La table ronde « l’abolitionnisme africain au XXIe siècle » a eu lieu le Samedi 16 février à l’EHESS

Colloque EHESS « l’abolitionnisme africain au XXIe siècle »

La table ronde ‘l’abolitionnisme africain au XXIe siècle’ a eu lieu le Samedi 16 février à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) à Paris. L’auditorium était complètement rempli par plus de 200 personnes, principalement des représentants de la diaspora africaine (surtout Mauritanienne, Malienne et Nigérienne) venant pas seulement de Paris, mais aussi des banlieues et d’autres villes françaises et même de l’étranger. Il y avait aussi nombreux chercheurs et activistes.

L’événement était organisé autour des témoignages de deux grands abolitionnistes ouest-africains: le député Biram Dah Abeid, président d’IRA Mauritanie, et le secrétaire général de l’ONG Nigerienne Timidria qui est aussi secrétaire exécutif du réseau G5 Sahel Esclavage, M. Ali Bouzou. Outre ces deux intervenants principaux, les représentants des ONG abolitionnistes maliennes ont présenté des rapports détaillant la montée recente de violences liée à l’esclavage dans plusieurs régions du Mali, en particulier dans les régions de Kayes et de Nioro.

Le large public qui a convergé pour soutenir les abolitionnistes africains de Mauritanie, du Niger et du Mali témoigne de la gravité de la situation actuelle. En Afrique les tensions sociales entre les propriétaires d’esclaves (et/ou leurs descendants) et les esclaves (et/ou leur descendants), avaient été passées sous silence au cours des premières décennies apres l’indépendance. Comme un certain nombre d’historiens l’ont montré, notamment le Professeur Ibrahima Thioub, le projet de construction des nations africaines avait exigé la négation du clivage entre ceux qui descendaient d’esclaves et ceux qui descendaient de propriétaires d’esclaves. Mais des telles tensions ne peuvent pas être réduites au silence indéfiniment. À moins que les problèmes sociaux qui les causent ne soient résolus, elles apparaissent, malheureusement souvent avec violence.

Les présentateurs africains du colloque ont lancé un appel, en premier lieu à leurs gouvernements, mais également à tous les resortissants de leurs pays, ainsi qu’aux étrangers concernés et aux organisations internationales des droits de l’homme. Ils ont soutenu leur appel par des rapports détaillés documentant la nature et l’ampleur des circonstances auxquelles ils sont confrontés :

Le député Biram Dah Abeid a déclaré qu’en Mauritanie des personnes considérées comme des descendants d’esclaves, pouvant inclure de vrais descendants d’ancêtres réduits en esclavage et des personnes discriminées en raison de logiques racistes (vus comme ‘noirs’ et assimilés aux ‘esclaves’), sont victimes d’exploitation et de violences ouvertes et systematiques, et que les organisations qui tentent de remédier à ces problèmes sont réprimé brutalement. M. Dah Abeid lui-même venait d’être libéré après près de cinq mois d’incarcération.

M. Ali Bouzou a évoqué la situation au Niger, où des centaines de filles sont vendues comme concubines esclaves (wahaya), en particulier dans les régions de Tahoua et de Tillaberi; et où les descendants de propriétaires d’esclaves s’emparent des terres de ceux qu’ils qualifient de descendants d’esclaves et qu’ils revendiquent comme leur propriété, en particulier dans les contextes Djerma. Dans certains endroits les descendants d’anciens propriétaires continuent de traiter les personnes d’ascendance servile comme des esclaves. Ils s’attendent à ce qu’elles travaillent gratuitement, effectuent les tâches les plus dégradantes, et fournissent contributions et services vues comme coutumiers.

Les rapports des ONG maliennes décrit une situation critique marquée par une réaction violente de la part des descendants des propriétaires d’esclaves. M. Malaly Camara, Président de l’ONG GAN-BANAAXOU INETRNATIONAL, a détaillé la montée alarmante de violence à l’égard des personnes considérées comme des esclaves et des militants anti-esclavagistes dans les milieux soninké de la région de Kayes. La région administrative de Kayes est subdivisée en cercles et M. Camara a fourni des détails sur les exactions et les violences commises dans le Cercle de Kayes (villages de Fegui, Nahali, Dramane, Tafacirga, Segala, Bafarara, Khalinioro et Lany), Cercle de Yelimane ( villages de Dialaka, Marena, Yarka), Cercle de Nioro (villages de Diadium, Troungoumbe, Diarrah), Cercle de Diema (villages de Kerwane, Bakhamabougou, Sagama, Diema), et Cercle de Kita (villages de Blissibougou, Sakoa, Mambiri, Djidja).

