée dans le désert du Sahara, sans possibilité de recevoir la visite de leurs avocats ou de leurs familles, et durant laquelle ils auraient été victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, a suscité l’inquiétude de la communauté internationale.

Le 13 octobre, l’ONG Urgences Panafricanistes – créée par Kemi Seba- a organisé en différent pays une mobilisation internationale pour la libération de Biram Dah Abeid. A Paris, selon cridem.org:

Le coordinateur international d’Urgences Panafricanistes s’évertuant à relayer la solidarité de l’organisation de Kemi Seba à l’endroit de l’activiste anti esclavagiste. Il a aussi expliqué que « si le gouvernement mauritanien devait persister dans sa volonté de ne pas mettre en place les conditions d’un réel dialogue en lieu et place de la répression brutale et féroce qui s’abat sur les activistes luttant contre l’esclavage, il n’y aurait alors pas d’autres choix que de lancer une véritable campagne de boycott de produits mauritanien doublée d’une campagne médiatique de harcèlement des représentants de ce gouvernement ».

À Abidjan, c’est la section de Côte d’Ivoire qui a organisé une conférence de presse pour dénoncer la détention arbitraire d’un élu du peuple, le 15 octobre, en ces termes:

Pourtant député, Biram Dah Abeid endure la réclusion, sans procès, au prétexte d’avoir diffamé, voire menacé un journaliste, auteur d’un reportage tendancieux sur lra. Le détenu accuse l’homme de média d’avoir commis un travail de propagande, de diffamation et de dénigrement au bénéfice de la police politique. Le juge d’instruction maintient l’incarcération préventive, le temps d’épuiser ses jours de vacances.

Face au lourd passif de racisme et de correction impunie contre les noirs de Mauritanie, notamment les descendants d’esclaves, un réseau international de solidarité s’organise et ramifie, pour obtenir la libération d’un élu du peuple et la réhabilitation dans ses droits.

En Italie, c’est une discussion qui a été oganisé à Brescia au tour d’un livre consacré à Biram Dah Abeid “Mai più schiavi. Biram Dah Abeid e la lotta pacifica per i diritti umani”(Jamais plus esclaves. Biram Dah Abeid et la lutte pacifique pour les droits de humains) de Maria Tatsos.

Le site lecalame.info annonce que:

L’association Timidria (Niger) condamne avec la dernière énergie la séquestration et la discrimination dont est victime Biram Dah Abeid et les militants d’IRA en Mauritanie. Elle apporte son « soutien indéfectible et sa solidarité au camarade Biram Dah Abeid, dans sa lutte pour l’émancipation de la communauté haratine, victime de racisme et d’esclavage en Mauritanie.

A Dakar, Urgences Panafricanistes a organisé une conférence de presse pour dénoncer l’attitude du pouvoir mauritanien. Dans un commentaire sur Facebook, Brahim MB ZR a écrit:

En tant que mauritanien je vous informe que la Mauritanie de 2018 est très comparable avec l’Afrique du Sud de l apartheid : c’est à dire une minorité d’arabo-berbère qui représentent 25% de la population mauritanienne mais qui détient toutes les richesses du pays et divise ensuite discrimine , marginalise et stigmatise les noirs mauritaniens pourtant majoritaires dans le pays (70%) et certains sont même reduit en esclaves.

Dans une analyse des rapports que le pouvoir mauritanien a adopté vis-à-vis d’IRA-Mauritanie, Thiam Mamadou écrit:

Les attaques ciblées des appareils judiciaire et policier contre la famille Biram Dah Abeid se veulent messages de fermeté, pour faire renoncer le public militant d’IRA à sa témérité et à son engagement. Lors d’une conférence de presse tenue à son domicile, au lendemain de la violente charge dont elle a été victime, madame Leïla mint Ahmed explique ainsi que les policiers l’ont personnellement visée. « C’est comme s’ils n’attendaient que moi, avec des ordres précis. Dès qu’ils m’ont reconnue, ils se sont jetés sur moi, à coups de matraques et de godasses. Je souffre de tout mon corps et n’eût été la pudeur, je vous aurais montré les ecchymoses qui le tapissent ».

Des textes punissant l’esclavage existent pourtant en Mauritanie. Il ne reste qu’à les appliquer. Mais là, on dirait que la volonté politique fait défaut.

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