Dans tous ces endroits, des centaines de personnes ont été ciblées comme esclaves et soumises à des lynchages organisés, destructions de biens, saisie de champs et de bétail, interdiction de quitter leur foyer (isolement), interdiction d’utiliser les ressources du village (embargo) ou de participer à la vie politique et publique du village, et humiliations publique, y compris nudité forcée en public, et l’obligation de prononcer publiquement ce qui est vue comme un acte de soumission: « Je suis né, je suis et je mourrai esclave aujourd’hui et pour toujours ».

Un représentant de l’ONG malienne Rassemblement Malien pour la Fraternité et le Progrès (RMFP) a dénoncé des violences similaires et présenté un rapport contenant les noms des victimes et des agresseurs dans les villages de Dramane, Segala, Lani Tounka, Diguocori, Sansangue, Kayinera, Tringa Marena, Tafisirgua, Nahali, Troungoumbe, Dianjoume, Hamake, Kheriwane, Bafrara, Keinera, Khirwanee, Toudou, Dianjoume, Goussella, Bagamabougou, Sakoura, Brissibougou, Brissibougou, Segala, Dialakha.

M. Hanoune Diko et M. Gaye Traoré ont également pris la parole pour fournir des éléments supplémentaires sur la récente escalade de la violence au Mali. Un certain nombre de points ultérieurs importants ressortent des rapports des militants maliens:

  • Plus de 600 personnes d’ascendance servile ont quitté leurs villages par peur des violences à l’encontre d’«esclaves». Elles sont actuellement déplacées dans diverses régions du pays dans de conditions difficiles.
  • Les agressions sont organisées par les descendants d’anciens propriétaires d’esclaves, des personnes qui revendiquent toujours ce qu’ils considèrent comme leur droit de contrôler ceux qu’ils qualifient d’esclaves, leur travail et leur propriété. Les agresseurs comprennent à la fois des hommes et des femmes de rang supérieur, dont certains occupent des postes publics locaux et nationaux, et des groupes de jeunes armés.
  • Les agressions sont motivées par le refus des personnes d’ascendance de continuer à agir en tant qu’ »esclaves », c’est-à-dire le refus de considérer leur travail, leur propriété et leurs personnes comme appartenant à des membres des anciennes classes propriétaires d’esclaves, et de se soumettre publiquement en tant qu’ « esclaves » à l’autorité des élites que les ONGs qualifient d’esclavagistes.
  • Les agressions visent également à dissuader les descendants d’esclaves de s’affilier aux ONGs anti-esclavage, dont les membres sont persécutés.
  • Les agresseurs et les groupes radicaux pro-esclavagistes opèrent par le biais des médias sociaux (Facebook, WhatsApp, Twitter). Selon les rapports d’activistes anti-esclavage, ces violences seraient soutenues par une campagne internationale d’esclavagistes radicaux et de leurs diasporas africaines et européennes.
  • Les descendants d’esclaves sont persécutés non seulement en Afrique mais aussi dans la diaspora africaine en France et ailleurs, où ils sont intimidés et se voient refuser des postes de responsabilité.
  • L’une des principales préoccupations des activistes et du public présents à la conférence EHESS était la réticence des gouvernements en question à agir avec rapidité et efficacité pour mettre fin à ces violences et protéger ceux qui sont traités comme des «esclaves».

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[English]

The round table ‘African abolitionism in the 21st century’ took place on Saturday, February 16th at the Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) in Paris. The auditorium was completely filled by more than 200 people, mainly representatives of the African diaspora (primarily Mauritanian, Malian and Nigerien) coming not only from Paris, but also from the suburbs and other French cities and even from abroad. There were also many researchers and activists.

The event was organized around the testimonies of two well known West African abolitionists: the deputy Biram Dah Abeid, president of IRA Mauritania, and the secretary general of the Nigerien NGO Timidria who is also executive secretary of the G5 Sahel Esclavage network, M Ali Bouzou. In addition to these two main speakers, representatives of Malian abolitionist NGOs presented reports detailing the recent surge of slavery-related violence in several regions of Mali, particularly in the regions of Kayes and Nioro.

The large public that converged to support the African abolitionists of Mauritania, Niger and Mali testifies to the gravity of the current situation. In Africa, social tensions between slave owners (and / or their descendants) and slaves (and / or their descendants) had been silenced in the first decades after independence. As a number of historians have shown, primarily Professor Ibrahima Thioub, the project of building African nations required silencing the cleavage between descendants of slaves and descendants o slave owners. But such tensions can not be silenced indefinitely. Unless the social problems that cause them are solved, they appear, unfortunately often accompanied by violence.

The presenters appealed not only to their governments, but also to African diasporas, concerned outsiders, and international human rights organizations. They supported their appeal with detailed reports.

Mr. Biram Dah Abeid said that in Mauritania descendants of slaves and victims of racist discrimination (assimilated to black ‘slaves’) are the targets of open and systematic violence. Organizations like IRA that are struggling to address these issues are brutally repressed. Mr. Dah Abeid himself was only recently released after five months of imprisonment.

Mr. Ali Bouzou appreciated the situation in Niger, where girls are sold as slave concubines (wahaya), particularly in the Tahoua and Tillaberi regions; and the descendants of slave owners seize the lands of those whom they call descendants of slaves and claim these lands as their property, especially in Djerma-speaking regions. In some places the descendants of former slave-owners continue to treat people of slave descent as slaves. They expect them to work for free, perform the most degrading tasks, and provide contributions and services seen as customary.

Reports from Malian NGOs describe a critical situation marked by a backlash on the part of the descendants of slave owners. Mr. Malaly Camara, President of the NGO GAN-BANAAXOU INETRNATIONAL, detailed the alarming rise in violence against people considered as slaves and anti-slavery activists in the Soninké areas of the Kayes region. The administrative region of Kayes is subdivided into ‘Cercles’ and Mr. Camara provided details of the abuses and violence committed in the Cercle of Kayes (villages of Fegui, Nahali, Dramane, Tafacirga, Segala, Bafarara, Khalinioro and Lany), Cercle of Yelimane (villages of Dialaka, Marena, Yarka), Cercle of Nioro (villages of Diadium, Troungoumbe, Diarrah), Cercle of Diema (villages of Kerwane, Bakhamabougou, Sagama, Diema), and Cercle of Kita (villages of Blissibougou, Sakoa , Mambiri, Djidja).

In all these places, hundreds of people were targeted as slaves and subjected to organized lynchings, destruction of property, seizure of fields and livestock, prohibition to leave their homes (isolation), prohibition to use village resources (embargo) or to participate in the political and public life of the village, and public humiliations, including forced nudity in public, and the obligation to publicly pronounce what is seen as an act of submission: « I was born, I am and I will die a slave today and forever. « 

A representative of the Malian NGO Rassemblement Malien pour la Fraternité et le Progrès (RMFP) denounced similar violent acts and presented a report that named victims and aggressors in the villages of Dramane, Segala, Lani Tounka, Diguocori, Sansangue, Kayinera, Tringa Marena, Tafisirgua, Nahali, Troungoumbe, Dianjoume, Hamake, Kheriwane, Bafrara, Keinera, Khirwanee, Toudou, Dianjoume, Goussella, Bagamabougou, Sakoura, Brissibougou, Brissibougou, Segala, Dialakha.

Mr. Hanoune Diko and Mr. Gaye Traore also took the floor to provide additional information on the recent escalation of violence in Mali. A number of further important points emerge from the reports of Malian activists:

  • More than 600 people of servile descent left their villages for fear of violence against « slaves ». They are currently displaced in various parts of the country under difficult conditions.
  • The assaults are organized by the descendants of former slave owners, people who claim what they consider their right to control those whom they call ‘slaves’, and the latter’s work and property.  Pro-slavery actors include both elite men and women, some of whom occupy national and local official positions, and groups of armed youth.
  • The aggressions are motivated by the refusal of people of slave descent to continue to act as ‘slaves’, that is, refusal to consider their work, their property and their persons as belonging to members of the old slave-owning classes, and to publicly submit as ‘slaves’ to the authority of the elites.
  • The attacks also aim to deter the descendants of slaves from joining anti-slavery NGOs, whose members are persecuted.
  • The antislavery NGOs’ reports note that ‘pro-slavery radicals’ operate through social media (Facebook, WhatsApp, Twitter) that circulate exhortation to violence in Africa and among African diasporas in Europe.
  • The descendants of slaves are persecuted not only in Africa but also in the African diaspora in France and elsewhere, where they are intimidated and denied positions of responsibility.
  • One of the main concerns of activists and the public at the EHESS conference was the reluctance of the concerned governments to act quickly and effectively to end the violence and protect those who are treated as « slaves ».

Colloque EHESS

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